Les réverbères : arts vivants

Vincent Dedienne : une « vieille âme » qui illumine le Forum Meyrin

Avec Un soir de gala, Vincent Dedienne a eu droit à une standing ovation de la part du public du Théâtre Forum Meyrin, mardi 3 décembre. Un spectacle de sketchs « à l’ancienne », où il aborde une forme de nostalgie, à travers d’hilarants personnages, sans oublier de nous toucher en plein cœur.

Tout commence avec une voix-off : celle du Vincent Dedienne d’aujourd’hui qui s’adresse, à travers une lettre, au Vincent Dedienne enfant. Il évoque ses rêves, ceux qui se sont réalisés ou non, la manière dont le monde a évolué, et ce qui le touche aujourd’hui en tant qu’humoriste. Il faut dire qu’il n’a pas osé dire au technicien que sa demande d’avoir un piano sur scène était une blague. Alors voilà, il se retrouve avec un immense piano à queue au milieu de la scène, alors qu’il avoue ne pas savoir en jouer. Ce seul élément de décor lui servira pour ses sketches, comme un bureau, une table de salle à manger, une scène…

Un véritable gala

Si le spectacle de Vincent Dedienne s’intitule Un soir de gala, c’est tout sauf un hasard. Alors qu’il arrive au terme de sa tournée, qui sera ponctuée par quelques dates à Paris, il débarque sur scène, en costume deux pièces, s’asseyant au piano avant de s’adresser au public, non sans une petite allusion au Juste Prix et à Philippe Risoli, à l’aide de son micro. Il nous parle ensuite de son spectacle, qui prendra la forme de sketches « à l’ancienne », avec différents personnages. On apprécie le côté nostalgique de cette forme, qui rappelle aussi les cabarets et galas réunissant plusieurs humoristes, comme on en voit peut-être moins souvent aujourd’hui. Car de nostalgie, il en est véritablement dans Un soir de gala. Il nous parle du passé, de l’enfance, de ses grands-parents, de son rapport à ses parents, de ses vacances…

À travers la succession de sketches, nous rencontrons différents personnages : cet homme âgé qui assiste aux enterrements de stars ; une agente de voyage fan des pires criminels ; un journaliste en charge du flash info du matin à la radio et qui vit dans un monde où tout va trop vite ; cette petite fille qui n’aime pas trop sa nouvelle belle-mère ; ce chorégraphe un peu perché qu’on a toutes et tous rencontré une fois dans notre vie ; la bourgeoise très à droite et en-dehors des réalités… avec cette galerie de personnages, qu’on rencontre parfois sans transition – quelle surprise de passer de la boîte de nuit sous cocaïne au discours de mariage d’une petite fille pas aussi innocente qu’elle en a l’air – Vincent Dedienne fait étalage de toute sa palette d’acteur. Il y en a encore d’autres, et l’humoriste finit aussi par montrer quelques aptitudes en danse. On apprécie donc cette dimension de gala, où différents arts sont convoqués, au service de l’humour et d’un propos plus profond qu’il n’y paraît.

Humour et nostalgie

Sous couvert de sketches à l’humour criant, qui font rire aux larmes certain·e·s spectateur·ice·s, Vincent Dedienne n’en oublie pas pour autant d’aborder des sujets plus profonds. Il y a, bien sûr, cette nostalgie constamment présente, non sans émotion. On pense à l’un des derniers sketches, où il évoque ses grands-parents, avec une jolie tendresse dans la voix, qui nous fait penser aux nôtres. Il y a ce temps de l’enfance, désormais révolu, et tout l’innocence qui va avec. Innocence que l’on retrouve dans le discours de la petite Léonie, peu enjouée à l’idée du remariage de son papa chéri. Au-delà de ces aspects, qui apportent une dimension plus touchante à ce spectacle comique, Vincent Dedienne parvient, avec une écriture très fine, à aborder de nombreux sujets d’actualité, politiques ou sociétaux, par petites touches subtiles.

On pense alors au sketch de cette bourgeoise, parfaitement en-dehors des réalités, avec une pique bien sentie à la droite française. Mais on pourrait également parler du milieu journalistique, une véritable jungle décrite à travers ce présentateur appelé au pied levé pour le flash info du matin, qui trie les informations en fonction du buzz qu’elles vont créer, et qui s’adresse aux stagiaires et collègues d’une manière totalement inappropriée. Si le personnage fait rire, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il n’est pas complètement fictif, loin s’en faut. On évoquera encore cet acteur qui, en pleine interview, pense plus à montrer tous ses biens matériaux offerts par de grandes marques, qu’à parler de lui et faire la promotion de son film. Les exemples pourraient être multipliés à l’infini, tant chacun des personnages interprétés par Vincent Dedienne a ses particularités et sous-tend une certaine critique, ou du moins un constat que certaines choses ne vont pas. On comprend d’autant plus la dimension nostalgique de son spectacle. Et pourtant, il le répète : non, ce n’était pas mieux avant !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Un soir de gala, de Vincent Dedienne, Juliette Chaigneau, Mélanie Le Moine et Anaïs Harté, au Théâtre Forum Meyrin, le 3 décembre 2024.

Mise en scène : Vincent Dedienne et Juliette Chaigneau, ainsi que Yan Raballand pour la partie chorégraphique

Avec Vincent Dedienne

https://www.meyrinculture.ch/activites/un-soir-de-gala

Photos : ©Jean-Louis Fernandez

 

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *