Les réverbères : arts vivants

Un retour au théâtre plein de tendresse

Après cette longue période loin des planches, l’émotion était palpable aux Amis musiquethéâtre, pour ce retour sur scène. Quel meilleur choix qu’un hommage à Michel Viala, avec Séance et La remplaçante, pour marquer cette reprise ?

C’est d’abord l’émotion qui a primé, pour ce premier spectacle de la saison 2020-2021. Revenir au théâtre après ces mois d’attente… quel plaisir ! En arrivant sur place, on se sent bien. Il y a d’abord l’ambiance du lieu, cosy et empli de tant de souvenirs. Il y a ensuite l’accueil, toujours aussi chaleureux, de Françoise Courvoisier, directrice et metteuse en scène du spectacle. Il y a enfin le spectacle, à proprement parler, qu’on attend avec impatience. Tous les ingrédients sont réunis pour passer une belle soirée !

Sur les planches, on nous propose un diptyque de Michel Viala, avec Séance, suivi de La remplaçante. Tout commence dans l’arrière-salle d’un restaurant. M. Schmidt, interprété par le charismatique Maurice Aufair, lit le procès-verbal de l’Assemblée générale des Joyeux contemporains. Seul à la table, il semble être le dernier survivant du groupe. Régulièrement interrompu par une serveuse peu aimable (Charlotte Filou), il effectue son travail avec beaucoup de sérieux. Non sans l’entrecouper de quelques souvenirs et autres traits d’humour sur l’absence de ses camarades… S’en suit une rencontre improbable entre une sommelière (Charlotte Filou) et un chauffeur-routier (Antoine Courvoisier) qui ne se connaissent pas, dans la chambre de la première. Bien vite, chacun se dévoile à l’autre et l’on comprend que leurs histoires amoureuses ont été des échecs successifs. Trop naïfs ou trop amoureux ? À chacun d’en juger…

De la tendresse avant tout

Ce qui marque d’abord avec la plume de Michel Viala, c’est la tendresse qui s’en dégage. Loin de faire une caricature grotesque de personnages pourtant typés, il les rend profondément humains, agrémentant chaque rôle de la touche d’humour adéquate. Il y a d’abord cet homme, âgé et seul, dont tous les amis et l’épouse sont visiblement décédés. Loin de perdre la tête, il se remémore avec nostalgie les souvenirs des sorties annuelles, les discussions avec sa femme. Il joue même avec les codes du théâtre, en s’adressant aux absents comme, comme s’ils étaient là, se moquant de leurs traits de caractères, de l’ancien militaire trop strict au tire-au-flanc présent dans toute association. Séance se présente ainsi comme une jolie métaphore de la solitude que l’on peut éprouver, une fois un certain âge arrivé, et alors que nos proches ne sont plus là. C’est aussi un message d’espoir, cet homme continuant à rire, alors qu’il a presque tout perdu – c’est d’ailleurs la dernière fois qu’il pourra venir dans cette salle, la patronne ne voulant plus la lui prêter. C’est enfin une belle leçon de partage et de générosité. Que faire de tout l’argent qui reste sur le compte de l’association (plus de CHF26’000.-) ? Quand, touchée par l’attitude du vieillard, la serveuse commence à se confier et à lui déballer les problèmes liés à son divorce, M. Schmidt y voit une opportunité de faire quelque chose de cette somme. Même seul, et malgré l’attitude désagréable de son homologue il continue de penser aux autres…

Cette tendresse et cet humour se retrouvent dans La remplaçante. Alors que le chauffeur-routier débarque dans la chambre de sa fiancée, il est surpris d’apprendre que cette dernière est partie dans la journée, emportant toutes ses affaires et les CHF2000.- qu’il lui avait prêtés pour l’achat de l’argenterie. D’ordinaire réservé, mais marqué par ce qui lui arrive – c’est la deuxième fois ! – il se confie à la sommelière qui occupe désormais la chambre. Racontant son histoire, il paraît d’abord naïf. Pourtant, plus la conversation avance, plus un sentiment de confiance se dégage de cet homme. Il croit en la beauté du monde et de la nature humaine. Elle, qui dévoile moins de détails sur ses histoires, n’est pas en reste. Avec un enthousiasme non-dissimulé, elle tente de redonner espoir à son homologue, en lui montrant qu’il n’est pas seul à avoir vécu de telles difficultés (elle aussi a été quittée, par un peintre, dans des circonstances similaires). Si la vision peut sembler quelque peu angélique, on ne tombe pas dans les clichés, et on finit par éprouver de l’empathie pour ces sympathiques personnages. Quant à savoir si la relation – plutôt ambiguë – entre eux évoluera, la pièce ne le dit pas. L’important est ailleurs : deux âmes esseulées et brisées se rapprochent, se confient l’une à l’autre, se redonnant le sourire et l’espoir avec. C’est ce que je retiens de La remplaçante.

De l’émotion surtout

À la fin de ce diptyque, l’image qui me reste en tête est la tendresse dans les yeux de Charlotte Filou, alors que Maurice Aufair sort de scène, M. Schmidt faisant ses adieux à la pièce. Je n’oublierai pas l’émotion dans leurs regards au moment des saluts, mélange entre celle des fantastiques textes de Michel Viala et celle du retour sur la scène, après ces temps difficiles. Le théâtre est là pour procurer des émotions, et croyez-moi, elle est au rendez-vous, chez tous ceux autour de qui gravite ce spectacle. Merci pour cela.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Séance et La remplaçante, de Michel Viala, du 5 au 23 août 2020 aux Amis musiquethéâtre.

Mise en scène : Françoise Courvoisier

Avec Charlotte Filou, Maurice Aufair et Antoine Courvoisier

https://lesamismusiquetheatre.ch/viala/

Photo : © Anouk Schneider

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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