La plume : BA7La plume : créationLa plume : littérature

Pastiche : Bribes miroir

Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !

La Pépinière vous propose un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !

Aujourd’hui, c’est Auréane Ballif qui prend la plume. Elle nous invite dans un pastiche… à vous de découvrir l’auteur ou l’autrice d’origine ! Bonne lecture !

* * *

Bribes miroir

Petite fille en robe bleu ciel, jouant dans un parc, courant, chahutant, agacée par le petit frère qui pleure dans sa poussette.

L’étole maternelle, sa douceur palpable contre la joue rose, le bouquet floral poudré et des notes hespéridées et fraîches, sa teinte sable plus claire encore que la vieille couverture du petit lit et du landau en osier.

Soumise au regard clinique et intimidant du médecin, masque d’oxygène maintenu contre son visage, sa nudité de fillette dissimulée derrière une blouse d’hôpital, couchée sur le dos, esseulée parmi ses angoisses, le corps engourdi par un liquide qui annihile ses sens, bras écartés, la main abandonnée sur le côté dans laquelle loge une aiguille pointue.

Joues pincées, robe en soie pendant mollement sur ses épaules, on la conduit jusqu’au salon, où le grand-père s’amuse des nouvelles creuses et des pitreries du petit frère tout en servant le thé aux épices, et lui lance un regard désapprobateur qui la fait soupirer d’agacement.

Accoutré de sa chemise à carreaux délavée et de son pantalon en coton, l’homme aux cheveux cartonnés, au visage anguleux comme une vieille équerre, l’œil sermonneur et les lèvres retroussées. Manuel sur le pupitre, lentement on se met au lit. Ah vous dira-t-on, enfants, ce qui cause votre tourment. Très péniblement, on s’éveille dans un monde brumeux, hostile et morose, que l’on quitte tant bien que mal pour déboucher au prix de bien des cauchemars dans un pays étranger principalement constitué de champs de vecteurs et dont la langue officielle est fragmentée en polytopes et en variétés différentielles.

Petite voleuse de livres, pour se dérober aux remontrances et aux tâches, s’enfermant dans une partie du grenier dans lequel dort le chat aux longs poils disposés comme des nids.

Escaladant la plus haute tour de la maison, évitant les tiroirs vides, les obstacles et les échardes saillantes, sifflotant une comptine, elle ignore les craquements et les plaintes. Fièrement, elle atteint le sommet plat et lisse qui ne veut pas d’elle. Hurlements stridents de maman, pareils aux grondements de l’ours à qui l’on a dérobé les victuailles et dont les échos remontent le long des murs dépouillés. La terreur qu’elle avale et qui comprime ses poumons de ses griffes aiguisées l’encourageant à s’élancer, les muscles raides comme un nageur sur le point de plonger.

Auréane Ballif

Vous souhaitez découvrir d’autres textes produits dans cet Atelier ? N’hésitez pas à vous rendre dans nos pages numériques… et à découvrir une sélection-florilège sur L’Exultoire (le site de l’Atelier).

Photo : © Tama66

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *