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Pièces rapportées : Les déceptions amoureuses

Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !

La Pépinière vous propose un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !

Aujourd’hui, Alicia Melis vous propose un collage littéraire. Fait d’éléments hétéroclites (coupures de journaux, citations tronquées, phrases glanées ici et là), le collage littéraire crée un texte à partir du divers, de l’inattendu. Alicia vous propose une expérience… visuelle.

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Les déceptions amoureuses

Elle avait des difficultés à rester seule et ne savait pas comment faire pour rencontrer des hommes.

Elle avait 48 ans et se teignait en blonde ; ça faisait d’ailleurs un gros contraste avec ses origines asiatiques, mais ça lui allait bien. Elle avait quelques habitudes qu’elle trouvait un peu triviales. Elle se mettait tous les lundis devant la téléréalité de M6 et elle adorait par-dessus tout L’amour est dans le pré. Elle avait hésité à écrire une lettre à René, la saison passée. Aussi, elle lisait souvent le GHI, journal gratuit qu’elle recevait dans sa boîte aux lettres chaque semaine. Lire les petites annonces la faisait rire. Elle se sentait un peu cruche de faire tout ça, mais bon, ça lui changeait les idées.

Mardi 4 mars 2020, une annonce du GHI l’interpella.

Ce fameux « jeune homme de 59 ans » l’avait particulièrement fait rire. Là, elle décida de lui répondre pour voir si son annonce était teintée d’humour, ou si c’était seulement un imbécile avec des allures d’oxymore. De même, elle souhaitait assouvir sa curiosité, et savoir quel type de personne écrivait encore ce genre d’annonces dans les journaux.

Elle reçut rapidement une réponse de la part de 1614496 – il n’avait pas obtenu grand succès auprès de ces dames et n’avait reçu que quelques lettres –, il lui demandait son numéro de téléphone afin de revenir à une communication plus « au goût du jour ». Elle le lui envoya. Il la recontacta par WhatsApp pour fixer un rendez-vous. Elle déplora le manque de romantisme de tous ces moyens modernes, mais accepta. Elle informa une de ses amies de la date et du lieu de rendez-vous, prit ses précautions pour se ménager une échappatoire en cas de besoin et s’y rendit.

Après dix petites minutes en sa compagnie, qui lui parurent durer des heures, elle envoya le message sauveur à son amie et reçut un appel urgent. Elle s’éclipsa. Elle rentra chez elle. Sur son canapé en face de L’amour est dans le pré, elle se dit qu’il valait mieux être seule que mal accompagnée.

Voilà pourquoi Catherine ne répondra plus à ce genre d’annonce…

Alicia Melis

Ce texte est tiré de la volée 2019-2020, animée par Éléonore Devevey.
Retrouvez tous les textes issus de cet atelier ICI.

Photo : ©PixelAnarchy

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