La Métamorphose : Sommes-nous tous devenus des cafards ? Die Verwandlung: Sind wir alle Schaben geworden?
Zwei Seelen wohnen, ach! in meiner Brust. Parce qu’il y a surement une présence germanique dans votre arbre généalogique, La Pépinière fusionne deux grandes régions linguistiques suisses et vous propose des articles culturels pour une (re)découverte de l’allemand.
Pour vous, l’allemand, c’est … et c’est à vous de jouer, dans les deux langues ! (Et qu’on ne se préoccupe pas des fautes !) Expliquez-nous votre choix en bref en allemand et ce qui vous a plu, en détail, en français !
Illustrez votre coup de cœur, parlez-nous d’un Renner, Knaller oder Kleinod, les pieds en éventail, confortablement posés sur le fauteuil d’Oma & Opa.
Notre pigeon de la Pépinière tient à son perchoir, mais non le crachoir !
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La Métamorphose : Sommes-nous tous devenus des cafards ?
Die Verwandlung: Sind wir alle Schaben geworden?
Warum Die Verwandlung?
Die Verwandlung wurde im Jahr 1912 von dem Schriftsteller Franz Kafka geschrieben. Diese Erzählung gehört zu den bekanntesten Texten der deutschen Literatur und wird weltweit gelesen. Daher habe ich im Gymnasium auch beschlossen, diese Erzählung zu lesen. Ich wusste jedoch nicht, als ich die ersten Seiten des Textes zu lesen begann, dass diese Geschichte einer der meistinterpretierten Texte der deutschen Literatur war. Ich verstand auch nicht, aus welchen Gründen die Verwandlung eines Menschen in ein Insekt ein so grosses Interesse bei den Lesern und Leserinnen erregte. Viele Jahre später, als ich dieses Werk an der Universität wiederentdeckte, habe ich verwirklicht, wie sehr die Lektüre der Verwandlung stimulierend sein könnte. Meiner Ansicht nach bietet das Zeitgeschehen und insbesondere die Epidemie neue Möglichkeiten, den Text zu interpretieren. Warum hat sich Gregor, die Hauptfigur der Erzählung, in ein « ungeheures Ungeziefer » verwandelt? Wird der junge Mann tatsächlich zu einem Tier verwandelt oder wie könnte man die Verwandlung metaphorisch verstehen?
Gregor, un homme presque comme les autres
Nombreux.ses sont celles et ceux qui se réveillent le matin en sursaut, lorsque l’alarme du téléphone retentit à tue-tête, faisant fi du sommeil profond. Le bruit de l’alarme n’est pas le seul désagrément que nous devons affronter. Ce son agite souvent en nous des préoccupations imminentes, au sujet de la journée à venir … qui étaient encore inexistantes quelques secondes auparavant. Gregor Samsa, le personnage principal de La Métamorphose n’a, de ce point de vue, rien d’exceptionnel. Le jeune homme se réveille un matin après avoir entendu le son de son réveil et regrette d’exercer un métier fatiguant qui l’oblige, chaque jour, à se lever de bonne heure. Gregor doit toutefois faire face à une difficulté de taille : il s’est, au cours de la nuit, transformé en cafard. Souhaitant éviter que sa nouvelle physionomie ne l’empêche de travailler, l’animal s’extrait difficilement de son lit et ouvre la porte de sa chambre. Le changement physique de Gregor représente un choc pour l’ensemble de la famille : la mère s’évanouit et le père repousse violemment son fils à coup de bâton dans la chambre. Gregor tente dès lors à plusieurs reprises d’approcher ses parents et sa sœur, mais ils ne parviennent pas à supporter sa présence. Isolé aussi bien physiquement que mentalement et blessé à la suite d’un affront avec son père, la situation de Gregor se dégrade jusqu’à sa mort.
Pourquoi Gregor se métamorphose-t-il ?
La transformation de Gregor peut être interprétée de diverses façons. Le jeune homme s’est peut-être bel et bien soudainement métamorphosé au cours d’une nuit en insecte. La nouvelle de Kafka décrirait alors un univers surréaliste, dans lequel il est envisageable de se transformer en un animal grimpant aux murs. Il est néanmoins également possible de considérer la métamorphose de Gregor d’un point de vue plus métaphorique. Celle-ci représenterait un changement brutal qui s’est opéré au cours de la vie du personnage. La nature de ce changement n’est cependant pas précisée par le texte et est sujette à interprétation. L’isolement physique et mental de Gregor, menant une vie solitaire et entièrement vouée à son travail, pourrait par exemple être la cause de sa transformation. La mère décrit à l’employeur de Gregor le morne quotidien de son fils:
Ihm ist nicht wohl, glauben sie mir, Herr Prokurist. Wie würde denn Gregor sonst einen Zug versäumen! Der Junge hat ja nichts im Kopf als das Geschäft. Ich ärgere mich schon fast, dass er abends niemals ausgeht; jetzt war er doch acht Tage in der Stadt, aber jeden Abend war er zu Hause. Da sitzt er bei uns am Tisch und liest die Zeitung oder studiert Fahrpläne. Es ist schon eine Zerstreuung für ihn, wenn er sich mit Laubsägearbeiten beschäftigt. Da hat er zum Beispiel im Laufe von zwei, drei Abenden einen kleinen Rahmen geschnitzt; sie werden staunen, wie hübsch er ist. (Die Verwandlung, S. 104-105)
Gregor, surmené par son activité professionnelle, ne parviendrait plus à se rendre au travail et à poursuivre un quotidien uniquement défini par des exigences professionnelles et dépourvu de relations sociales. La métamorphose illustrerait ainsi concrètement un bouleversement psychologique du personnage. A la suite de sa métamorphose, la solitude de Gregor s’intensifie. Il reste enfermé dans sa chambre et ne parvient pas à nouer des relations avec ses proches. Gregor possède toutefois en tant qu’insecte encore la capacité de mener des réflexions, éprouve le besoin de côtoyer ses parents et sa sœur et lutte contre la solitude en tentant de sortir de sa chambre. A l’image des meubles sans valeur de sa chambre, transformée en réduit par sa famille, Gregor devient un être inutile et encombrant. Son corps se recouvre peu à peu de poussière :
Infolge des Staubes, der in seinem Zimmer überall lag und bei der kleinsten Bewegung umherflog, war auch er ganz staubbedeckt; Fäden, Haare, Speisüberreste schleppte er auf seinem Rücken und an den Seiten mit sich herum ; seine Gleichgültigkeit gegen alles war viel zu gross, als dass er sich, wie früher mehrmals während des Tages, auf den Rücken gelegt und am Teppich gescheuert hätte. » (Die Verwandlung, S. 149)
La mort constitue dès lors le seul moyen pour Gregor de renoncer à un quotidien devenu insupportable. La métamorphose représenterait donc à la fois la rupture et le prolongement d’un quotidien solitaire. Il semble toutefois que la négligence exercée de la part de la famille à l’encontre de Gregor soit le véritable responsable de sa dégradation et de son laisser-aller fatal.
La Métamorphose en 2021, deviendrons-nous des cafards ?
Relire le texte de Kafka en 2021 offre de nouvelles clés de lecture. Tout comme Gregor, nombre d’entre nous sont submergé(e)s par le travail et sont prêt(e)s à faire des sacrifices. De même, la crise sanitaire que nous vivons a eu pour conséquence de chambouler nos habitudes quotidiennes, notamment en limitant, voire en supprimant les relations sociales que nous entretenions précédemment. Ainsi, à l’image du personnage de Gregor, certains passent la majeure partie de la journée dans leur appartement, s’inquiètent de leurs problèmes financiers issus de la crise ou de la perte d’un emploi ou s’ennuient profondément (quitte à commencer à tailler des cadres en bois…). D’autres encore doivent faire face à des problèmes au sein de leur ménage et entretiennent des relations très complexes avec leurs proches. Que la métamorphose de Gregor soit issue d’une cause interne au personnage (un bouleversement psychologique par exemple) ou d’une cause externe (qu’il resterait à interpréter), elle présente de nombreux points communs avec notre époque et avec la crise sanitaire actuelle. Je souhaite ainsi considérer ce texte comme un avertissement, un point de non-retour. Chacun d’entre nous peut dès lors essayer d’empêcher que d’autres ne se métamorphosent en préservant des liens sociaux – facile, non ? Ou choisirait-on le chemin tracé par les proches de Gregor ?.
Louise Grob
Repères temporels : Franz Kafka est né le 3 juillet 1883 à Prague et est mort le 3 juin 1924 à Kierling (appartenant à l’Empire austro-hongrois). Kafka a entrepris des études de droit et travaillé jusqu’à sa retraite. Il a demandé dans son testament à ce que ses textes soient brûlés. Ceux-ci ont néanmoins été redécouverts après la deuxième guerre mondiale et publiés par son ami, également poète, Max Brod.
Références :
Pour le livre en allemand, et en français.
Kafka, Franz: Die Erzählungen und andere ausgewählte Prosa, hrsg. v. Roger Hermes, Frankfurt am Main 2019.
Dessins: © Anne Pélissier