Le banc : cinéma

Visions du Réel – Atelier critique – Jesa (1)

Aujourd’hui, La Pépinière vous emmène au sein de l’atelier de critiques qu’elle organise pendant le festival Visions du Réel. Les participant-e-s ont visionné un court-métrage intitulé Jesa et se sont livrés à un exercice de critique courte. Voici les deux premières, signées Valentine Matter et Marie Kondrat.

Jesa : le point de rencontre

En Corée du Sud, les ancêtres sont fêtés au cours du jesa, une cérémonie rituelle très codifiée. Dans ce court-métrage de Kyungwon Song, on assiste à la préparation culinaire de la cérémonie en famille.

Une table vide. Des aliments aux saveurs exquises viennent petit à petit la garnir dans un ballet frénétique et incessant. À distance, depuis Skype, la voix imposante et autoritaire du père de la réalisatrice dirige avec une précision chirurgicale la main de sa fille dans la disposition des plats. Tout semble parfait. Pourtant un élément rompt avec le déroulement coutumier du rituel.

Jesa est un film esthétique par la gourmandise qu’il suscite, qui explore avec humour les tensions entre tradition et modernité à travers la thématique du genre.

En optant pour un format court et un montage dynamique à la façon du stop motion, la réalisatrice confère à son film un ton résolument moderne, en total contraste avec l’objet filmé. C’est certainement là que se situe toute la finesse de sa démarche, à ce point de rencontre entre deux mondes qui n’ont pas fini de s’apprivoiser mais qui s’y emploient avec conviction.

Valentine Matter

Référence :

Kyungwon Song, Jesa, Etats-Unis, Corée du Sud, 6 minutes.

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Jesa de Kyungwon Song : quand cuisiner rime avec filmer

Le dernier court-métrage de Kyungwon Song reprend les techniques d’animation en volume devenues chères à la réalisatrice, cette fois-ci pour une incursion inattendue dans le rituel du jesa. Il s’agit d’un repas traditionnel en honneur des ancêtres défunts. La protagoniste appelle ses parents par Skype pour les interroger sur la cérémonie et, en suivant leurs indications, se met à cuisiner.

Le documentaire ne met pas particulièrement en valeur la cérémonie : il se présente plutôt lui-même comme un geste ritualisé. Car on comprend rapidement que ce qui environne la tradition du jesa – la préparation, les croyances, voire les préjugés – compte autant, si ce n’est plus, que sa dimension symbolique. Alors pourquoi ne pas y ajouter aussi une séance de tournage ?

Kyungwon Song s’amuse à réinventer chaque recette avec un coup d’animation : la technique de stop motion fait que des légumes s’étalent, se coupent et se disposent seuls dans des plats. Frénétique et expérimental, le film ne montre que des coupes, des cuts, bref, du montage. Puis, tout disparaît. Un repas destiné aux fantômes, préparé par des mains fantômes (féminines). Le jesa n’y est donc qu’un prétexte, mais un prétexte résolument tourné vers le cinéma, avec ses trucages et ses manies, qui intéressent l’autrice avant toute autre chose.

Marie Kondrat

Référence :

Kyungwon Song, Jesa, Etats-Unis, Corée du Sud, 2019, 6 minutes

Photo du tournage : https://www.kyungwonsong.com/jesa

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