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La Vie Précieuse (Tiphaine du Boÿs)

Aujourd’hui, nous vous proposons deux critiques, consacrées à un roman : La Vie Précieuse (Yrsa Daley-Ward).

Ces critiques ont été produites dans le cadre de l’Atelier d’écriture du Département de langue et littérature françaises modernes de l’UNIGE (Université de Genève). Elles sont signées par Natacha Stein et Léna de la Cruz.

Bonne lecture !

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Échos de solitude

Née d’une mère jamaïcaine et d’un père nigérian qu’elle ne connaîtra jamais, Yrsa vit dans le Nord-Ouest de l’Angleterre avec sa mère et son petit frère bien-aimé, Little Roo. Dans son enfance, face à une mère submergée, Yrsa se retrouve contrainte d’aller vivre chez ses grands-parents dont la religion dicte la vie. Dans ce foyer instable, la jeune fille est forcée à grandir rapidement, confrontée aux questionnements identitaires que soulèvent sa foi et ses origines. Dans une profonde solitude et sous l’influence du regard masculin, Yrsa sera projetée dans la découverte précoce de sa féminité, qui annoncera les violences et les aliénations futures.

Dans La Vie Précieuse, roman autobiographique, d’abord paru sous le titre The Terrible, Yrsa Daley-Ward partage les souvenirs marquants de sa vie, des « gouttelettes de mémoires », dans un écoulement chronologique divisé en quatre parties, au fil desquelles le ton et la poésie évoluent avec l’âge. L’imagination enfantine, l’innocence, et la douceur du lait chaud contrastent par l’écriture avec la noirceur, le terrible futur, et l’alcool. Ce roman, en jouant avec la prose et les vers, rythme les épisodes, saccade et accélère les moments d’afflictions. Il permet à l’auteure de retracer les lignes brûlantes de son histoire, et donne le sentiment d’une libération d’un passé de douleur. Entre discriminations raciales, dépression, addiction, solitude, l’auteure évoque les affres qui l’ont accablée, d’une manière qui saura trouver un écho intime auprès des lecteurs.

Natacha Stein

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Un livre précieux

Difficile de comprendre pourquoi l’autobiographie d’Yrsa Daley-Ward, intitulée en anglais The Terrible, a pour titre français La Vie précieuse. Serait-ce car le témoignage de la jeune femme est un témoignage rare, et donc, important ? Peut-être. Sa lecture, en tout cas, ne peut laisser indifférent.

Fille d’une mère jamaïcaine et d’un père nigérien qu’elle n’a jamais connu, Yrsa grandit au nord de l’Angleterre, dans les années 80. C’est dans ce contexte qu’elle et son petit frère « Little Roo » sont élevés par leur mère infirmière, avant d’être confiés à leurs grands-parents ultra religieux. Entre une mère peu présente et instable, et des grands-parents beaucoup trop rigides et sévères, Yrsa peine à trouver sa place et à se construire.

Sans tabous et avec beaucoup de courage, l’écrivaine nous conte son quotidien d’enfant, d’adolescente et enfin, de jeune adulte. Au fil de sa vie, l’abandon, la violence, le racisme et la misogynie la font basculer dans une spirale infernale, où l’alcool, la drogue et la prostitution la font sombrer toujours plus bas. Malgré tout, la jeune femme parvient à puiser sa force dans la poésie, à laquelle elle recourt pour contrebalancer la misère de son existence. La traduction, quant à elle, restitue avec justesse la sincérité, la brutalité et la beauté de la langue de l’autrice. En plus d’avoir collaboré avec Beyoncé pour son film et son album Black is king, l’autrice a reçu le Pen Prize pour le meilleur roman autobiographique. Une vie et un livre précieux, certainement, puisqu’avec ce récit, Yrsa Daley-Ward prouve au monde entier qu’il est nécessaire de ne jamais perdre espoir.

Léna de la Cruz

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Références :

Yrsa Daley-Ward, La Vie Précieuse, trad. de l’anglais par Julia Kerninon, Éd. La Croisée, 2024, 240p.

Photo : © Natacha Stein

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