Un trimestre riche à l’Arsenic
L’Arsenic – Centre d’art scénique contemporain a dévoilé la programmation du trimestre à venir. De janvier à mars, pas moins de quinze projets seront à l’affiche, avec les festival Programme Commun pour clôturer cette période.
2024 débutera par une performance placée sous le signe de l’intimité : dans In Pulse, Anna Rochat imagine des cœurs qui battent : ceux des participants, amplifiés pour que tout le monde les entende. Chaque soir, une nouvelle communauté se créera, comme dans un rituel collectif nous enjoignant à réfléchir ensemble sur notre vivre ensemble, sans mots, mais avec le corps qui prime. À voir du 16 janvier au 4 février, avec un·e artiste invité·e chaque soir.
Dans le même temps, entre le 17 et le 21 janvier, Marco Berrettini proposera sa nouvelle création chorégraphique : El Adaptador. À la façon d’une corrida, le chorégraphe questionne son rapport à un monde qu’il ne comprend plus, lui l’homme blanc hétéro cisgenre. Humour et dérision seront au programme de ce duo mené avec Milena Keller. On nous promet ainsi des danses véganes, des textes à censurer ou plein d’appropriation cultuelle. Bref, un spectacle où tout ne sera pas politiquement correct, mais qui aura le mérite de poser beaucoup de questions.
Toujours au même moment, ou presque, place à Hopecraft Ceremony une performance dansée signée Natasza Gerlach. Entre science-fiction et réalité, le laboratoire utopique qu’elle présente vise un acte de partage, pour explorer l’aspect relationnel comme condition sine qua non du vivre ensemble. Un spectacle en forme d’espoir pour un futur plus solidaire et vivable.
Place à la figure de la Chimère en février. Du 2 au 4 février, Simone Aughterlony et Michael Günzburger présentent UPROAR. À l’heure où les êtres sont de plus en plus pluriels, la figure mythologique de la Chimère permet de questionner cet état de manière métaphorique. Les propositions ne seront d’ailleurs pas que physiques, puisque le dispositif imagine également un espace sonore mouvant, pour renégocier la perspective.
Après la pause dévolue aux vacances, on retrouvera PRICE, en collaboration avec des artistes, danseur·euse·s, compositeurs et parfumeur dans Air Conditions. Une pièce de théâtre jouée de manière frontale ou quelque chose s’est altéré. Quoi et de quelle manière ? Il faudra se rendre à l’Arsenic entre le 15 et le 18 février pour le savoir.
Aux mêmes dates, Jerson Diasonama et Kaê Carvalho offriront un spectacle de danse avec Jogo de Dentro, ou « jeu d’intérieur » en français. Renvoyant à un style de capoeira venu tout droit d’Angola, il explore la rencontre entre deux frères. Une manière de remonter le temps et retrouver ses racines profondes, au cœur de l’intime. Une redécouverte sur scène de deux jeunes hommes qui deviennent, le temps de cette rencontre, le reflet l’un de l’autre.
On naît promesse, mais aussi risque. C’est le message que nous transmet Renée van Trier avec HUMBLE. Dans cette performance transdisciplinaire, elle interroge les décalages entre la réalité, l’apparence et nos projections. Avec en toile de fond tout ce que nous dissimulons, elle nous questionne sur l’utilisation des médias numériques et la manière dont ils ont changé notre rapport au monde et à nous-mêmes.
Rendez-vous du 5 au 10 avec Redwan Reys et l’un des personnages qu’il s’est inventé : Carmen Carat. Avec cette créature fantasque, joyeuse et intempestive, il nous invite à un moment de brillance, de fête et de plaisir. Alors, prêt·e·s à découvrir les numéros de cette chanteuse, danseuse et cabarettiste ?
Du 14 au 24 mars, pour terminer ce trimestre, l’Arsenic accueillera le festival Programme commun, en collaboration avec d’autres théâtre lausannois. Ensembles, ils réunissent leurs programmations et se mettent d’accord sur les horaires pour que tout le monde puisse en profiter !
Durant cette période, l’Arsenic accueillera Ruth Childs et Blast !, une nouvelle création dans laquelle la chorégraphe se confronte à la violence omniprésente autour et en nous. Une violence physique, visuelle, dans tout ce qu’elle a de débordant et transformant. Un spectacle comme un bouillonnement volcanique.
Autre spectacle de danse au programme, blackmilk, de Tiran Willemse, est le premier épisode de la trilogie des Trompoppies, des majorettes en uniforme accompagnées de leur tambour, en Afrikaans. Dans cette performance pleine de tensions, il mêlera les mouvements de ces majorettes à ceux de starlettes blanches, mais aussi des célébrités masculines noires issues du rap. Une exploration des corps présentés comme masculins, africains et afro-américains.
De violence, il sera aussi question dans Repertório N.3, de Davi Pontes et Wallace Ferreira. Mais au contraire du spectacle précédent, ils tenteront de la désamorcer, de déconstruire l’idée que cette violence généralisée est liée aux minorités. En s’appuyant sur des études postcoloniales, de genre et de race, ils chercheront à la conjurer à travers cette performance dansée.
Durant le festival, on pourra également assister à un spectacle qu’on ne présente plus. Après avoir écumé une grande partie des scènes romandes, Rébecca Balestra fera halte à l’Arsenic avec son spectacle de stand-up sobrement intitulé Rébecca Balestra. « J’ai donné mon prénom et mon nom à mon œuvre, comme Yves Saint-Laurent et Bernard Nicod », assure-t-elle.
Après son passage au Pavillon ADC en novembre dernier, Rectum Crocodile passera cette fois par l’Arsenic. Un étrange nom pour ce spectacle signé Marvin M’toumo, qui questionne la manière dont l’univers de la plantation coloniale perdure encore aujourd’hui, dans un poème dansé, un défilé de corps, de danse et de cris.
De passé, il n’en sera pas question dans From the Throat to the Dawn, une performance signée Sorour Darabi. Nous voilà invité·e·s dans un paysage affectif futuriste, dans lequel nous sommes à la fois des concepts politiques et des paysages émotionnels. Un soif de la terra à étancher grâce à notre pouvoir de transformation, nous annonce-t-on…
Enfin, un étrange personnage imaginé par Léa Katharina Meier nous invite dans son univers rose, satiné… et crade ! Avec Tous les sexes tombent du ciel, on assistera à un prisme clownesque entre rire et humour, à l’encontre d’un regard hétéronormatif. Pathétique et tendre, ce spectacle nous enjoint à rire du ridicule et contempler les paysage en carton-pâte des cœurs abîmés.
Fabien Imhof
La programmation complète et les détails de chaque spectacle sont à retrouver sur le site de l’Arsenic.
Photo : © Arsenic