Molière vit une seconde jeunesse au Crève-Coeur
Si le malade était imaginaire, l’ovation, elle ne l’était pas. Le Théâtre du Saule Rieur, après avoir monté La Cantatrice chauve l’an dernier à l’Alchimic, revient cette année avec Le malade imaginaire de Molière, à voir jusqu’au 20 octobre au Théâtre Le Crève-Cœur.
Pièce rendue tristement célèbre par la mort de l’auteur durant la quatrième représentation, Le malade imaginaire propose une satire de l’ordre des médecins, dans ce qui peut être considéré comme la farce la plus aboutie du dramaturge. Dans cette comédie, Argan, veuf et remarié avec Béline, subit de nombreux traitements dans le but de soigner les maux dont il souffre… ou pense souffrir. Sa nouvelle femme, quant à elle, n’attend que sa mort pour pouvoir hériter. De l’autre côté, la fille d’Argan, Angélique, souhaite épouser Cléante, dont elle est tombée éperdument amoureuse. Mais cela contrarie les plans de son père, qui l’a promise à Thomas Diafoirus, médecin et fils de médecin. Dans cette farce macabre, les rires et autres imbroglios sont au centre de l’attention.
Une satire exacerbée par l’emploi des marionnettes
L’utilisation de marionnettes à taille humaine – comme c’était déjà le cas dans La cantatrice chauve – permet un autre développement des personnages. Si Argan, Angélique, Cléante et la suivante Toinette sont interprétés par des comédiens en chair et en os, les autres personnages, Diafoirus père et fils, Béline ou encore Monsieur Purgon (le médecin d’Argan) sont des marionnettes, articulées par les comédiens eux-mêmes. Les personnages moqués par Molière, à savoir les médecins, et la femme d’Argan, qui ne l’a épousé que pour l’argent, ne sont donc pas humains. Ce choix, loin d’être anodin, permet d’aller encore plus loin dans la critique de l’auteur. Caricaturaux dans leurs traits comme dans leur voix, transformées à l’excès par les formidables acteurs de la troupe, les médecins ne sont pas sans rappeler le Muppet Show. On pense à ce moment où les Diafoirus père et fils présentent leurs hommages à Argan, devant le rideau rouge, à la manière de Statler et Waldorf (les deux spectateurs acariâtres qui passent leur temps à tout critiquer).
Le jeu des comédiens est, lui aussi, caricatural, par moments, comme dans les déplacements de Cléante ou encore dans le monologue initial d’Angélique. Loin de déranger, ce choix de mise en scène rend encore plus absurdes des scènes qui le sont déjà, à l’image du diagnostic de Diafoirus au sujet d’Argan, ou encore la scène d’ouverture où notre malade compte ses sous. Le décalage entre les moments clés et ces passages plus légers ne fait, une fois encore, que développer la critique acerbe de Molière.
Un texte qui revit
Le tour de force réalisé par Cyril Kaiser et sa troupe est de parvenir à moderniser le texte sans y toucher. Les costumes pourraient être d’époque, le langage n’a pas bougé d’un poil, l’univers est bien celui du XVIIème siècle, et pourtant… Une approche inédite se dégage du spectacle, un œil bien plus moderne, avec plus d’interactions avec le public grâce au jeu de regards des comédiens qui jouent véritablement avec les spectateurs. L’apparition de petites marionnettes qui dansent sur des musiques contemporaines lors des transitions – permettant aux comédiens de changer de costumes et de mettre en place leurs marionnettes – contribue là aussi à cette renaissance du texte de Molière.
Toute en subtilité, en exagérant là où il faut sans jamais en faire trop, cette adaptation du Malade imaginaire est plus que réussie. Après le succès de La Cantatrice chauve, le Théâtre du Saule rieur continue ainsi sur sa lancée en enchantant le public, qui a salué la performance en réservant une véritable ovation à la troupe. Méritée.
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Le malade imaginaire, de Molière, du 24 septembre au 20 octobre 2019 au Théâtre Le Crève-Cœur.
Mise en scène : Cyril Kaiser
Avec Nicole Bachmann, Vanessa Battistini, Blaise Granger et Joël Waefler.
https://lecrevecoeur.ch/spectacle/le-malade-imaginaire/
Photos : © Loris von Siebenthal
Merci de me prévenir lorsque la billeterie s’ouvre.
En pensées avec vous durant cette période hors du commun. Je suis en manque de culture.
Mariella Zolfanelli
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