Les réverbères : arts vivants

Ce soir… Camping ou Selfie-Shooting ?

Le collectif de danse contemporaine Woman’s Move nous sommait, joyeusement toutefois, de faire preuve de Patience. Et ce, une heure durant, sans utiliser nos écrans. Cette méditation, artistique, a pris place du 4 au 7 octobre 2023, à l’Étincelle, au cœur de la maison de quartier de la Jonction. Derrière le titre de cette nouvelle performance, l’on trouvait de soigneux pas de danse, des rires et des étincelles de réflexion.

Si l’on recensait les rires, justement, qui ont encensé la salle de l’Étincelle ce soir-là… on dirait alors que le public n’a pas simplement assisté à la performance du collectif Woman’s Move mais très activement participé à ce spectacle qui faisait la part belle à la danse contemporaine.

C’était mieux avant ou presque

Iels chantent Eye of the tiger si l’on quitte la salle (car iels sont attentif·ve·s), iels nous montrent les longues soirées autour des feux de camp (car iels savent s’occuper intelligemment), iels se rapprochent, se fondent puis se chamaillent (car iels n’ont pas peur d’être ensemble). Comme si tout avait été chassé, balayé par l’arrivée du smartphone perturbateur ? « Comme si… », « puisque… » ou « à cause… » ? La question restera ouverte.

Et iels s’expriment en dansant. Mouvements de groupe, monologues menés à la baguette ou combat comme sur un ring, le collectif sait varier les formes pour rendre ses spectateurs·ice·s fous/folles de lui. De façon régulière, tous se retrouvent au centre du plateau pour jouer une pub de jus de fruits aux saveurs de cowboy sur un cheval (Si, si !). Elle entrecoupe la pièce, à la manière des publicités sur un compte Spotify gratuit (Oh les vilain·e·s !). L’on sent bien la critique à l’égard de toutes nos occupations virtuelles, parfois peu intelligentes.

On apprécie cette plongée virevoltante dans des questions (très, très) sérieuses comme celles de la cyberdépendance, de l’utilisation des écrans et de l’occupation du temps libre. Chaud devant ! Le rythme est parfaitement adapté aux thématiques de la pièce : ça bouge, zappe dans tous les sens et ne semble jamais s’arrêter comme si l’on scrollait de façon éternelle. La patience semble avoir certes disparu, mais est sans cesse convoquée sur scène. Iels évoquent de multiples souvenirs dans toute la splendeur de leur lenteur : soirées autour des feux de camp, valses timides après ces quelques heures passées dans l’intimité des flammes… Le théâtre fait irruption dans la danse.

Un bon danseur sachant danser …

L’origine de Woman’s Move remonte à 2012. Il regroupe des danseuses et danseurs, toutes et tous doté·e·s, parallèlement à leur fidélité à la danse, d’aptitudes spéciales comme le catch ou le clown… Et iels le laissent transparaître pour le plus grand plaisir du public. Le clown est celui qui sait rebondir face à toutes les réactions du public, même les plus incongrues, et qui n’hésite pas, non plus, à déranger son public par des questions bizarres. Il est rare de voir des spectacles qui mêlent les arts avec une telle fluidité. C’est comme si le langage n’avait pas, cette fois-ci, le dernier mot. Les espérances et doutes des danseuses et danseurs sont portées par leur corps, l’humour et la grâce qu’iels véhiculent d’ailleurs si bien au travers de ce dernier.

C’est si fort qu’on perd parfois le fil du récit et qu’on aurait apprécié que la voix off du début nous accompagne plus longtemps encore tout au long du spectacle. Un brin de sérieux, quelque chose de vraiment calme.

Au-delà de l’aspect jovial conféré à la performance, vous l’aurez compris, on ressort enfin doté de ce rare trait de caractère pour un contemporain des années 2020 : la patience. Et l’on sent qu’iels étaient déterminé·e·s à faire percuter le public au travers d’un divertissement musclé. Ah, bien sûr, le côté catch(y?)…!

Laure-Elie Hoegen

Infos pratiques :

Patience, du collectif Woman’s Move, du 4 au 7 octobre 2023 à l’Étincelle, Maison de quartier de la Jonction.

Mise en scène : Elsa Couvreur

Avec Sophie Ammann, Iona D’Annunzio, Cédric Fadel Hattab, Anais Glerant, Mathieu Parola et Pauline Raineri

https://www.womansmove.com

Photos : © Gabriel Asper

Laure-Elie Hoegen

Nourrir l’imaginaire comme s’il était toujours avide de détours, de retournements, de connaissances. Voici ce qui nourrit Laure-Elie parallèlement à son parcours partagé entre germanistique, dramaturgie et pédagogie. Vite, croisons-nous et causons!

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