Et si on s’inscrivait au Fitness ou « quand l’inattendu peut sauver »
Pour bien débuter l’année, et nous permettre d’actualiser une de ces résolutions que l’on a peut-être prises à l’aube de 2025, la Maison Saint-Gervais se transforme, grâce à Noémie Griess et Laurence Favez, en salle de Fitness. Un spectacle musical qui mêle histoires personnelles et humour, à découvrir du 9 au 19 janvier.
Un lieu pour être soi
Avez-vous déjà poussé la porte d’un fitness ? Où peut-être est-ce pour vous, comme pour moi, un lieu imaginé, parfois fantasmé, jamais tout à fait envisagé, au cœur duquel vous projetez un imaginaire. À chaque fois que j’y pense, j’y vois un lieu où les corps sont en compétition, en représentation et dans la performance. Et pourtant, et cela dès le départ, cette idée préconçue est balayée. En effet, les personnages, que nous retrouvons dans Fitness, sont bien loin d’incarner cet impératif de faux idéal basé sur la force et la réussite. Sans jamais se dissimuler, chacun·e des trois personnages se dévoile et montre ses faiblesses. Le fitness devient alors le lieu dans lequel on ne triche plus à être quelqu’un·e d’autre que soi. Tou·te·s sont là avec leurs propres envies, ambitions, fêlures et obsessions. Cette envie d’être librement soi, débarrassé·e, par l’exercice, les encouragements et le groupe, de ce qui emprisonne et retient, rend les trois protagonistes attachants. Ce lien basé sur une forme de vulnérabilité est construit dès le départ du spectacle, avec Noémie Griess qui incarne son propre rôle et joue la sincérité de l’expérience personnelle, en expliquant ce qui lui a donné envie de parler du fitness : partager avec le public, sur scène, ce qui lui a été utile à elle, à un moment donné de sa vie où ça n’allait pas très bien. Un propos qui prend vie dans des corps et des postures chorégraphiées mais qui tend plutôt à aborder des questions, tout à fait pertinentes et actuelles, autour de la santé mentale, sans toutefois les creuser véritablement.
Une galerie de personnages
Dès l’entrée du public dans la salle, pour cette toute première représentation, tout est fait pour que nous puissions comprendre où nous sommes, sans aucun doute possible. La scénographie (Vanessa Ferreira Vicente) renvoie à l’intérieur d’un fitness. Tout est là : les casiers du vestiaire, le banc sur lequel s’asseoir pour lacer ses chaussures de sport, le podium duquel la prof donnera son cours, les ballons colorés, les haltères et les tapis de yoga. Pendant la petite heure que va durer la représentation, nous suivrons les personnages et leurs motivations à venir au fitness ; nous vivrons une journée dans ce microcosme au rythme des cours qui s’enchaînent, des mots échangés auprès du distributeur de barres protéinées, jusque dans l’intimité du sauna réconfortant de fin de journée. Nous assistons, sans transition, à une juxtaposition de portraits de personnages et de saynètes. Nous avons bien évidemment la prof de sport (Noémie Griess) à la contagieuse bonne humeur, qui utilise le sport pour digérer une rupture. Nous avons l’abonnée depuis 25 ans (Julia Batinova), souffrant sans doute de solitude, timide et tête en l’air, plutôt assidue jusqu’au moment où il est question de rejoindre les ami·e·s pour un verre, et enfin nous avons un chanteur de pop italienne (Giordano Rush) qui est là pour guérir, psychomagiquement, un traumatisme réveillé par un concert catastrophique. Le concept emprunté à Alejandro Jodorowsky fait référence à la possibilité de se libérer de blocages par des actes théâtraux et poétiques. Il devient dans la bouche du protagoniste un refrain répété à maintes reprises jusqu’à l’épuisement. Les caractères proposés sont touchants et drôles, bien qu’un peu essoufflés. Les rôles sont bien délimités avec des caractéristiques peut-être trop rapidement lisibles et par moment enfermantes. Les personnages, définis par quelques caractéristiques, semblent manquer d’épaisseur et de complexité, même si l’on comprend l’envie de créer un certain comique de répétition et de nous faire voir des types à partir de traits significatifs observés chez celles et ceux qui fréquentent les fitness.
Ça pulse !
À quelques jours de la première, nous avions rencontré Noémie Griess. Dans cet entretien elle nous avait confié la place nécessaire et naturelle qu’occupait la musique dans sa vie personnelle et professionnelle. Et en effet, elle est un élément central de Fitness. Pour la première fois elle collabore avec le duo pop électro Psycho Waezel (à la création musicale nous retrouvons également Noémie Griess et Giordano Rush). La musique est non seulement présente comme elle le serait dans une salle de gym pour soutenir et motiver les mouvements des corps jusqu’à la sueur, elle l’est également comme dans une comédie musicale, où une grande partie des textes du spectacle sont en réalité des chansons dans lesquelles chacun et chacune a le droit à son moment dans lequel iel se livre, qu’il s’agisse du quotidien de la salle jusqu’à des sentiments plus intimes. Dans un dialogue fort avec la musique, nous retrouvons également une création lumière spectaculaire très clubbing (Florian Leduc), qui pulse et encourage. Rien ne nous est caché, tous les artifices théâtraux sont à vue, comme si le théâtre, également dans ses aspects techniques, était lui-même, d’une certaine manière, un des sujets de la pièce. En effet on sent l’envie de faire des parallèles entre le monde de la salle et celui du spectacle, tous deux chers à Noémie. Toutefois, on reste un peu sur notre faim, avec l’impression d’avoir juste survolé des espaces, des dispostifs et des thématiques dans lesquels on se serait pourtant bien plongé·e.
Un spectacle qui a encore toutes les fragilités d’une première, mais qui saura, à force de body-attack, trouver l’assurance et le bon rythme cardiaque.
Charlotte Curchod
Infos pratiques :
Fitness, de Noémie Griess et Laurence Favez, à la Maison Saint-Gervais, du 9 au 19 janvier 2025.
Mise en scène : Noémie Griess
Avec Julia Batinova, Noémie Griess et Giordano Rush
https://saintgervais.ch/spectacle/fitness/
Photos : ©Laurence Favez et Noémie Griess