Une compagnie en symbiose
Dans le cadre d’un partenariat, La Pépinière continue de proposer des reportages autour des spectacles joués au Galpon. C’est donc l’occasion de découvrir comment travaillent les différentes troupes. Aujourd’hui, nous rencontrons la Compagnie de l’Estuaire, pour L’agenda des tentacules, une création de la chorégraphe et co-directrice des lieux Nathalie Tacchella, en collaboration avec l’équipe artistique.
Il règne une ambiance familiale quand on arrive au Galpon, pendant la pause de la répétition. Les artistes s’affairent dans la cuisine, proposent des cafés, échangent. Nathalie Tacchella, l’une des co-fondatrices de l’Estuaire, me présent les danseur·se·s Marion Baeriswyl, Fabio Bergamaschi, Aïcha El Fishawy, Ambre Pini et Diane Senger, également le musicien Adrien Kessler et Florian Bach qui s’occupe de la création lumière. Elle m’explique que la compagnie a l’habitude de travailler ensemble depuis des années, et cette proximité se ressent dans les rapports détendus, dans l’ambiance à une semaine de la première, où iels estiment qu’iels ne sont « pas en retard, mais pas très en avance non plus », en rigolant.
Nathalie me précise que, comme toute création, la pièce se construit sur une intention issue de son propre imaginaire ; elle n’existe pas avant qu’elle existe ! Elle se construit pas à pas, nourrie du savoir-faire de chaque artiste et du dialogue qui se tisse tout au long du processus.
La musique, par exemple, est composée par Adrien Kessler, qui compose à partir des mouvements et des ébauches chorégraphiques filmées à différents moments du processus. Ce travail de distanciation entre la musique et la danse, assez présent en danse contemporaine, permet de créer une musicalité du mouvement, et de créer un contrepoint fécond entre musique et mouvement, m’explique Nathalie. La création des costumes, réalisés par Marion Schmid, s’est faite dans l’idée de recréer des habits de travail de paysans ou d’ouvriers des années 50 dans la forme, mais avec beaucoup de textures différentes, des rendus satinés et pailletés qui évoquent l’univers sous-marin.
J’ai la chance d’assister à une répétition en costume, pour les tester sur les corps mais aussi pour qu’ils soient le plus patinés possible pour les représentations. La création lumière, réalisée par Florian Bach, se fait également en live, l’écriture des séquences lumière se fait au fil des répétitions.
La scénographie, de Padrut Tacchella, se compose d’un immense tissu gris sombre au sol, formant des reliefs, et des blocs figurant de petites îles. Chaque îlot a d’ailleurs son petit nom, pour permettre aux danseurs de se repérer dans l’espace, le capitole, l’université, la bibliothèque… un microcosme urbain ressemblant à des rochers marins.
Pour la danse, la partition n’est pas préécrite. Nathalie donne les indications de qualité de mouvement, de déplacements et de relations entre les danseuses et danseur explorent. L’écriture se fait progressivement à partir de ce matériel. En fin de ce processus qui a pris des chemins parfois inattendus, Nathalie visionnait les captations vidéo hors répétition, prenant du recul pour continuer de nourrir le travail avec un point de vue « hors plateau ».
Pendant la répétition, les indications de Nathalie sont à la fois précises et succinctes, et portent principalement sur les directions, l’interaction avec le décor, les connexions entre elleux, mais une liberté quasi totale est accordée aux danseur·se·s, qui sont en dialogue constant avec la chorégraphe. Grâce au choix de n’avoir pas écrit complètement le spectacle, à part les déplacements et quelques parties précises, les pas sont différents à chaque correction, je n’assiste jamais au même morceau de danse.
Petits pieds, marelles, pélicans, chez les yéyés, autant de vocabulaire mystérieux qui donnent lieu à des corps mouvants de manière très organique, qui tout à coup fait sens dans son ensemble. Une partie de la répétition se fait sans musique, et il est fascinant de voir à quel point les corps se synchronisent, se stoppent en même temps, par une sorte de magie, sans forcément d’indications claires.
Je sors de cette après-midi avec l’envie de voir la totalité du spectacle ; l’énergie qui se dégage de cette troupe qui fonctionne en symbiose colle tout à fait à L’agenda des tentacules tel qu’on peut se l’imaginer.
Léa Crissaud
Infos pratiques :
L’agenda des tentacules, par la Cie de l’estuaire, chorégraphie de Nathalie Tacchella, en collaboration avec l’équipe artistique, au Théâtre du Galpon du 5 au 15 décembre 2024.
Distribution :
Chorégraphie Nathalie Tacchella en collaboration avec l’équipe artistique
Danse Marion Baeriswyl, Fabio Bergamaschi, Aïcha El Fishawy, Ambre Pini, Diane Senger
Composition musicale et diffusion sonore Adrien Kessler
Création lumière Florian Bach
Création costumes Marion Schmid
Scénographie et construction Padrut Tacchella
Direction technique Vahid Gholami
Production déléguée Laure Chapel – Pâquis Production
Photos : ©Isabelle Meister