Work in progress

« Je
tellurise
magnitude neuf
Séisme en cours work in progress – ma gueule » (p.15)

Recueil de poèmes. Animal toperdo signe les débuts de Pat Genet dans le monde littéraire. Animal torpedo, c’est le déchirement des corps, la rupture et les retrouvailles du couple en filigrane dans la ville de nuit ; ce sont des vers ciselés pour marquer la frivolité du souvenir, de l’émotion, attribués tant au sujet poétique (« je ») qu’à des entités extérieures (« tu » et « vous ») ; c’est le choix d’un mot pour sa puissance d’évocation, le texte se déroulant autour de lui ; c’est enfin celui de l’oralité, offrant un poème qui fond sous la langue lorsqu’on le prononce de vive voix : on sent particulièrement la veine du musicien, dont les textes se rapprochent du slam.

« Je
mange
les lichens
au nord des arbres je
poursuis des araignées
jusqu’à ta bouche » (p.29)

Animal Torpedo manque cependant parfois d’exécution : bien que l’idée soit bonne, on se perd quelque peu dans le capharnaüm sévissant au sein des poèmes – qui ont toutefois le mérite de laisser la place belle à l’interprétation. La rencontre du registre lyrique avec le scientifique, tout comme celle de l’anglais avec le français, prête en effet à confusion : sans savoir véritablement sur quel pied danser, l’on saisit les contrastes qui entrent en jeu en regrettant pourtant leur manque d’efficacité. La déstructuration de la syntaxe des vers permet un style épuré dans la retranscription des sentiments du sujet lyrique, mais participe toutefois à la déroute du lecteur ; déroute à laquelle les éditions Cousu Mouche ne sont pas étrangères, dans la comparaison induite entre l’œuvre de Pat Genet et celle de « Baudelaire ». Si les deux styles trouvent en réalité peu d’écho entre eux, la plume de l’auteur fait en revanche agréablement penser à celle des poètes surréalistes.

Benoit Aubry

Références :

Pat Genet, Animal Torpedo, éd. Cousu Mouche, 2017, 94 p.

Photo : ©Cousu Mouche