“Kapr Code” – Quand le cinéma discute avec la musique
Aujourd’hui, La Pépinière vous emmène au sein de l’atelier de critiques qu’elle organise pendant le festival Visions du Réel. Les participant-e-s ont visionné un film et se sont livrés à un exercice de critique courte. En voici une nouvelle, toute en musique, en compagnie de Magali Wicht.
Jan Kapr, compositeur tchèque décédé en 1988 a produit plus de 180 œuvres ainsi que des centaines d’heures de film amateur. La réalisatrice Lucie Králová utilise ce matériel pour nous livrer Kapr Code; un opéra documentaire, une conversation visuelle et auditive, entre images d’archives et récentes, mélangeant les compositions de Kapr avec des mots écrits aujourd’hui et chantés par un chœur tchèque. Une rétrospective atypique de l’œuvre de cet homme, de sa vie, et en fond, l’histoire de la Tchécoslovaquie.
Dans ces allers-retours du passé au présent, nous naviguons entre le noir et blanc des très vieilles pellicules, les archives aux couleurs délavées, les images du chœur et, la vivacité des verts de la forêt tournées récemment. J’ai aimé qu’elle nous montre le lieu de villégiature de Kapr avec des images récentes. Combinées avec celles des archives personnelles, cela nous permet de plonger plus facilement dans la vie de l’homme, dans laquelle la réalisatrice nous emmène grâce à un référentiel visuel de notre quotidien moderne.
L’envie de regarder l’écran et de s’immerger dans ces sonorités liées à la musique et à la langue tchèque est entrée plusieurs fois en compétition avec mon désir de comprendre la signification des mots, de l’histoire, et le besoin de lire les sous-titres. Le libretto résout régulièrement ce problème en usant de la répétition des mots. Avant la fin du film, il n’est plus besoin de lire les sous-titres lorsque le chœur entonne “Poissons et homards”. Le son des mots chantés est devenu familier et il nous laisse la possibilité de nous immerger dans le son et les images.
C’est un film surprenant. Je comprends pourquoi il a été sélectionné dans la compétition Burning Lights récompensant les nouveaux vocabulaires documentaires au festival international de Visions du Réel. Pour sûr, Lucie Králová avec la complicité de Jiří Adámek, ont développé un langage que je n’avais jamais entendu ou vu auparavant.
Petit post scriptum: si vous allez regarder la bande annonce, sachez qu’elle n’est pas représentative du film. Elle explique le processus de création mais esquisse à peine le résultat que vous verrez.
Magali Wicht
Référence : Kapr Code, de Lucie Králová, République tchèque et Slovaquie, 2022, 91 min
Photo : © DR