Le banc : cinéma

Croire en ses rêves

Vincent Jacquet a décidé d’adapter son magnifique spectacle Quand je serai grand au cinéma. Dans le film réalisé par Florent Tixier, on retrouve tout ce qui nous avait fait adorer la pièce, avec un côté encore plus intime.

Didier Roussel (Vincent Jacquet) a 50 ans. Diagnostiqué avec un handicap mental, il ne rêve que d’une seule chose : devenir astronaute. Dans Quand je serai grand, on suit son inscription au concours, la manière dont il se procure de faux documents et son entraînement qui l’empêche d’aller travailler à la ferme… On en avait presque oublié que, dans la pièce, un caméraman le suivait pour réaliser un documentaire sur lui. L’ambiguïté du rôle du réalisateur est enfin levée ici, pour autant qu’il s’agisse du film dont il était question sur scène. Bref, même si l’histoire est similaire, on est heureux de découvrir la vie de Didier Roussel à travers un autre regard.

Un film intimiste

Le regard se focalise essentiellement sur Didier, à de très rares exceptions près. Tout est ainsi vu à travers son prisme, via celui du réalisateur. On assiste ainsi à de nombreux plans rapprochés. Question proximité, on est d’ailleurs servi, puisque Vincent Jaquet a choisi sa propre mère, comptable de formation, pour incarner la mère de Didier, avec une sincérité rare. On évoquera également sa fille Lilou qui représente l’une des voix off qu’on entend dans le film. Dans Quand je serai grand, donc, on suit l’évolution de Didier et ses interactions avec sa mère, dont le regard bienveillant et toujours plein d’amour, nous émeut, mais aussi avec sa cousine Laetitia (Aurélie Vatin), un personnage bien plus présent dans le film que durant la pièce. C’est elle qui accompagne Didier auprès d’un conseiller d’orientation lorsqu’il cherche des informations sur le concours d’astronaute. C’est encore elle qui l’emmène dans un musée interactif où il peut vivre de près son rêve de toujours. C’est elle, enfin, qui tentera de le convaincre qu’utiliser des faux documents pour s’inscrire est une mauvaise idée. Mais on perçoit dans leur relation quelque chose de profond, difficile à décrire. Didier semble avoir une confiance indéfectible en elle, qui agit parfois comme une seconde maman.

Ce qu’on retient, dans toutes les interactions de Didier, c’est la bienveillance de tout le monde envers lui. Jamais on ne le prend de haut ou on ne se moque de lui, tout en essayant de lui faire garder les pieds sur terre, au sens propre comme au figuré. Pour preuve cette visite du CNES (Centre national d’études spatiales) à Toulouse où le directeur – qui joue son propre rôle ! – lui fait visiter toutes les installations, prenant bien le temps de lui expliquer tous les processus. Son cousin Gaby (Thierry Bilisko), truand notoire et qui a coupé les ponts avec le reste de la famille, se montre parfois un peu frontal, mais c’est avec lui qu’il apprendra à conduire et trouvera aussi une forme d’indépendance. On ne reviendra pas ici sur le jeu, déjà longuement évoqué dans la critique du spectacle : Vincent Jacquet conserve toute la justesse, la douceur et la pudeur qu’il faut pour interpréter ce rôle si complexe. C’est sans doute ce qui rend ce film si touchant.

Les larmes aux yeux

La pièce nous avait ému, le film n’échoue pas à en faire de même ! On a l’impression d’entrer dans une dimension encore plus intime de ce joli personnage qu’est Didier, avec un regard au plus près de lui. On peut y voir un certain paradoxe, avec la barrière de l’écran qui n’existe pas sur une scène. Mais le cinéma à ce pouvoir de raconter les choses autrement, avec d’autres effets que le théâtre. Au-delà des décors réels, ce sont les différents plans qui marquent le plus, avec une alternance entre plans rapprochés et plans-séquence, qui donnent à voir tout le ressenti de Didier et l’univers dans lequel il évolue. La musique et les voix off donnent également au tout une résonance toute particulière.

Alors, on se prend presque à croire à cette belle histoire, à se dire que Didier va réussir et deviendra astronaute, tout en sachant pertinemment que c’est impossible. Pourtant, les dernières scènes, à la symbolique très forte alors que Didier retrouve son papa (Jacques Crombez) décédé, le temps d’un instant, nous font monter des larmes d’émotion. On est heureux de découvrir la suite de ses aventures, qu’on n’avait pas forcément vues dans la pièce, alors que Didier semble enfin épanoui en ayant trouvé sa voix.

On se dit alors qu’il est dommage qu’à l’heure actuelle un tel film n’ait pas trouvé de diffuseur, tant il mériterait d’être visionné par un public large. S’il ne révolutionne rien au cinéma, la douceur, la sensibilité et la sincérité du personnage de Didier et de la réalisation de Florent Tixier font de Quand je serai grand un véritable coup de cœur.

Fabien Imhof

Référence :

Quand je serai grand, réalisé par Florent Tixier, scénario de Vincent Jacquet et Florent Tixier Suisse, 2023.

Avec Vincent Jacquet, Aurélie Vatin, Sophie Jacquet, Thierry Bilisko, Jacques Crombez…

Photos : © Florent Tixier

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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