Les réverbères : arts vivants

La nature sous toutes ses formes

L’environnement verdoyant et pédagogique du Théâtre de l’Orangerie, ses plantes, ses cultures, nous incite à pénétrer au cœur d’une nature luxuriante, paisible et contrôlée. En opposition, Leonardo da Vinci, maître florentin disparu il y a 500 ans, fut un précurseur qui s’insurgea violemment contre une autre forme de nature, la nature maléfique des hommes. Io, Leonardo est une adaptation de la vie du maître florentin par Gilles Tschudi 

La forme performative de la pièce est une idée proposée par Pietro Musillo, initiateur du projet et qui joue le rôle de Leonardo da Vinci. Un des partis pris de Pietro Musillo sur la scénographie est de rechercher la performance à travers l’action de peindre et de dessiner en direct : en effet, Leonardo da Vinci sculpte une tête de cheval et peint un portrait durant la pièce. C’est avec l’exposition de certaines de ses œuvres et la reconstitution d’un atelier de fabrication de pigments naturels, que Gilles Tschudi et Pietro Musillo posent les bases d’une sensibilisation à la vie de Leonardo da Vinci, adressée notamment au jeune public.  

Dès le premier regard, le spectateur est convié dans l’intimité de l’atelier du maître. La diversité des objets représentant son univers nous rappellent à quel point Leonardo da Vinci fut précurseur dans la quête du savoir et de la compréhension du fonctionnement du monde, et ce, dans de multiples domaines. Leonardo est entouré de Salai, son apprenti et amant, un jeune homme fougueux, enthousiaste et dévoué. Deux autres apprentis travaillent avec eux et mélangent les ingrédients, composant la tempera (mixture composée de pigments, œuf et eau) afin d’obtenir les couleurs et la consistance choisies par le maître. Leonardo se questionne sans cesse sur les quatre éléments : l’eau, la terre, le feu, l’air. Comment coule l’eau sur telle ou telle matière, de quoi est fait son reflet ? Il décortique des viscères, des organes du corps humain à la recherche de réponses. Quel est le rôle du tendon, du cœur ? Qu’estce qui dépend de quoi ? Comment l’esprit et la matière s’articulentils entre eux ? Toute sa vie durant, il n’a cessé d’être à la quête de l’absolu. 

Apparaît sa mère… est-elle fruit d’un rêve ou présence réelle ? Maria Mettral, dans le rôle de la mère du génie florentin, chante, ils discutent du passé. Il lui reproche de l’avoir abandonné. 

Première intervention de Lionel Chiuch, l’auteurde Io Leonardo : une référence à Godard, et plus précisément à son film Je vous salue Marie. La citation s’achève au moment où Lionel Chiurch  souffle et éteint les bougies du  chandelier. Il y aura quatre interventions tout au long de la pièce. Des séquences pour donner un rythme à la pièce ?  

Neglio entre en scène : il est le prieur de Sainte Marie des Grâces et pose pour le maître comme modèle. S’ensuit un dialogue sur les guerres et les combats ; Leonardo s’insurge contre la nature maléfique des hommes. Religion, nature, étude du corps humain : les antagonistes n’arrivent pas à se mettre d’accord. Ils négocient ensuite la valeur d’une œuvre en devenir, la commande d’une fresque : la Sainte Cène. Le religieux demande à l’artiste d’insérer de la piété sur la fresque, Leonardo s’emporte et rétorque : Regarde ton Dieu, l’as-tu vu ? Neglio s’approprie finalement une des toiles du maître et quitte la scène. Un jeu de pouvoir s’instaure entre les deux protagonistes, liés l’un à l’autre par la nécessité, chacun ayant besoin de ce que l’autre peut lui apporter.  

Io, Leonardo fait parfaitement ressortir le caractère de son protagoniste principal : Leonardo da Vinci vivait en opposition avec son époque – ainsi que le mettent en évidence les citations lues par Lionel Chiuch. Il fut un personnage imposant, un colosse d’1.90 mètre, un génie paresseux qui a oscillé entre travail acharné et vie dissolue. Néanmoins, il nous paraît ici plus désabusé que passionné, presque fade. Nous ressortons de cette performance à la fois affamés et dépités : trop de questionnements et de thèmes abordés ; le contenu reste très général, sans approfondir de thématique particulière. Il y manque du contenu constructif. Le déroulement de la pièce est trop lent, et l’enchaînement entre chaque intervention manque de dynamisme. Quant à Leonardo, nous nous attendions à un héros charismatique, imposant espoir déçu. Roberto Mollo et Maria Mettral sont les plus convaincants dans leur jeu, lui campé dans son rôle de religieux, qu’il joue avec bio et elle, en tant que mère remplie d’amour et de sollicitude pour son fils. Une mère qui nous invite à partager ses émotions et à rentrer dans l’intimité de sa relation avec son fils. Dommage que la pièce n’ait pas attiré le jeune public pour lequel elle était destinée 

 Valérie Drechsler 

Infos pratiques :

Io, Leonardo, d’après un texte de Lionel Chiuch, par Gilles Tschudi, du 10 au 21 septembre au Théâtre de l’Orangerie.

Mise en scène : Gilles Tschudi

Avec Maria Mettral, Roberto Molo, Pietro Musillo, Matthieu Wenger

Photos : © Guiti Tabrizian (couleurs) et Isabelle Meister (noir/blanc)

Valérie Drechsler

Le cœur et l’esprit de Valérie vibrent au rythme des découvertes de créations artistiques ; théâtre, danse, musique, cinéma, beaux-arts. Née dans le monde culturel, elle a étudié les arts, y travaille et cultive cette richesse qui sans cesse appelle à être renouvelée.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *