Une vie pour la paix et l’amour
Avec Bob Marley : One Love, Reinaldo Marcus Green signe un film sur la carrière du Roi du reggae, depuis le moment où celle-ci est devenue internationale et retentissante. Sans oublier de montrer la face sombre de l’homme et de son histoire.
One Love
« One Love! One Heart! Let’s get together and feel alright. »
Le titre donné à ce biopic reprend celui d’une chanson emblématique de Bob Marley, un véritable hymne à l’amour et à l’unité. Pour lui, tout change en 1976. Alors qu’il doit donner un concert pour la paix en Jamaïque, il échappe de peu à une tentative d’assassinat, tout comme son agent Don, qui s’en sort miraculeusement malgré six balles reçues. Alors que la situation politique est instable dans le pays, entre un gouvernement corrompu et des guerres de gangs, il décide de fuir et de s’installer à Londres, où il sera plus en sécurité. C’est à ce moment-là qu’il décide de marquer les esprits et d’écrire un album qui parlera à tout le monde. Exodus est en marche, considéré depuis comme le meilleur album du XXème siècle. C’est dans cette aventure que nous le suivons à travers ce film magnifiquement porté Kingsley Ben-Adir et Lashana Lynch, qui interprète sa femme Rita.
No woman, no cry
« Good friends we have, oh, good friends we lost
Along the way, yeah
In this great future, you can’t forget your past
So dry your tears, I say »
Si Bob tente de se tenir loin de la politique et des conflits, il en fait malgré lui partie. Son but est en premier lieu de transmettre le message du mouvement rastafari, fondé en Éthiopie par Haïlé Sélassié, à qui Bob Marley rend hommage en ouverture de chacun de ses concerts. Son nom de baptême est Robert Nesta Marley : Nesta, le messager, ainsi que le lui dit l’un des sages du mouvement, alors qu’il vient de le rejoindre. Alors qu’il veut répandre ce message de paix et d’amour, donc, Bob Marley est rattrapé par la réalité : la situation en Jamaïque le contraint à partir. Et alors que sa carrière décolle, il doit se rendre à des événements mondains, bien éloignés de ce qu’il est. Ceci ajouté à la traîtrise de Don, qui pense plus à s’enrichir qu’à servir les intérêts de la communauté, ajoutant encore une relation avec Rita qui se détériore et un cancer qui lui est diagnostiqué… Bob ne parvient pas à trouver la paix intérieure. Comment, dès lors, la transmettre à autrui ? Cette évolution et ce questionnement profonds sont très bien amenés durant le film, en filigrane de son histoire. On le voit perdre pied, douter, être soutenu, montrer parfois sa part plus sombre, pour mieux se relever ensuite.
Dans cet aspect, le rôle de son épouse Rita est central. Elle dont on ne parle en général pas beaucoup est ici mise en avant, et s’avère déterminante dans la vie de Bob. Dans les flashbacks qui émaillent le film, on comprend que c’est elle qui l’a conduit à rejoindre le mouvement rastafari. Mieux, elle est toujours présente, à le soutenir, s’occupant de tous ses enfants – y compris ceux qu’il a eus avec d’autres femmes – et restant sa choriste principale. Rita, cette femme de l’ombre, confirme bien l’adage populaire qui dit que derrière chaque grand homme se cache une femme. La légende de Bob Marley ne serait sans doute pas ce qu’elle est sans elle.
Redemption song
« Won’t you help to sing
These songs of freedom?
‘Cause all I ever have
Redemption Songs »
Fredonnée dès l’introduction du film, alors qu’un texte défile à l’écran pour contextualiser la situation, ainsi qu’au début de chaque concert, Redemption Song émaille tout le film, en filigrane subtil. Quand il la chante pour la première fois, avec tous ses enfants et Rita réunis autour de lui, cette dernière lui demande quand il l’a écrite. « All my life », lui répond-t-il. Voilà une chanson à la symbolique particulièrement forte, qui résume bien l’histoire de Bob Marley, en corrélation avec ce qui se passe dans son pays et l’héritage dont il est issu : une invitation à s’émanciper des coutumes esclavagistes trop souvent intériorisées par la communauté afro-américaine.
Tout le film développe bien sûr une grande dimension musicale, en montrant l’enregistrement et l’interprétation de plusieurs chansons, dès débuts des Wailing Wailers en studio, à la sortie du mythique Exodus. Au-delà de cela, c’est la dimension spirituelle qui s’avère particulièrement intéressant dans ce film. Le mouvement rastafari définit un Christ noir. On ne peut s’empêcher de penser que Bob Marley en est une figure. Bob Marley : One Love l’évoque d’ailleurs subtilement : comme Jésus, il meurt jeune, à 36 ans, des suites de son cancer, tout en ayant réussi à apporter la paix dans son pays. Pour preuve cette image d’archives, où les deux grands leaders politiques de la Jamaïque, en grand conflit, sont invités sur scène à se serrer la main. Une image forte qui aura, à n’en pas douter, changé l’avenir du pays irrémédiablement. Notons aussi que ses chansons sont, encore aujourd’hui, de véritables hymnes pour la paix et l’amour.
Pour porter ce film, on ne peut que s’incliner devant la magnifique performance de Kingsley Ben-Adir et Lashana Lynch. Le message du King of Reggae résonne d’autant plus fort, invitant tout un chacun à partager, à s’aimer, mais aussi à se lever face à des pouvoirs en place illégitimes, violents et mauvais pour la population. Au vu de l’actualité récente, on ne peut qu’enjoindre tout le monde à se rappeler les paroles de Get up, stand up :
« Most people think great God will come from the sky
Take away everything, and make everybody feel high
But if you know what life is worth
You would look for yours on earth
And now you see the light
You stand up for your right, yeah
Get up, stand up (yeah, yeah)
Stand up for your right (oh-ooh)
Get up, stand up (get up, stand up)
Don’t give up the fight (life is your right) »
Fabien Imhof
Référence :
Bob Marley : One Love, réalisé par Reinaldo Marcus Green, États-Unis, sortie en salles le 14 février 2024.
Avec Kingsley Ben-Adir, Lashana Lynch, James Norton, Tosin Cole, Umi Myers, Anthony Welsh, Nia Ashi…
Photos : © Paramount