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Dans ma hotte à lectures… des bouquins jeunesse !

Vous ne savez pas quoi demander au Père Noël ? Vous cherchez un cadeau parfait à mettre sous le sapin ? Je vous propose une série d’articles de saison, intitulée « Dans ma hotte à lectures ». Au programme ? Plein d’idées de livres à (re)découvrir, dans des styles très différents. Aujourd’hui, quatre ouvrages jeunesse qui vous parlent d’animaux… mais pas seulement !

Théry Zufferey et Christine Heintz, Ya quelqu’un là-dessous ?

« Perché sur une branche, un écureuil grignotait sa dernière noisette. L’automne touchait à sa fin, il devait récolter des provisions pour l’hiver. Seul le Hibou du Vieux Chêne était capable de le prédire rude ou clément. Comme chaque année, il lui fallait traverser la forêt… » (p. 4)

C’est l’automne ! Les feuilles prennent des couleurs de feu, et tous les animaux commencent à faire des provisions. L’écureuil, évidemment, n’est pas en reste… pourtant, sa recherche de nourriture l’amènera à faire une drôle de rencontre : là, cachée sous une bogue de châtaigne… mais oui ! C’est bien une musaraigne ! Toute triste, avec ses grands yeux larmoyants. Décontenancé, l’écureuil va chercher à comprendre la raison du chagrin de sa nouvelle amie. Pourra-t-il l’aider à remonter la pente ?

Avec Ya quelqu’un là-dessous, l’autrice Thréy Zufferey et l’illustratrice Christine Heintz prennent comme prétexte la forêt… pour nous parler de tout autre chose. Ici, nous n’explorons pas seulement la nature, mais également les sentiments, les émotions – et la façon dont chacune et chacun arrive (ou pas) à les exprimer. C’est la particularité de la collection Graines d’espoirs, lancée par les éditions Entreligne : parler de sujets souvent difficiles à aborder avec les plus jeunes (la migration, le suicide, la différence, le cancer, etc.), en les abordant par l’angle d’une narration tendre, des images vivantes Aussi, comme l’écureuil, hop hop hop, sautons à pieds joints dans cette jolie histoire… et explorons nos émotions !

Meryl Schmalz, Tu ne finiras jamais dans une assiette, ma chère

« Le temps était venu pour moi de réaliser quelle chance j’avais eue. Drôle de chance, qui met sur votre chemin un être si mignon – mais si peu ordinaire. Je réalisais à quel point nos actions ont parfois des conséquences qu’on n’aurait pas imaginées. » (p. 32-22)

D’une manière assez différente, plus proche du roman graphique, c’est également des émotions que traite Meryl Schmalz dans Tu ne finiras jamais dans une assiette, ma chère, aux éditions La Joie de Lire. Lors d’une foire dans son village, la petite Meryl se retrouve à gagner… un cochon ! Ou, plus précisément, une truie. Passée la surprise de la nouvelle (avoir raflé le premier prix, au nez et à la barbe des charcutiers et bouchers du coin !), Meryl prépare l’arrivée de ce nouveau compagnon. C’est l’attente… et finalement l’arrivée du cochon. Toutes deux apprennent à se connaître, fillette et truie. Au fil des pages se dessine et s’écrit une amitié inter-espèce : bientôt, Meryl et Nourrin (ainsi est baptisée la truie) deviennent inséparables. Jusqu’à ce que Meryl déménage.

Tu ne finiras jamais dans une assiette, ma chère ressemble à la fois à une bande dessinée (mais sans bulle et avec une case unique par page), du roman et de l’album photo. De page en page, Meryl Schmalz partage avec nous ses souvenirs (car l’épisode est véridique), rendant hommage à une amie qu’elle n’oubliera jamais. Le texte parvient à dire l’essentiel en évitant tout verbiage inutile ; souvent, il s’efface pour ne laisser que le temps, flottant, de l’image – un peu comme dans un film muet ou dans un album-souvenir où les légendes sont inutiles. On respire, on réfléchit. On prend le temps d’apprécier toute la poésie simple et touchante de cette infime aventure.

Camille Lavoix et Vyara Boyadjieva, Misé misé. Onze contes ivoiriens de la Comoé

« Misé misé, je vais vous raconter une histoire. Dans la cuisine de la savane bouillait une marmite avec des haricots frais. Les animaux s’étaient mis d’accord pour se les partager et surveiller la marmite. Le premier tour de garde et de cuisine fut attribué à Djara le lion. » (p. 11)

Évidemment (comme souvent dans les contes), rien ne va bien se passer pour le pauvre lion Djara : le voilà confronté avec Gbangan le chacal, grand gourmand au museau rusé, qui parviendra à dévorer les haricots tant convoités. L’histoire se répétera chaque soir, jusqu’à ce que le minuscule crabe y mette fin. Mais ne comptez pas sur moi pour vous révéler comment !

Cette histoire s’intitule « Pourquoi le crabe a-t-il l’air d’un guerrier blessé ? » et c’est l’un des onze contes du très beau recueil de Camille Lavoix (autrice et journaliste) et Vyara Boyadjieva (illustratrice). Ensemble, entre mots et dessins, elles explorent les contes de la Comoé, une région de Côte-d’Ivoire qui donne aussi son nom à un fleuve (source de vie) et un parc naturel gigantesque, véritable écrin pour la biodiversité. La particularité de la Comoé, c’est d’avoir une riche culture orale : l’ensemble des contes recueillis par Camille Lavoix lors d’un voyage humanitaire sont traditionnellement transmis de bouche à oreilles en langues koulango et lobi, parlées dans cette région. Comme la plupart des contes oraux, elles sont riches en variantes et également en locutions qui rappellent l’oralité – ainsi le misé, misé, qui place l’auditoire dans une situation d’écoute. Chacune des histoires remplit une vocation pédagogique, car il s’agit avant tout d’expliquer certains phénomènes liés à la nature et surtout, aux animaux (« Pourquoi le poulet picore-t-il toute la journée ? », « Pourquoi le cabri a-t-il une toute petite queue ? »). Une jolie manière de sensibiliser à la préservation de l’environnement, mais également à celle des cultures orales que la mondialisation galopante met souvent en péril…

Nicolas Michel, Entre mes branches

« C’est une histoire qui commence mal. Elle a duré 457 ans, ce qui peut paraître bien long, mais dans ma famille, les plus anciens dépassent aisément les mille saisons. Je ne vais pas me plaindre, j’ai bien vécu. » (p. 6)

L’infime mouvement du vivant, voilà également ce que tente de saisir Nicolas Michel, dans Entre mes branches. Texte ciselé, illustrations en noir / blanc parfois émaillé de rouge : nous suivons la destinée d’un chêne, depuis la germination d’un simple gland. Du tronc aux branches de l’arbre, nous suivons les petites destinées des colocataires de l’arbre – insectes, oiseaux, mammifères, reptiles qui partagent sa vie. C’est qu’il s’en passe des choses, autour de ce chêne. Source de nourriture ou d’abri, le chêne est nécessaire à la vie de nombreuses espèces – y compris l’être humain, avec lequel il entre en interaction (je ne vous dévoilerai pas la fin de cette jolie histoire).

Retenez surtout qu’il est difficile de rendre compte de la poésie qui se niche dans la moindre feuille, la moindre striure d’écorce de Entre mes branches – une poésie remplie de détails, précise comme un dessin de Nicolas Michel.

En attendant le prochain numéro de « Dans ma hotte à lecture »,
n’oubliez pas : lire, c’est bon pour la santé !

Magali Bossi

Références :

Théry Zufferey et Christine Heintz, Ya quelqu’un là-dessous ?, Romanens, Entreligne, 2022, 24p.

Meryl Schmalz, Tu ne finiras jamais dans une assiette, ma chère, Genève, La Joie de lire, 2022, 120p.

Camille Lavoix et Vyara Boyadjieva, Misé misé. Onze contes ivoiriens de la Comoé, Genève, La Joie de lire, 2022, 64p.

Nicolas Michel, Entre mes branches, Genève, La Joie de lire, 2021, 64p.

Photo : © Magali Bossi

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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