Un duo fribourgeois tout en poésie
Aujourd’hui nous partons à la découverte de Nausicaa l’Odyssée, un duo fribourgeois qui écrit et compose ses chansons, dans une vague pop folk, qui emprunte aussi à la variété française. On y retrouve des textes plein de poésie et quelque chose d’hypnotisant dans la voix.
Nausicaa l’Odyssée, c’est un duo composé de Nausicaa à l’écriture des textes et au chant, et de Martin Raboud à la guitare. Le nom du groupe est hautement symbolique, puisqu’il évoque une princesse phéacienne qui a sauvé Ulysse, et dont ce dernier a ensuite refusé la main. Cette figure a ensuite été reprise par de nombreux auteurs (Joyce, Goethe, Césaire…), et a également inspiré Miyazaki pour le magnifique film d’animation Nausicaä de la Vallée du Vent. Mais revenons à nos moutons. Nausicaa l’Odyssée, donc, nous vient de Fribourg et nous embarque, tel Ulysse, pour un voyage tout en poésie. Sur leur site, on peut retrouver la description suivante :
« De la musique française épurée, sans aucun artifice, pour n’en garder qu’un condensé d’émotions. »
On ne saurait mieux dire. L’écriture des textes, tout en vers et en rimes, semble de primer abord pleine de douceur. Elle semble osciller entre poésie classique et modernité, où les mots qui pourraient être ceux d’un Ronsard se mêlent à des élans modernes, voire familiers. On est ainsi surpris·e d’entendre rimer « Pénélope » avec « clope », ou encore de passer d’un morceau tout doux à un autre où les mots sont tranchants, sur des rythmes plus embrasés. C’est sans doute ce qui fait la particularité et la beauté de Nausicaa l’Odyssée : jouer sur les contrastes pour créer un univers bien à eux. On apprécie notamment les changements de rythme, avec des parties presque narrées, rappelant un slam ou une forme de chant antique, auxquelles s’enchaînent des passages beaucoup plus chantés. Le tout est toujours accompagné de la douce guitare de Martin Raboud.
Sur le site du duo, on retrouve quelques-unes de leurs chansons. On est d’abord emmené dans la douceur de Geisha, dont les sonorités rappellent la variété, avec quelques éléments qui rappelleraient presque une époque médiévale. Le morceau débute avec la voix de Nausicaa, comme une série de haïkus, avant d’être rejointe par la douce guitare de son acolyte. La chanson est pleine de poésie, avec notamment ce joli vers « Sur cet arbre je cueille le verbe aimer », nous racontant, semble-t-il, une belle histoire d’amour. Car, avec les chansons de Nausicaa l’Odyssée, on oscille toujours entre une forme de légèreté, une ambiance parfois dramatique et surtout beaucoup de mystère. Il en va ainsi dans Pénélope, où les métaphores s’enchaînent, dans une histoire de solitude et d’abandon, alors que le refrain « Araignée du soir, je tisse mes pensées » rappellerait presque une comptine d’enfance, sur un air entraînant. Quand on vous parlait de contrastes…
Les chansons de Nausicaa l’Odyssée ont ceci de commun que tous les titres évoquent une figure féminine ou animale. En témoignent les deux premières que nous avons citées. Deux autres morceaux présents sur la page d’accueil du site nous surprennent d’ailleurs, d’abord par leur rythme beaucoup plus soutenu et marqué, mais aussi par le propos qui s’en dégage. Ainsi, Blanche Neige, dont les premiers mots sont « Blanche Neige j’ai tué tous les nains, fallait que je m’allège d’un contexte beaucoup trop malsain » étonne par son côté engagé, soutenant une forme d’émancipation de l’héroïne, qui met à mal le conte que l’on connaît. Le son est entraînant, presque festif, mais les mots particulièrement tranchants. Il en va de même de La corneille, avec encore une fois une note presque enfantine, dans le « Vole, vole, vole, cui-cui », qui précède « envole-toi, croasse-toi, et écrase-toi contre un avion », sur des sonorités rythmées qui dévoilent la volonté d’un discours qui casse avec les premiers morceaux qu’on avait entendus.
Toutes les émotions sont ainsi explorées, qu’il s’agisse de tristesse, de mélancolie, d’amour, ou de colère entraînant certaines revendications. Pour être encore plus complet, on évoquera encore La Panthère, fruit d’une collaboration avec l’artiste Jak van Kellen, et qui ressemblerait presque à un court métrage. L’univers y est baroque et très animal, dans les sonorités comme dans le clip. On y retrouve toute la poésie des textes de Nausicaa, narrant cette panthère ambivalente, qui inspire à la fois confiance et crainte. Les changements de rythme sont particulièrement marqués dans cette chanson, où les émotions s’entremêlent. S’en dégage alors une impression de simplicité, sans artifice, mais avec toujours la sonorité juste pour faire résonner les mots avec la bonne intention.
Pour découvrir ce duo original, le prochain rendez-vous a lieu le 17 juillet à Zurich. En attendant, rendez-vous sur leur site, YouTube, Spotify, ou Bandcamp.
Fabien Imhof
Photo : ©Pierre Daendliker