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Éloge de la misandrie

« Ce n’est pas pour crâcher dans la soupe, mais il faut être honnête : non, mon amoureux n’est pas parfait. Il ne me viole pas, il ne me frappe pas, il fait la vaisselle, passe l’aspirateur et me traite avec le respect que je mérite, C’est ça être parfait ? Les standarts sont-ils tellement bas que les hommes peuvent s’en tirer à si bon compte ? » (page 25)

Moi les hommes, je les déteste. Cet essai de Pauline Harmange et son titre provocateur, ont fait polémique lorsqu’un chargé de mission au ministère français de l’égalité homme-femme a menacé la maison d’édition Le Seuil d’une procédure pénale pour cause d’appel à la haine, si elle persistait à vouloir publier ce livre. Force est de constater que cette menace de censure a été largement contreproductive, la publicité qu’elle a fait au livre lui a valu d’être commandé des milliers de fois, au lieu des 450 exemplaires originellement prévus.

Mais qu’en est-il du livre lui-même ? Tout comme son autrice, l’essai de Pauline Harmange est résolument féministe. Il défend la misandrie comme un sentiment et une attitude non seulement légitime, mais aussi utile, similairement à un « principe de précaution » (p.17). L’argumentaire s’attarde sur les lieux communs du discours antiféministe : du #notallmen, jusqu’aux positionnements des hommes « féministes », en passant par le fameux « tu dessers ta cause » et le sujet de la mixité choisie. Le ton est acerbe et enthousiaste, les termes sont accessibles et clairement expliqués :

« Dans l’imaginaire collectif, misandrie et misogynie sont deux faces de la même médaille, celle du sexisme. C’est la faute à l’étymologie, j’imagine : construits sur les mêmes racines, ces mots doivent recouvrir exactement les mêmes principes, n’est-ce pas ? Eh bien non, car la vie est une grande farceuse. […] On ne peut pas comparer misandrie et misogynie tout simplement car la première n’existe qu’en réaction à la seconde. » (pages 35-36)

On pourrait cependant pointer les limites de cette forme courte à la première personne du singulier. En effet, l’autrice militante s’exprimant depuis sa propre perspective, cet essai se focalise principalement sur les structures hétérosexuelles, blanches et françaises, manquant une analyse par exemple queer et racisée de la misandrie. Sa brièveté est, en outre, à double tranchant : elle empêche une analyse en profondeur des mécanismes à l’œuvre, tout en facilitant leur compréhension.

Cette ode à la misandrie fera sans doute sourire les convaincu.e.x.s, alimentera plausiblement la réflexion des personnes avec un avis opposé et parviendra peut-être même à convaincre des personnes moins décidées. Aussi, cet essai peut être mis entre toutes les mains.

Aude Bavarel

Références :   Pauline Harmange, Moi les hommes, je les déteste, Paris, Seuil, 2020, nombre de pages total 80.

Photo : © Aude Bavarel

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