Les réverbères : arts vivants

“Viva la revolución” avec des marionnettes

Qui est ce « Z » sur l’affiche du spectacle ? Un justicier masqué à la Zorro ? Le révolutionnaire Emiliano Zapata ? Un peu de tout cela au final, car Z raconte l’histoire des révolutions, des luttes pour la justice, portées par des marionnettes bien vivantes, à voir jusqu’au 12 mai au Théâtre des Marionnettes.

La Cmpagnie Tête dans le sac choisit, dans ce nouveau spectacle, d’explorer l’Amérique du Sud. Terrain fertile de luttes, de révolutions, à la suite de la colonisation et de l’esclavage dont elle n’est sortie que récemment au vu du calendrier de l’Histoire, ce continent a beaucoup à apporter au propos de Z. Dans cette pièce, on part à la rencontre de communautés zapatistes modernes et de leurs combats, sur des airs de tango joués en live par les deux musiciens présents en bord de scène. Un spectacle dans lequel la mort est questionnée, autour des rapports entre passé et présent, de la mémoire, de la fiction, de la justice, et bien plus encore.

Dénonciation

Ce qu’on retient d’abord de Z, c’est le propos fort mis en avant. À la lumière des événements du passé, les personnages montrent que, de tout temps, les plus faibles, les plus petits ont été acculés, qu’ils soient esclaves, ou pauvres. Exploités par la société capitaliste moderne, les « plus petits des petits » doivent lutter pour leur survie, chaque jour. Anonymes, se réunissant, ils nous enseignent l’humilité. La phrase de Gros Monsieur, un paysan engagé au théâtre pour illustrer sa situation, répétée comme une litanie, nous rappelle ainsi que les Hommes ne sont que de passage ici-bas : « Cette terre n’est pas à moi. Elle m’a été confiée par ceux d’avant moi pour ceux d’après moi. » Ensemble, ils nous rappellent aussi qu’on est plus fort en s’unissant et que même les plus petits parmi les plus petits sont capable de réussir de grandes choses, de renverser une situation injuste, s’ils se rassemblent. Car Z, c’est avant tout une histoire de lutte pour la justice.

Pour preuve, même la mort est en burnout. À force de recueillir des morts en masse, qui ont succombé à la faim et à des conditions de vie trop difficiles, elle n’en peut plus. Elle en profite pour nous rappeler au passage qu’il y a largement assez de ressources sur Terre pour subvenir aux besoins élémentaires de tous. Une phrase sur laquelle certains feraient bien de méditer…

De l’usage de la marionnette

La marionnette a ceci d’extraordinaire qu’elle permet de mettre en évidence des choses que des acteurs ne pourront jamais montrer. Caricaturales, elles ne deviennent pourtant jamais grotesques. La carcasse géante du riche propriétaire, qui se fiche des pauvres à l’excès, fier de ce qu’il possède et a bâti, en témoigne. Sur ses jambes immenses rappelant des échasses, il prend tout le monde de haut, même son serpent de sous-fifre, qui ne se rend pas compte de l’utilisation que fait son maître de lui. Jouant sur la taille, les marionnettes permettent de représenter les membres des différentes classes sociales de manière visuelle. Ainsi, si le riche propriétaire ressemble à un grand échassier, les plus pauvres sont représentés par de tout petits êtres poilus, semblables à des rongeurs, mais qui parviendront tout de même à renverser le serpent géant en s’unissant tous.

Enfin, l’utilisation des marionnettes permet un humour décalé qu’on ne peut voir nulle part ailleurs. Par les voix évoquant celles des dessins animés, par la présence de jeux de mots, de sons produits par les musiciens, les marionnettes créent un côté décalé qui enlève toute possibilité de malaise face au spectacle. La distance créée par ce médium, différent d’acteurs en chair et en os, y est pour beaucoup. Et puis, ces marionnettes ne sont-elles pas un symbole de certaines masses, qu’on manipule à l’envi ?

Z, c’est un spectacle à voir et à revoir. Bien que parfois un peu décousu, il défend un propos fort, qu’on ne peut aujourd’hui négliger. Dénonçant sans démagogie, c’est est un petit bijou d’écriture et de mise en scène. L’ovation finale était bien méritée. Espérons que la réflexion apportée parvienne aux oreilles des principaux concernés…

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Z, de Cécile Chevalier et Franck Fedele, du 30 avril au 12 mai 2019.

Mise en scène : Laurent Frattale

Avec Cécile Chevalier et Franck Fedele

Musique : Géraldine Schenkel et Fred Commenchal

https://www.marionnettes.ch/spectacle.php?action=details&id=224

Photos : © Carole Parodi

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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