Mondes Imaginaires : Antres de la Terre (3)
L’association Mondes Imaginaires, fondée en 2019, regroupe trois anciennes étudiantes en Lettres qui, au terme de leurs études, sont arrivées une constatation : bien souvent (trop souvent), les littératures de l’imaginaire sont décriées et dévalorisées. Pourtant, l’histoire se construit sur un imaginaire, une conscience collective, et une transmission des mythes dits fondateurs.
Mondes Imaginaires proposent donc des ateliers participatifs et créatifs aux enfants comme aux adultes, afin que les univers fictifs viennent nourrir le quotidien. User du pas de côté qu’offre des moments de créativité permet d’enrichir la réflexion à travers des points de vue différents et des concepts innovants. Tous les mois, Mondes Imaginaires propose un atelier d’écriture créative sur un thème différent. Ensemble, nous explorons diverses facettes de l’écriture et de l’imaginaire. Le but est avant tout d’oser écrire, dans un climat de bienveillance, tout en acquérant de la confiance en soi. Chaque thématique est présentée grâce à des ouvrages qui servent de référence (en science-fiction, fantasy ou fantastique), parfois avec un ancrage historique – ce qui permet de stimuler l’imaginaire. Les participants peuvent, s’ils le souhaitent, intégrer des éléments proposés par les animatrices dans leurs écrits. L’atelier se clôt par un partage volontaire des créations. Un seul mot d’ordre : imaginer !
Les textes que vous découvrirez au sein de cette rubrique sont tous issus de ces ateliers. Le thème du jour était les antres de la Terre… Bonne lecture !
* * *
L’antre de la terre…
Je suis un petit homme qui n’a jamais eu peur – et ce n’est pas faute d’avoir essayé.
On a tout testé sur moi : la surprise (« boouuuh ! »), tous les films d’horreur, les bouquins… quand je vous dis tout, c’est tout.
Un jour, en me baladant dans un centre commercial, je vis une enseigne lumineuse rouge vif, sur laquelle était écrit « Vers le grand frisson ! ». Je n’avais jamais vécu une telle expérience, et pourtant, j’ai toujours voulu savoir ce que l’on ressentait en ayant les poils qui se hérissent…
Sans hésiter, je suivis la direction indiquée.
Après des détours, je finis par arriver devant un escalator d’un genre très particulier. Il était en pierre – pas des pierres bien taillées, comme les dalles de carrelage que l’on trouve dans ces centres commerciaux ! Non. De vielles marches, façonnées à la main.
Ce qui, dans ce contexte, aurait foutu les boules à énormément de personnes. Moi, cela ne me faisait ni chaud, ni froid.
J’entrepris alors de descendre, marche après marche, car il n’avait pas l’air en fonction. Je n’étais qu’au deuxième palier, quand la lumière du jour a soudain disparu. La seule chose qui éclairait mes pas étaient des torches, de vieilles torches juste bonnes à émettre une lueur tamisée… Je continuai à descendre, et toujours aucun frisson, ni même un poil de levé. On entendait des sortes de petits cliquetis, très rapprochés et très fréquents. Ils venaient de différentes directions.
Ce qui était sûr, c’est que de nombreuses choses produisaient ces petits bruits. Tout d’un coup, l’une d’elle passa à proximité d’une torche – et je la vis.
C’était une sorte de mille-pattes géant, qui faisait au moins dix fois la taille d’un mille-pattes habituel ! Il avait des pinces si grandes qu’elles auraient pu casser une noix de coco ! Ces antennes étaient longues, très longues. On aurait dit que ce truc sortait du film King-Kong. Je n’eus même pas peur. Je m’amusai même à caresser son dos, en continuant à descendre.
Les marches étaient de plus en plus glissantes. Je devais me tenir à la rambarde pour ne pas dévaler l’escalator. La rambarde devenait de plus en plus grasse et molle. J’entendis alors une voix :
Quessss que tussss faissss icissss ? Est-cessss que je pourraisssss t’aiderssss ?
Je lui répondis tout calmement que j’étais entrain de descendre pour voir où cela conduisait.
Je sentis bouger, juste à côté de moi, comme quelque chose qui ondulait. Une tête apparut en face de moi. Il s’agissait d’un serpent ; même Nagini (le fidèle compagnon de Lord Voldemort !) était plus petit que lui ! Il me regarda droit dans les yeux. Je me sentais fatigué. Mes yeux étaient lourds, très lourds… J’avais envie de dormir…
Dorssss, mon petitssss…
« Non je ne dois pas dormir, je veux savoir ce qu’il y a en bas ! » Alors, il partit et je repris ma descente.
Quelques marches plus bas, un vent froid me fit frissonner. Une voix dans ma tête me demanda ce que je faisais si loin de la surface. Je lui répondis que cette enseigne m’avait paru bien alléchante, moi qui n’avais jamais vécu la peur…
Une main se posa délicatement sur mon épaule. La chair qui la recouvrait était si fine que j’eus l’impression qu’elle en était dépourvue. Mais sa poigne était bien supérieure à la délicatesse de sa main.
Mon garçon, me dit la personne (était-ce seulement une personne ?). Tu ne devrais pas suivre des indications comme ça. Sans savoir où cela te mène, en plus. Tu pourrais faire de drôles de rencontres. On n’est pas tous aussi attentionné que moi…
Son visage passa à côté du mien et je sentis son souffle, sur ma gorge. La pointe de ses canines frôla mon cou.
Je pourrais me laisser tenter par du sang frais et juteux.
« Désolé, Monsieur, mais je dois finir mon trajet. »
Ce ne fut pas la dernière personne, ou être (pas toujours vivant, d’ailleurs…), que je croisais. Si je devais vous raconter toute la descente, eh bien, on serait encore là demain !
J’arrivai au bas des marches ; il ne me restait plus qu’un seul palier à franchir, et enfin je pourrais avoir peur. Je posai le pied sur le sol. Il était chaud et une ambiance apaisante se dégageait de l’endroit.
Je n’ai pas compris ce que j’ai vu.
Je ne pourrais même pas vous l’expliquer. Les mots me manquent.
Ce n’était pas effrayant, mais je ne dirais pas que c’était beau et que cela réchauffait le cœur. Je dirais que le seul moyen de comprendre ce qu’il y avait ici-bas, ça serait de revenir avec moi.
Chez lui.
David Weber
Photo : ©Activedia
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