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Mondes imaginaires : Égypte oubliée

L’association Mondes Imaginaires, fondée en 2019, regroupe trois anciennes étudiantes en Lettres qui, au terme de leurs études, sont arrivées à une constatation : bien souvent (trop souvent), les littératures de l’imaginaire sont décriées et dévalorisées. Pourtant, l’histoire se construit sur un imaginaire, une conscience collective, et une transmission des mythes dits fondateurs. 

Mondes Imaginaires propose donc des ateliers participatifs et créatifs aux enfants comme aux adultes, afin que les univers fictifs viennent nourrir le quotidien. User du pas de côté qu’offrent des moments de créativité permet d’enrichir la réflexion à travers des points de vue différents et des concepts innovants. Tous les mois, Mondes Imaginaires propose un atelier d’écriture créative sur un thème différent. Ensemble, nous explorons diverses facettes de l’écriture et de l’imaginaire. Le but est avant tout d’oser écrire, dans un climat de bienveillance, tout en acquérant de la confiance en soi. Chaque thématique est présentée grâce à des ouvrages qui servent de référence (en science-fiction, fantasy ou fantastique), parfois avec un ancrage historique – ce qui permet de stimuler l’imaginaire. Les participant·e·s peuvent, s’iels le souhaitent, intégrer des éléments proposés par les animatrices dans leurs écrits. L’atelier se clôt par un partage volontaire des créations. Un seul mot d’ordre : imaginer !

Les textes que vous découvrirez au sein de cette rubrique sont tous issus de ces ateliers. Aujourd’hui, c’est la plume de David Weber que vous retrouvez et qui vous emmène… en Égypte. Ses contraintes ? L’année 1922, le silence, un escalier… et un garde-meuble. Bonne plongée dans le passé !

* * *

1922

— Bordel ! Tais-toi et viens de te mettre à couvert !

Je ne sais pas pourquoi, alors que nous étions sous des bombardements de boules de feu envoyées par cette momie ressuscitée, mon comparse d’aventure s’est soudain mis à faire un monologue sur les tombeaux et les momies… ou, plus précisément, ce qu’il ne fallait surtout jamais faire dans un tombeau (ou, à contrario, ce qu’il fallait surtout toujours y faire).

Attendez, mais vous êtes qui, au juste ?

Ah oui ! Les personnes venues écouter mon histoire, alors je vais reprendre du début, histoire que vous ne soyez pas perdus.

*

Tout commence en 1922, en Suisse – et plus précisément, en bas d’un escalier traversant la muraille de la Vielle Ville… escalier qui donnait étrangement sur un garde-meuble. Là, dans cet endroit improbable, un homme m’accoste tout à coup et me tend un bout de papier. Au début, je ne comprends pas ce que je dois en faire et désire lui demander plus d’explication. Mais à peine ai-je refermé le papier que cet homme disparaît…

Plus tard dans la semaine, à force de tourner et retourner le mystérieux papier, je m’aperçois finalement qu’il s’agit des coordonnées d’un tombeau situé… en Égypte !

Hé ! Comment l’ai-je su, vous aller me dire ? Eh bien, les signes sur l’énigmatique message sont tout simplement des hiéroglyphes – alors par simple déduction, me voilà en route pour l’Égypte en compagnie de mon meilleur ami d’enfance. Tous les deux, nous avons fait les quatre cents coups ensemble et j’ai une confiance absolue en lui.

L’Égypte est un pays que je connais, étant donné que je suis égyptologue – mais un égyptologue qui tire plus vers le boyscout que vers le chercheur studieux. Une fois sur place et sans grande peine, je me dirige vers une boutique que je connais et où je sais que je trouverai une personne qui pourra me renseigner.

Après quelques minutes de marche, nous arrivons devant cette fameuse boutique, qui franchement ne donne pas du tout envie d’y entrer, bien qu’elle renferme des trésors de l’ancienne Égypte – comprenez par-là, des objets en tous genres, et pas toujours mis au jour de manière très légale…

Un homme plutôt trapu sort brusquement de l’arrière-boutique pour me prendre dans ses bras :

— Mon ami ! Cela faisait si longtemps ! s’exclame-t-il (et, ma fois, c’est la vérité). Quelle joie de te revoir ! Toi, tu as besoin de quelque chose, je suis sûr que tu es sur une piste, dit-il en me pointant du doigt d’un air suspicieux.

— Non, rien de très probant, expliqué-je évasivement. Mais si je trouve quoi que ce soit, je te tiendrai au courant.

— Ouais. La dernière fois, c’est ce que tu m’as dit et je me suis assis dessus : au lieu de me prévenir tu es allé tout donner au musée du Caire…

— Tu sais bien que ces objets devraient être dans un musée et qu’ils sont bien trop dangereux pour demeurer chez les gens…

— Et comment je fais mon beurre, dans ce cas ? Tu sais bien que j’ai une famille nombreuse à nourrir ! me lance-t-il sans se départir de son immense sourire.

— Arrête, tu n’as ni femme, ni enfant.

— Ça pourrait changer !

— Fêtard comme tu es, je ne pense pas, dis-je pour conclure notre petite discussion.

Je lui transmets ensuite la liste de ce dont j’avais besoin et il me dit que j’aurai tout ça ce soir. Nous retournons de ce pas à l’hôtel.

*

Le soir venu, nous nous retrouvons au bar en très bonne compagnie – c’est-à-dire avec deux charmantes égyptiennes avec qui nous avons une discussion très intéressante concernant les tombeaux anciens. Mon ami brocanteur entre et marche d’une traite vers moi, puis, d’un air conspirateur :

— C’est bon. Tout ce que tu as demandé t’attend à l’extérieur de la ville, à cet emplacement.

Il me tend un bout de papier avec des coordonnées géographiques ; je le remercie et quitte la pièce avec ces dames…

Le lendemain, alors que ces dames sont reparties au petit matin, je réveille mon comparse et nous nous dirigeons sans tarder vers les coordonnées indiquées par le brocanteur. Là nous attend une Jeep, avec suffisamment d’eau et de vivres pour tenir quinze jours. L’équipement comporte en outre un révolver, un pinceau et un très bon couteau (ce qui est toujours bon à prendre et peut se révéler très utile). Je me mets au volant et démarre le véhicule. Nous roulons et rouons toute la journée, suivant les instructions écrites dans le papyrus que m’a transmis l’inconnu en Suisse.

Enfin, nous arrivons au tombeau – enfin, à ce qu’il semble. Il est tellement bien caché que nous n’en sommes pas encore tout à fait certains. Nous marchons, gravissant les roches, jusqu’à trouver une entrée surmontée d’une phrase taillée à même la roche : « Toi qui lis ces lignes, n’entre pas, sous peine de faire sombrer la nuit éternelle sur le monde. » Je n’y prête guère attentions, car les phrases de ce genre sont légion et visent avant tout à dissuader les pilleurs.

Nous entrons et, après avoir évité quelques pièges mortels plutôt habituels et quelques piqûres d’insectes venimeux, nous finissons par arriver devant une salle scellée – ce qui bien sûr ne me décourage pas. J’agis comme à mon habitude, et réussis finalement à ouvrir la porte.

C’est là que l’aventure se gâte.

La momie est toujours en vie, comme vous l’avez compris si vous avez suivi mon introduction… et ce qui pour moi n’était jusque-là qu’une phrase pour éloigner les pilleurs de tombe, prend soudain beaucoup plus d’importance.

Au moment où j’écris ces quelques lignes, dans l’espoir de laisser trace de ce maléfice, j’ai réussi à me claquemurer dans un des placards à balais de la pyramide (oui, les architectes égyptiens prévoyaient aussi des espaces de rangement – des fois qu’il faudrait donner un petit coup de chiffon à poussière à l’au-delà). La momie a dévoré mon comparse au milieu de sa tirade sur les tombeaux, profitant d’une boule de feu qui a judicieusement assommé sa proie. Si elle parvient à ouvrir mon placard à balais, nul doute qu’elle sera sur le point de me dévorer, moi.

Qui pourra donc l’arrêter ?

David Weber

Photo : © Walkerssk

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