Le banc : cinéma

L’art pour l’art, en huis clos

Dans son dernier thriller psychologique, Inside, Vasilis Katsoupis imagine un huis clos avec pour seul personnage, ou presque : un voleur d’art haut de gamme, brillamment interprété par Willem Dafoe.

Tout commence avec la voix-off de Willem Dafoe, alias Nemo dans le film. Quand, enfant, on lui a demandé les trois choses qu’il choisirait de garder sur une île déserte, il désigne son chat, un album d’AC/DC et son carnet du croquis. Cette première déclaration sera aussi la toute dernière d’Inside, tout ce qui se trouve entre deux étant une réflexion autour du dernier objet évoqué par Nemo. L’histoire, c’est celle d’un cambriolage qui tourne mal. Nemo se retrouve enfermé dans un penthouse ultra-technologique, dont il cherchera à sortir par tous les moyens. Mais rien n’y fait. Et avec l’intelligence artificielle qui gère les lieux et se trouve complètement déréglée, la température ne cessera d’augmenter ou de baisser pour atteindre des extrêmes invivables… alors que l’eau sera coupée, à l’exception de l’arrosage des plantes…

Peu de mots

Dans Inside, Nemo est seul et parle donc très peu. Les rares paroles prononcées sont des interjections, des réflexions, des interactions inventées avec les gens qui passent sur les écrans des caméras de surveillance ou encore avec les pigeons que Nemo aperçoit par la fenêtre. Pourtant, le film s’avères extrêmement sonore : grésillement de la technologie qui ne fonctionne plus, quelques notes de piano aiguës qui résonnent… Vasilis Katsoupis crée une ambiance parfaitement angoissante avec une étonnante économie de moyens.

Inside est ainsi un film plutôt silencieux, en termes de paroles, avec de ce fait une dimension contemplative : il s’y passe peu de choses finalement au niveau de l’intrigue, sauf dans la tête du personnage qui sombre petit à petit dans une forme de folie, créatrice ou non. Les tableaux et autres œuvres d’art qui l’entourent y sont pour beaucoup.

L’art pour l’art

Durant cette période de captivité forcée, Nemo observe, rêve, imagine. La folie qui semble s’emparer de lui se transforme en génie créatif. La luxueuse maison est petit à petit totalement détruite, d’abord dans le but de trouver une issue, mais avec une dimension artistique qui prend finalement le dessus. Avec tous les éléments déconstruits puis assemblés, Nemo crée une succession d’œuvres d’art, reflets de son étrange état intérieur, qu’il développe dans le carnet de croquis qui l’accompagne en permanence.

Ce sont ces souvenirs qu’il laissera au propriétaire des lieux qui les découvrira, imagine-t-on, à son retour de voyage. Le tout se conclut avec une dernière réflexion sur ce qu’est l’art, quelle est sa fonction, et la dimension de création qu’il contient. Une forme de tabula rasa du confort excessif dans lequel vit le propriétaire du penthouse, afin de laisser la place à l’essence de l’art. Une forme d’éloge à travers cet étrange huis clos qui ne laisse pas indifférent.

Fabien Imhof

Référence :

Inside, réalisé par Vasilis Katsoupis, USA, 2023.

Photo : © DR

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