Les réverbères : arts vivants

L’Apocalypse : détruire pour mieux reconstruire

Du 2 au 5 juin, Louis Bonard présentait le deuxième épisode de son Apocalypse. Après les sept messages d’alerte distillés il y a quelques mois, il est maintenant trop tard pour réagir. Dans cet épisode, tout est détruit. Avant de tout reconstruire ?

On avait laissé Louis Bonard à la fin du premier épisode avec ses sept messages qu’il nous avait fait passer. Dans le chaos le plus total, son château de sagex se détruit, et ses cris alarmistes durant les premières minutes nous renseignent sur l’état du monde : c’est trop tard ! Trop tard pour alerter, trop tard pour faire quoique ce soit, les avertissements n’ont pas suffi. Le monde est détruit, les règles abolies, la désolation règne désormais. Comme un écho aux jours qu’il nous reste avant que le réchauffement climatique soit totalement irréversible… Alors, dans ce deuxième épisode, Louis Bonard erre avec son cheval, comme dans un galop d’adieu au monde et à l’Humanité telle qu’il l’a connue.

Un épisode radicalement différent du premier

Dans le premier épisode, l’humour et l’espoir étaient particulièrement présent. Cette fois-ci, c’est tout l’inverse, ou presque ! Alors que la lumière était éclatante, et l’est encore au début lors de la destruction du monde, elle laisse rapidement place à la pénombre, empreinte d’une lumière froide aux tons bleutés. C’est dans ce décor de désolation, où toute trace de joie semble avoir disparu, qu’évolue désormais Louis Bonard. Mais n’est pas la seule à être absente, puisqu’après les cris du début, la parole semble avoir elle aussi quitté la Terre. Il ne s’exprime plus, sans doute car il n’y a plus rien à dire. Seule une musique aux sonorités electro résonne, avec une voix qui répète deux mots en boucle : « Dies Irae », autrement dit « jour de colère ». Est-ce un agissement de Dieu ? De la fatalité ? Peu importe : une force supérieure a agi là où les êtres humains ont échoué. Le monde ne pouvant plus être sauvé, il a fallu le détruire, punir l’absence d’agissements… pour mieux renaître par la suite ? Cela, on ne le saura que dans les prochains épisodes.

Au début du spectacle, Louis Bonard nous raconte les sept sceaux ouverts, les cavaliers de l’Apocalypse qui sont venus se battre, l’arrivée de l’Antéchrist, qui a forcé celles et ceux qui ne voulaient pas le suivre à le faire. Contrairement à l’épisode 1, nous ne sommes pas intégrés au processus, c’est au contraire un sentiment d’exclusion qui naît en nous, spectateur·trice·s. Comme si le monde décrit par le comédien n’avait plus de place pour nous. Pour aucune humanité d’ailleurs. La vie a totalement disparu, et lui-même erre sur le dos de son cheval décharné, comme une âme perdue qui ne trouverait plus véritablement de sens à ce qui l’entoure. Ce moment, qui dure et dure, est d’ailleurs plutôt éprouvant, et l’on sent le poids de la menace sur nos épaules.

L’espoir avant l’arrivée du mal ?

Louis Bonard l’annonce en fin de spectacle : dans l’épisode 3, le mal règnera. On pourrait croire que c’était déjà le cas ici, mais c’est plutôt le néant qui domine. L’absence de tout : émotions, règles, comme si plus rien n’avait de sens ni de place. Une lueur d’espoir semble pourtant émerger du chaos : sur son cheval, Louis Bonard récolte les cadavres, les parties de corps démembrées pour les rassembler et leur offrir un dernier adieu. Le titre de cet épisode, Les adieux, prend alors tout son sens. Il est la seule part d’humanité qui reste, et cherche à redonner un semblant de dignité à celles et ceux qui ne sont plus. Et quand la trompette, si présente dans l’épisode 1, se remet à résonner, comme un écho, en fin de spectacle, on se dit que tout n’est peut-être pas perdu. Avant d’en revenir au futur règne du mal… Pour un bien encore plus grand qui suivra ? Faut-il en passer par la tabula rasa si bien décrite par les philosophes ? Seule la suite nous donnera des éléments de réponse.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

L’Apocalypse, épisode 2 : Les adieux, de Louis Bonard, du 2 au 5 juin à l’Arsenic.

Conception et jeu : Louis Bonard

https://arsenic.ch/spectacle/apocalypse-episode-2/

Photo : © Arsenic

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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