Les réverbères : arts vivants

Dialogue avec des fantômes après l’Apocalypse

Cette semaine, Louis Bonard bouclait la boucle en présentant l’intégrale de son Apocalypse en 4 épisodes au Théâtre Saint-Gervais. Retour sur les Promesses du dernier épisode et le message d’espoir livré par le comédien.

Nous avions laissé un monde dominé par le diable à la fin de l’épisode 3, un épisode où on avait ri aux larmes, où on avait lâché prise au milieu d’un quotidien parfois trop rythmé. Ici, rien de tout cela. Tout commence avec l’introduction d’usage lors de laquelle Louis Bonard nous rappelle le parcours effectué jusqu’ici – les avertissements de l’épisode 1, la désolation du deuxième et la perte de contrôle du précédent ; évoque le fait que l’Apocalypse est un genre qui doit conduire à la reconstruction, comme un message d’espoir ; annonce qu’il y aura de la musique et une histoire. Pour nous parler, il se tient devant un tulle derrière lequel on aperçoit à peine la scénographie. Et pour cause, c’est via ce tulle que les fantômes de ce quatrième épisode vont s’adresser à nous. Après l’épisode 3, exit le drap rouge soyeux, place à un voile blanc tout en transparence, qui recouvre la scène, entre image spectrale et apaisement…

Dialoguer avec le passé et l’avenir

Sur la scène se dessinent quatre silhouettes aux grands pieds. Pour la première fois, Louis Bonard n’est pas seul sur le plateau. Accompagné de An Chen, Julia Deit-Ferrand, Yvonne Harder et Dominique Tille, il ne parle plus sur la scène. Tout est dévoilé par un chant sans parole. On tombe alors comme en extase devant les harmonies, qu’on ne fait d’abord qu’écouter. Et si l’on ne comprend pas bien où iels veulent en venir dans un premier temps, peu importe, l’oreille est attentive, prête à recevoir un message. Message qui n’arrivera pas comme on s’y attendait : le voilà projeté sur le tulle. Les chants sont comme traduits par ces surtitres, et les fantômes – du présent ou du passé ? – s’adressent au public venu nombreux.

Dans cette prise de parole, on retrouve la touche d’humour subtil de Louis Bonard, avec des fautes de frappe, des mots qui n’ont pas de sens, avant que le véritable message n’intervienne. On aurait pu croire que ces spectres omniscients nous jugeraient, nous culpabiliseraient de ne pas prendre suffisamment soin de notre planète. Il n’en est rien, à de rares exceptions près. On évoquait la subtilité, elle atteint sans doute son paroxysme dans ce dernier épisode. Les mots résonnent à l’intérieur de nos têtes. C’est peut-être une force du spectacle : ne pas prononcer le texte, mais laisser aux spectateur·ice·s le soin de les mettre dans leur tête, avec la voix et l’intonation qu’iels y trouvent, pour mieux se les approprier. On réfléchir alors au passé, aux erreurs de l’humanité comme aux nôtres, mais aussi à l’avenir et à ce qu’on veut en faire. Loin des discours moralisateurs qu’on entend trop souvent et qui deviennent – parfois – vides de sens, Louis Bonard propose ici une réflexion personnelle, que chacun·e s’approprie comme iel le souhaite.

Un parcours initiatique ?

En proposant une Apocalypse en 4 épisodes, qu’on pouvait voir sur deux ans ou en un weekend, Louis Bonard est parvenu à réinventer le genre, en y mettant sa touche personnelle. On a réfléchi, on a ri, on a attendu, on pu pleurer, on ne s’est jamais ennuyé, on s’est apaisé… La liste pourrait continuer longuement tant c’est cette impression qui ressort à la fin des quatre épisodes : la boucle est bouclée. Le début annonçait un message d’espoir, avec des avertissements. La fin redonne cet élan d’espoir, sans pour autant cacher notre situation difficile. Le regard neutre des fantômes nous met face à nos contradictions, nos paradoxes, nous enjoint à réfléchir à un avenir meilleur. Sans nous culpabiliser, il nous montre au contraire que le monde peut encore être beau, et qu’il ne tient qu’à nous de faire en sorte que ce possible se réalise. Sans oublier de toujours garder à l’esprit qu’il nous faut avoir de l’humour, prendre de la distance et parfois faire un pas de côté pour mieux appréhender ce qui nous entoure.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

L’Apocalypse – Épisode 4 : Promesses, de Louis Bonard, du 9 au 14 mai 2023 au Théâtre Saint-Gervais

Conception : Louis Bonard

Avec Louis Bonard,  An Chen, Julia Deit-Ferrand, Yvonne Harder et Dominique Tille

https://saintgervais.ch/spectacle/lapocalypse-en-4-episodes/

Photo : © Dorothée Thébert Filliger

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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