Les invités de Marc (Tiphaine du Boÿs)
Aujourd’hui, nous vous proposons deux critiques, consacrées à un roman : Les invités de Marc (Tiphaine du Boÿs).
Ces critiques ont été produites dans le cadre de l’Atelier d’écriture du Département de langue et littérature françaises modernes de l’UNIGE (Université de Genève). Elles sont signées par Margaux Gloor et Anna Terzyan.
Bonne lecture !
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Nid de vipères
Minuit et demi. Sa paire de mocassins dans une main, un grand cru subtilisé dans l’autre, Léonore s’éclipse d’un appartement du 16ème arrondissement. Elle aurait dû y passer une soirée exceptionnelle en l’honneur d’un certain Marc et en compagnie de ses amis les plus proches. Mais elle a froid, elle est ivre, et elle est blessée – presque plus à l’égo qu’à la cuisse qui pourtant suinte un étrange liquide. Perdue dans les rues de Paris, Léonore voit son monde s’écrouler à mesure qu’elle prend conscience de la vanité de sa vie et de ses relations. Dans son premier roman, Tiphaine du Boÿs nous narre une jeunesse parisienne mégalomane et égotique, chez qui les relations sociales sont des faire-valoir ostensibles entre de prétendus amis qui ne savent rien les uns des autres. Bien que le ton soit persifleur et cynique, la lecture est plaisante notamment grâce à une écriture détaillée et un vocabulaire juste. Des flash-backs récurrents développent les sentiments – et les ressentiments – entre les personnages. Dans ce diptyque contemporain partageant le récit entre la nuit et le jour, l’autrice dépeint les bouleversements intérieurs qui accompagnent l’entrée dans la vie adulte, d’autant plus lorsqu’on évolue dans un nid de vipères qui plastronnent grâce à leurs réussites professionnelles et sociales. Au fil du roman se dessine le chemin sinueux de l’accomplissement de soi et de la libération après avoir affabulé pour se construire depuis l’adolescence une vie de rêve qui ferait soupirer de jalousie son entourage. En effet, comment continuer à faire semblant quand, de sa vie, de ses amitiés, de ses amours, il ne reste que le goût amer du venin… et une inexplicable blessure sur la cuisse ?
Margaux Gloor
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Une invitée égarée
Les invités de Marc de Tiphaine du Boïs débute de manière énigmatique, plongeant le lecteur dans un récit intriguant dès les premières lignes. Pourquoi la protagoniste a-t-elle décidé de partir, de pleurer, de fuir cette soirée ? Quel événement s’est-il produit pour déclencher cette réaction ? Au fil de l’histoire, nous découvrons heure par heure les visages, les intentions, les désirs cachés des personnages. Nous sommes pris au dépourvu avec la protagoniste, nous aventurant dans un lieu inconnu. Alors que le temps avance inexorablement, nous nous retrouvons immergés dans le présent, fuyant avec elle cette ambiance décadente et enivrante. Nous découvrons avec elle les secrets et les vipères tapies dans les ombres de cette nuit parisienne dans laquelle elle se sent de plus en plus isolée. Les personnages, bien que décrits de manière concise, possèdent une étrangeté palpable, chaque détail suffisant à susciter la curiosité du lecteur. Le récit, rapide et direct, évite de s’attarder sur les détails superficiels, préférant filer droit vers son dénouement. Léonore, abandonnée par ses amis et perdue, semble être tombée dans un monde de plus en plus étrange, courant à la poursuite d’un lapin mystérieux qu’est Marc. Tout au long de la lecture, le récit s’intensifie et se déploie, créant une tension qui nous maintient en haleine, dans un mélange d’ambitions, d’alcool et d’égoïsme. Nous-nous sentons tantôt confus, tantôt confiants d’avoir compris, pour être à nouveau égarés dans un tourbillon de questions. Cette narration dynamique et captivante nous incite à tourner frénétiquement les pages pour comprendre comment l’autrice va faire progresser le récit, où elle va nous mener et comment elle va dénouer la fin.
Anna Teryzan
Références :
Tiphaine du Boÿs, Les invités de Marc, Bouquins Éditions, 2023, 226pp.
Photo : © Magali Bossi (banner) et Margaux Gloor (couverture)