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Un livre, des critiques… Quand on eut mangé le dernier chien (Justine Niogret)

Aujourd’hui, nous vous proposons plusieurs critiques consacrées au même ouvrage : Quand on eut mangé le dernier chien, de Justine Niogret.

Ces critiques ont été produites dans le cadre de l’Atelier d’écriture du Département de langue et littérature françaises modernes de l’UNIGE (Université de Genève). Signées par Océane Suhajda et Anna Teryzan, elles sont l’occasion d’avoir des regards croisés sur le même ouvrage. Bonne lecture !

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Un froid de chien !

« Tout baignait dans un crépuscule pâteux, une lumière collante, grise ; le ciel et la neige se fondaient l’un dans l’autre sans démarcation. Devant les trois hommes à genoux, une seule figure sortait de tout ce fade : à contre-jour, celle d’une chienne plus velue qu’un ours, montée sur un monticule de neige gelée, dressée face au vent et hurlant tout autant qu’il hurlait lui. » (p. 11)

Quand on eut mangé le dernier chien plonge ses lecteurs dans l’univers impitoyable de l’An­tarctique. Le récit, basé sur une réelle expédition réalisée en novembre 1912, est raconté avec une grande maîtrise du sujet, créant une atmosphère glaciale qui se répercute à travers chaque page. L’autrice parvient ainsi à capturer la tension incessante qui règne durant l’expédition.

Le début du livre nous plonge immédiatement dans l’univers du froid mordant, du vent violent et des chiens hurlants, créant une image puissante de l’environnement hostile dans lequel évoluent les personnages. La description des chiens, en particulier de La Chienne, ajoute une dimension fascinante à l’histoire, car elle révèle le lien complexe qui unit les hommes et les animaux dans ces conditions extrêmes. Les personnages – les explorateurs Douglas Mawson, Belgrave Edward Sutton Ninnis et Xavier Mertz – sont authentiques dans leurs dialogues, chacun d’eux apportant sa propre dynamique à l’expédition. Leurs personnalités touchent le lecteur à chaque page.

Le sentiment d’un isolement extrême de l’Antarctique, où la nature se révèle cruellement hostile et l’homme insignifiant, est tangible. Les descriptions détaillées des sastrugi, ces crêtes de neige aussi infinies qu’acérées, et de tous les dangers qui hantent ces hommes héroïques, illustrent l’incroyable résilience dont il faut faire preuve pour survivre dans ce monde inhospitalier. D’un point de vue formel, le texte est chapitré de manière à garder le lecteur constamment inquiet pour ces personnages attachants.

En fin de compte, Quand on eut mangé le dernier chien est une lecture qui vous transporte dans un monde à la fois magnifique et terrifiant, tout en explorant les thèmes de l’isolement, de l’endurance, de l’amitié et des liens entre les hommes et les animaux. Ce livre est un voyage captivant et émotionnellement intense qui oppose l’impitoyable force de la nature à trois hommes courageux et à leurs compagnons en fourrure.

Anna Terzyan

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La rage de vivre

Roman documentaire. Premier roman historique de Justine Niogret, Quand on eut mangé le dernier chien suit l’expédition du géologue Douglas Mawson et de ses deux compagnons, Belgrave Ninnis et Xavier Mertz, partis en exploration dans l’Antarctique en 1912 avec deux traineaux et dix-sept Groenlandais. Initialement, tout se passe bien pour les trois hommes : ils avancent à bon rythme pendant plusieurs centaines de kilomètres et passent deux énormes Glaciers qui deviendront plus tard les Glaciers Ninnis et Mertz. Mais les explorateurs sont rapidement confrontés à des forces contraires : quelque chose qu’on est presque tenté de prendre pour une réelle présence maléfique, qui semble empoisonner leur esprit… et le froid, qui s’occupe à détruire leur corps que la folie n’a pas su toucher.

Le roman dépeint une sorte de quadrille entre l’Explorateur et l’Antarctique, car les chiens insaisissables, tantôt présentés comme compagnons de l’homme, tantôt comme alliés de la banquise, changent constamment de partenaire. Dans cette danse, les glaciers rongent les hommes, les hommes font de même avec les chiens – et on imagine facilement ce que ces derniers auraient fait à leurs maîtres s’ils avaient été laissés complètement libres.

La première moitié du roman manque d’action, et cette carence est compensée par des évènements arbitraires, des descriptions démultipliées et des redondances thématiques. Mais peu à peu, les répétitions deviennent des échos, et tout prend sens. On découvre alors un récit d’une puissance extraordinaire montrant la rage et le désir de survivre chez des hommes que leurs propres corps « croient déjà morts » (p.144), où les descriptions brutales de l’état physique se mêlent à des réflexions philosophiques. Justine Niogret trouve un équilibre très touchant entre sensibilité et combativité, et son roman offre finalement une longue réflexion sur la vie : l’espoir est-il réel ? Abandonner est-il un droit ?

Océane Suhajda

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Référence :

Justine Niogret, Quand on eut mangé le dernier chien, La Laune, Au diable vauvert, 2023, 224p.

Photo : © Océane Suhajda

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