Les réverbères : arts vivants

This cool cool wind makes me feel so good: la genèse d’un projet

Pour la deuxième saison, dans le cadre d’un partenariat, la Pépinière produira des reportages sur les créations programmées au Théâtre Saint-Gervais afin de documenter les méthodes de travail des artistes.

Du 1er au 4 décembre, les planches du Théâtre Saint-Gervais ont le plaisir d’accueillir la Cie I finally found a place to call home. Julie Bugnard et Isumi Grichting nous parlent de leur pièce, poétiquement intitulée This cool cool wind makes me feel so good et de leur processus de création.

La Pépinière : This cool cool wind makes me feel so good… voilà un titre bien intrigant ! Pouvez-vous nous en dire plus sur sa signification ? Quel lien entretient-il avec le récit que propose votre pièce ?

Julie Bugnard et Isumi Grichting : Nous souhaitons faire du théâtre qui raconte des histoires et avons décidé, par exemple, de donner à notre compagnie un nom qui contient en lui-même un petit bout d’histoire. Nous avons procédé de la même manière avec le nom de la pièce, This cool cool wind makes me feel so good. En plus de cela, cette phrase est tirée des paroles d’une chanson du groupe shoegaze[1] Jesus and Mary Chain. C’est un groupe qui a une influence musicale importante sur nous.

La Pépinière : Votre compagnie, dans son nom même, propose donc déjà une partie de votre univers. Quelle en a été la genèse ? Avec quelles autres compagnies collaborez-vous et dans quel cadre ?

Julie Bugnard et Isumi Grichting : Comme mentionné plus haut, le nom de notre compagnie vient de l’envie de raconter des histoires. C’était aussi une manière de nous dire que nous avions envie de créer ensemble, en faisant cela de créer une sorte de petite maison à nous. Nous collaborons par ailleurs avec les compagnies You should meet my cousins from Tchernobyl (Christian Cordonier et Isumi Grichting) et Your mom called the other day (but you weren’t home) (Isabela De Moraes et Julie Bugnard). Les trois compagnies se sont regroupées sous le nom de Compagnies du Multivers et travaillent aujourd’hui sur des thématiques communes telles que le théâtre lofi et le transmédia. Nous souhaitons également créer ensemble une cartographie des différents univers dans lesquels nos pièces prennent place.

La Pépinière : Cela donne envie d’en savoir plus sur ces univers ! Si vous deviez décrire celui que vous avez créé toutes les deux avec I finally found a place to call home, comment le définiriez-vous ?

Julie Bugnard et Isumi Grichting : Nous travaillons sur ce que nous avons appelé le « théâtre lofi ». C’est comme s’il y avait un grand écart entre l’idée et le geste artistique, et que c’était justement dans cet écart que résidaient toute la beauté, la magie et la sincérité. C’est la volonté de tendre à un grand résultat – mais de le faire avec les moyens du bord. C’est inspiré de la culture musicale punk lofi, tout comme les personnages que nous interprétons qui sont entre autres inspirés par des musicien·ne·s appartenant à cette scène musicale. Nous sommes aussi beaucoup inspirées par le cinéma. Nous travaillons beaucoup en termes de plans, zoom, travelling, etc… et essayons souvent de réfléchir à comment transposer ces notions cinématographiques sur une scène de théâtre. En ce qui concerne le jeu, nous avons eu l’intuition qu’il nous était impossible de transposer un jeu cinématographique au théâtre et avons donc décidé de nous raccrocher à des notions concrètes liées à la scène (parler assez fort, articuler, …). Nous sommes aussi inspirées par le poète américain objectiviste Charles Reznikoff et avons voulu illustrer sa vision artistique qui nous parle particulièrement : « Je vois une chose. Elle m’émeut. Je la transcris comme je la vois. Je m’abstiens de tout commentaire. Si j’ai bien décrit l’objet, il y aura bien quelqu’un pour en être ému, mais aussi quelqu’un pour dire : “Mais, bon Dieu, qu’est-ce que c’est que ça ?” Les deux ont peut-être raison. »

La Pépinière : Voilà qui laisse la porte ouverte à de nombreuses manières d’appréhender votre pièce ! D’ailleurs, parlons un peu des débuts de cette pièce, This cool cool wind makes me feel so good. Comment tout a commencé pour vous ? Sur quoi vous proposez-vous de réfléchir ? Et comment êtes-vous arrivées jusque dans les murs du Saint-Gervais, où on se réjouit de vous voir jouer ?

Julie Bugnard et Isumi Grichting : Nous avons tenu pendant une année un journal de correspondance dans lequel nous nous écrivions l’une à l’autre des réflexions, pensées, paroles de musique et autres – et nous avons utilisé cette matière textuelle pour créer le spectacle. Nous l’avons assemblé dans une fiction afin de l’éloigner de nous et d’en faire une histoire à part entière. Nous nous sommes aussi interrogées sur la manière de construire une dramaturgie sans conflit entre les personnages et sans moment d’apothéose. En parallèle, nous avons voulu décentrer le rôle du comédien et mettre tous les éléments qui constituent la pièce au même niveau d’importance. Le Théâtre Saint-Gervais a coproduit ce spectacle après avoir découvert le travail des Compagnies du Multivers. On se réjouit aussi beaucoup de jouer ici !

La Pépinière : Enfin : quelle serait pour vous LA bonne raison de venir voir votre pièce ?

Julie Bugnard et Isumi Grichting : C’est une pièce qui parle d’amitié.

La Pépinière : En tout cas, merci de nous avoir fait l’amitié de répondre à nos questions. Un grand M… pour la première – et à très bientôt !

Propos recueillis par Magali Bossi

Infos pratiques :

This cool cool wind makes me feel so good, par la Cie I finally found a place to call home, du 1er au 4 décembre 2022 au Théâtre Saint-Gervais.

Conception, mise en scène et jeu : Julie Bugnard et Isumi Grichting

https://saintgervais.ch/spectacle/this-cool-cool-wind-makes-me-feel-so-good/

Photo : © Julien Gremaud

[1] Ndla : une des variantes du rock alternatif, née dans les années 1980 au Royaume-Uni.

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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