Les réverbères : arts vivants

Une dernière saison en apothéose pour NKDM

Alors qu’il entame sa dernière saison à la tête de la Comédie de Genève, le duo Natacha Koutchoumov – Denis Maillefer a présenté un programme alléchant, avec pas moins de 28 spectacles au programme.

Pour cette dernière saison qu’iels programment avant que Séverine Chavrier ne leur succède, Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer ont décidé de faire les choses en grand ! Avec leur comité de programmation, iels ont choisi comme thématique de saison « Se rêver », en arguant un besoin de fiction. En filigrane, nous retrouverons des thématiques comme l’écologie, le thriller et surtout des histoires qui se racontent, de différentes façons.

Ouverture avec La Bâtie

Comme de coutume, c’est La Bâtie – Festival de Genève qui ouvrira la saison, avec trois spectacles accueillis. Du 31 août au 2 septembre, Miet Warlop, artiste aux multiples talents, mettra en scène une compétition sportive en musique, pour le quatrième opus de ses Histoire(s) du théâtre. S’ensuivra un parcours historique autour de la danse, entre musique classique et danse contemporaine, dans Mitten wir im Leben sind, un titre qui reprend l’épitaphe de Pina Bausch. Enfin, dans The Romeo, Trajal Harrell, fondateur du Schauspielhaus Zürich Danse Ensemble, imaginera la danse comme un langage universel, qui mélange les origines et les cultures dans une seule danse qui rassemble les histoires du monde entier.

De grands noms au programme

On parlait de voir les choses en grand, et pour ce faire, la Comédie accueillera des artistes internationaux, à commencer par Tiago Rodrigues, qui reprendra son Chœur des amants, un texte de 2007. Avec le même casting, il se demandera comment ses personnages ont vieilli depuis. Dès le 12 octobre, hommage à Olga Tokarczuk, prix Nobel de littérature. Simon McBurney s’inspire d’un de ses romans pour présenter un thriller écologique en Pologne, et le rapport toujours ambigu entre l’humain et le sauvage. D’écologie il sera encore question début novembre, avec Henrik Ibsen et Un ennemi du peuple, mis en scène par Éric Devanthéry. Une fable écologique qui nous avait ébahi·e·s lors de sa création à l’Orangerie.

D’autres grands auteurs seront encore au programme, à commencer par Racine et un classique parmi les classiques : Stéphane Braunschweig reprendra Andromaque, pour faire résonner les alexandrins dans une mise en scène épurée. À la même période, à savoir dès le 8 février, Lionel Baier proposera une nouvelle vision de Foucault, à travers un road trip qu’il a réellement vécu dans la Vallée de la Mort, et la présence de LSD. Une histoire vraie qui aura la particularité d’être présentée avec une femme dans le rôle du philosophe.

Autre réalisateur à l’honneur cette saison, Frederick Wiseman, maître du documentaire, a demandé à Julie Deliquet de reprendre son Welfare, qui prend place dans un centre d’aide sociale à New York, pour l’amener sur les planches. La programmation serait incomplète sans une présence musicale. Dominique A reviendra sur la scène de la Comédie, accompagné de quarante musiciens de l’Orchestre de Chambre de Genève pour ce qui s’annonce déjà comme un événement de la saison. N’oublions pas non plus Gisèle Vienne et Adèle Haenel, qui collaboreront encore une fois dans Extra Life, l’histoire d’un frère et d’une sœur lors d’un voyage en voiture qui parlent et reviennent sur la violence de leur enfance.

Des histoires qui se racontent

Toute la saison, la Comédie mettra en avant des histoires vraies. Alexander Zeldin sera de retour en novembre avec The Confessions, un spectacle basé sur la vie de sa propre mère, particulièrement de ses moments transgressifs, toujours en lien avec l’histoire du 20ème siècle. Réécriture également ensuite avec Ludovic Chazaud qui reprendra La Belle et la bête, dans une version où se mêlent l’autofiction autour de la vision de l’amour et du regard porté à des personnages qui ont vieilli.

La future directrice de la Comédie sera également programmée cette saison – un choix qui s’est fait avant même sa candidature – avec Ils nous ont oubliés. Dans cette adaptation de La Plâtrière de Thomas Bernhard, elle propose un regard frappant sur le roman, dans un univers oppressant et étrange, où le langage marque particulièrement. La grande histoire rencontrera ensuite l’intime en fin d’année, avec Nous ne sommes plus… de Tatiana Frolova, elle qui voit le théâtre comme une mission, après avoir quitté la Russie en raison de ses oppositions aux régimes. C’est cela qu’elle racontera dans son spectacle.

Histoire toujours avec The Game of Nibelungen, un spectacle qui avait marqué la sélection suisse à Avignon en 2022. Laura Gambarini y incarne une prof d’allemand un peu déjantée, qui raconte ce classique germanique dans une vraie classe. Évoquons encore ici la grande histoire, avec Neandertal de David Geselson – qu’on retrouvera d’ailleurs dans Le chœur des amants en début de saison – ou le récit d’un groupe de scientifiques qui tentent de déchiffrer l’ADN de nos ancêtres, et confrontent leur propre histoire à celle qu’on a l’habitude d’écrire avec un grand H.

De la danse aussi

Le duo de directeur·ice y tient : il faut qu’il y ait de la danse au programme. Du 21 au 23 novembre, Alain Platel offrira un cadeau posthume à Pina Bausch, avec Out of Context – for Pina, une pièce mythique datant de 2009, pour l’une des rares représentations en Europe. Deux semaines plus tard, Marc Oosterhoff mêlera la danse au cirque et à la magie nouvelle, dans un spectacle qui rappelle à la fois Buster Keaton et Beckett. Il s’amusera à jouer avec les nerfs du public, sans filet…

Les 2 et 3 février, la Comédie accueillera le troisième volet d’une trilogie signée Sharon Eyal et Gai Behar, chorégraphes israélien·ne·s, pour l’un des coups de cœur des programmateur·ice·s de la saison. En fin de saison, la Comédie accueillera Kantik de Perrine Valli, qui explore le désir et l’énergie sexuelle, entre le cantique et la physique quantique. Intriguant, n’est-ce pas ? Juste après, le 5 mai, c’est Mathilde Monnier qui investira les lieux pendant la Fête de la danse. Il s’agira d’un retour sur sa carrière et sur ses pièces, qu’elle rejouera et racontera en même temps, dans tout le bâtiment.

Créer des liens

Au mois de janvier, la Comédie donne sa chance à deux jeunes troupes, dans un Focus intitulé S’élancer. Isumi Grichting et Christian Cordonier proposeront d’abord un spectacle en anglais « bricolé », selon les termes de Denis Maillefer : des jeunes dans un garage, qui s’occupent et s’inventent des mondes. Autre duo au programme dans ce cadre, Alenka Chenuz et Amélie Vidon parleront de l’échec, le vrai, pas celui qui forme. Un spectacle de clowns musicaux, si l’on peut le définir ainsi.

Mentionnons ici également le projet Pont des arts, qui proposera toute la saison différents événements qui relieront le théâtre au monde et aux autres arts, que ce soit la musique avec l’ensemble Contrechamps, ou la danse avec Groove’n’Move, ou encore lors d’événements réguliers ou le public pourra investir les murs de la Comédie pour découvrir le monde des arts.

Il nous reste trois spectacles à mentionner, à commencer par Rêve d’automne, qui se jouera… en hiver ! Denis Maillefer mettra en scène le texte de Jon Fosse, pour raconter la seconde vie d’un amour, en se questionnant sur le désir dans ce qu’il décrit comme une pièce charnelle. Du 19 au 28 avril, le Collectif Clar présentera Pile ou face, ou l’histoire de femmes qui s’ennuient dans leur famille, en attendant le mari, le père… une manière de présenter un point de vue féminin sur la famille. Enfin, la saison se clôturera avec Alexandre Doublet et Il n’y a que les chansons de variété qui disent la vérité, un remake de son propre remake de Platonov, comme une relecture de son travail.

Alors, si vous aussi, avec la Comédie, vous avez envie de « vous rêver », n’attendez plus !

Fabien Imhof

La programmation complète et les détails de chaque spectacle sont à retrouver sur le site de la Comédie de Genève.

Photo : © Théo Gosselin

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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