Analyser le couple en 17 rounds
Cette fois ça y est, les hostilités sont lancées ! Le Théâtre de l’Aube porte à la scène Ring, de Léonore Confino : 17 saynètes sur la vie de couple, entre humour et morale bien sentie. 17, c’était aussi la date de la première. Tout un symbole !
Sur la scène de l’Auditorium Barbier-Muller, les 8 comédien·ne·s amateur·es vont enfin en découdre, après de longues semaines de répétitions ! 17 saynètes s’enchaînent, sans lien apparent entre elles, si ce n’est la thématique du couple et le prénom Camille. En commençant par Adam et Eve, pour aller jusqu’aux adieux à l’être aimé, le Théâtre de l’Aube propose tout un panel de relations amoureuses : des couples qui vont bien et qui durent, d’autres qui se séparent, des moments de séduction, des vieux couples, d’anciens amants qui se recroisent par hasard, un vieil amour qu’on n’arrive pas à oublier… Autant de facettes dans lesquelles on se reconnaît soi-même ou une connaissance, pour notre plus grand plaisir !
Une analyse fine et légère
Ring, c’est d’abord l’écriture de Léonore Confino, dont on avait adoré Le poisson belge il y a quelques années, à l’Alchimic. Dans Ring, elle réussit avec une grande finesse à allier humour, ironie et morale. Car si l’on rit beaucoup en se reconnaissant dans ces courtes scènes, on apprécie aussi la petite réflexion qui demeure en tête durant la transition qui suit. Les hommes ont d’ailleurs presque toujours le mauvais rôle, à l’exception peut-être de ce chirurgien qui fait tout pour aider sa femme à retrouver le goût de la vie, ou de cet homme qui écoute patiemment son épouse parler de sa période de grande séductrice avec nostalgie, avant de la prendre dans ses bras pour lui prouver tout son amour. Léonore Confino avait-elle quelques comptes à régler ? Sans doute, mais on doit bien avouer que les portraits qu’elle dépeint ici sont tout à fait réalistes, tant on en connaît, des hommes qui agissent mal, par ego, maladresse ou simple manque de respect… L’idée de l’affrontement évoquée par le titre de la pièce prend alors tout son sens au fil des scènes, et même si les deux parties peuvent parfois être des adversaires, elles demeurent avant tout des partenaires.
Ring, cela pourrait aussi évoquer la bague, une alliance, par exemple, un symbole de l’engagement nécessaire au sein du couple. Et d’engagement, ces comédien·ne·s n’en manquent pas ! La promesse est bel et bien tenue : on perçoit dans le résultat, dans le jeu comme dans les gestes, toute la rigueur avec laquelle iels ont travaillé, pour un spectacle qui n’a rien à envier à certaines productions professionnelles. Et même si les moyens sont différents, on ressent toute la passion qui les anime, jusqu’à nous émouvoir aux larmes. On évoquera ici le magnifique monologue de cette femme, toute nostalgique de son passé universitaire, quand tout le monde était à ses pieds et qu’elle se trouvait dans une liberté incroyable, que Fabienne Saddier interprète avec une impressionnante justesse.
Figurer avec simplicité
Comment jouer 17 scènes dans des décors tous différents, sans devoir changer tout le décor à chaque fois ? Le Théâtre de l’Aube se montre particulièrement ingénieux au moment de figurer tour à tour un lit, une rue, un salon, une salle de bain, un bar ou un cimetière… À l’aide de grosses caisses de bois et de draps, iels nous font imaginer les différents lieux évoqués avec une extraordinaire simplicité. Le tout est, il faut le dire, bien aidé par le jeu des lumières qui, plus ou moins chaudes selon les moments, donnent un habillage et une ambiance toute en subtilité au décor. On passe ainsi d’une scène de séduction presque loufoque, où les protagonistes sont fortement alcoolisé·e·s, au souvenir de l’être aimé, se jouant en plein milieu d’un cimetière… Le jeu sur les transitions est d’ailleurs particulièrement bien trouvé, amené à chaque fois en musique, pour annoncer une scène de dispute, une ambiance plus feutrée, un rêve… On reconnaît alors le fameux Love to love you baby de Donna Summer, annonçant un moment d’intense séduction, Love is in the air de John Paul Young et toute la légèreté d’une relation amoureuse naissante, ou encore, en tout début de spectacle, la Junge de Tash Sultana, qui nous rappelle que les rapports amoureux peuvent être une vraie jungle. Et de conclure – tout un symbole – avec un instrumental de Georges Delerue intitulé… Camille !
Engagement, rigueur, inventivité, humour, ironie, morale… Tant de mots caractérisent ce Ring présenté par les comédien·ne·s, qui demeurent toutes et tous autour de la scène, prêt·e·s à entrer au combat pour affronter le quotidien du couple. Et c’est la tête pleine de réflexions sur notre propre vie que nous ressortons de la représentation de ce très beau spectacle !
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Ring, de Léonore Confino, à l’Auditorium Barbier-Muller, du 17 au 27 novembre 2022.
Mise en scène : Annik von Kaenel
Avec Virginie Aeschbach-Bolzani, Florence Bossy-Bard, Shallina Kaul, Philippe Mathenet, Matthieu Mugnier, Marc Nemeth, Fabienne Saddier, Giulia Sansonetti
https://www.instagram.com/theatredelaube/
Photos : © Mélissande Preperier