Les réverbères : arts vivants

Et pourquoi ça s’appelle comme ça ?

À l’Usine à gaz de Nyon, et bientôt en tournée en Suisse romande, la Cie Bocca della Luna s’interroge sur Le nom des choses. Pourquoi a-t-on donné telle ou telle appellation à cet objet ? Et qu’est-ce que cela implique ? Un spectacle dès 7 ans, à voir jusqu’au 28 janvier.

Sur la scène plongée dans le soir, des flashs de lumière apparaissent, accompagnés de cris de surprise. Coline (Coline Bardin), Pierre (Pierre-Isaïe Duc), Cédric (Cédric Leproust), Fred (Fred Ozier) et Selvi (Selvi Pürro) se retrouvent là, dans un espace recouvert de « ça », des sortes de petits bouts de papier noirs ressemblant à des feuilles mortes. Alors qu’iels se demandent s’il n’y a rien ou quelque chose dans cet endroit, nous avons déjà affaire à la première question existentielle du spectacle. Par la suite, iels trouveront des objets disséminés sous les tas de « ça » et se questionneront sur les noms de ces derniers.

Un conte philosophique ?

Beaucoup de questions émaillent Le nom des choses : pourquoi les objets s’appellent-ils comme ça ? S’ils avaient un autre nom, leur utilité serait-elle la même ? Et si on nommait tous les objets de la même manière, comment ferait-on pour s’y retrouver ? Petit à petit, ces interrogations de surface mènent à une réflexion plus profonde. Le nom n’est pas seulement un nom : il implique des significations, un sens qu’on donne aux objets. Ces significations, bien souvent, sont liées à un souvenir, une habitude d’usage, une histoire de famille. Alors, la nostalgie s’installe doucement et les personnages racontent leurs anecdotes, se livrant les uns aux autres. On touche à l’intime et ce qui s’apparentait à un spectacle léger prend une toute autre dimension.

Le nom des choses devient rapidement conte philosophique, parsemé de réflexions sur l’existence : un nom implique beaucoup d’autres choses et sa simple évocation peut faire ressurgir le passé, souvent heureux, d’autres fois moins. Ce spectacle nous rappelle ainsi le poids des mots que l’on emploie. Et la présence de Bérangère la fougère, personnage central d’Arborescence programmée, le précédent spectacle de la compagnie, pousse la réflexion un peu plus loin. Ce n’est pas un hasard si c’est Fred Ozier qui s’en occupe le plus, lui qui avait tissé un lien étroit avec elle durant leurs interactions scéniques. Ainsi, c’est notre rapport aux autres êtres vivants, au-delà des objets, qui est interrogé. Et le champ des possibles s’agrandit.

S’adresser aux enfants

Si les questions posées sont complexes, le tout est enrobé dans des aspects très ludiques et autres taquineries entre les personnages, comme quand ces derniers tentent de trier les objetsen fonction de leurs formes, couleurs, apparences ou autres caractéristiques. Un tel tri devient rapidement impossible, tant il existe de manières de l’envisager. Alors, la scène se fait presque loufoque, pour le plus grand bonheur des enfants qui rient aux éclats. Voilà leur attention captée !

Dès lors, la réflexion peut être poussée plus loin, mais comprennent-iels tout pour autant ? Sans doute que non. C’est peut-être le petit bémol que l’on peut émettre à l’encontre de ce spectacle, si c’en est vraiment un… Car la discussion qui suit la représentation aidera sans doute le jeune public à lever le voile sur les passages plus obscurs de cette histoire. Ajoutons ici que ce spectacle ne s’adresse pas qu’aux enfants. Au final, iels prendront ce qu’iels pourront, et les adultes également. Le nom des choses parvient donc à amener différents niveaux de compréhension, selon l’âge et l’expérience de chacun·e, et ça, ce n’est pas donné à tout le monde !

Finalement, au-delà de tout le spectacle, l’important est peut-être la jolie morale que l’on en retient : qu’importe le nom des choses, c’est ce qu’il véhicule qui est important. La scène finale, d’ailleurs, nous enjoint à créer, chacun et chacune, nos propres mots et l’histoire qui les entourent. Une belle parabole sur l’échange et le partage.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Le nom des choses, de la Cie La Bocca della Luna, du 25 au 28 janvier 2023 à l’Usine à gaz, puis du 3 au 12 février 2023 au Théâtre Am Stram Gram, en collaboration avec la Comédie de Genève.

Mise en scène : Muriel Imbach

Avec Coline Bardin, Pierre-Isaïe Duc, Cédric Leproust, Fred Ozier et Selvi Pürro

https://usineagaz.ch/event/le-nom-des-choses-la-bocca-della-luna-ch/

Photos : © Sylvain Chabloz

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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