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Une Journée de chien (S. Kollard) et L’Enfant des forêts (M. Hauteville)

Aujourd’hui, nous vous proposons deux critiques, consacrées à Une journée de chien (Sander Kollard) et L’Enfant des forêts (Michelle Hauteville).

Ces critiques ont été produites dans le cadre de l’Atelier d’écriture du Département de langue et littérature françaises modernes de l’UNIGE (Université de Genève). Elles sont signées par Auréane Ballif et Alexandre Mazuir.

Bonne lecture !

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Faramineuse joie de vivre

Raconter l’importance des petits riens : voilà le défi que tente de relever l’écrivain néerlandais Sander Kollaard dans son deuxième roman, Une Journée de chien.

Henk, cinquante-six ans, est un infirmier épicurien et amateur de philosophie. Il mène une existence ordinaire avec son chien vieillissant, Canaille, dont il a obtenu la garde après son divorce. Avec sensibilité, humour et simplicité, il nous livre en moins de deux cents pages l’aperçu d’un samedi d’été éprouvant, autant physiquement qu’émotionnellement, sans retenue, sans honte et sans pudeur.

En l’espace de vingt-quatre heures, son quotidien et celui de son chien sont bouleversés par une rencontre unique avec une femme, Mia, qui redéfinit son rapport à l’amour – sa beauté et les désillusions qui l’accompagnent –, à sa sexualité qu’il redécouvre et à la vieillesse qu’il envisage avec davantage de clarté : « Le goût de vivre : avoir envie de vivre. De cette source découle le reste : l’envie de se lever le matin, l’envie de manger et de boire, l’envie de travailler, l’envie de rire et de lire et de parler et de danser et de se promener avec le chien… Sans parler de l’envie d’aimer. » (p. 163). Sans se laisser rattraper par le pathos, le narrateur expose avec philosophie et fragilité l’importance du souvenir et la douleur de l’oubli, l’inévitable expérience de la maladie et celle de la mort : des préoccupations communes à chaque individu. Cette journée de chien n’est finalement pas placée sous le signe du fatalisme, mais de la contemplation : celle du temps qui passe.

Auréane Ballif

Référence :

Sander Kollaard, Une journée de chien, tr. du néerlandais par Daniel Cunin, Éditions Héloïse d’Ormesson, 2023, 192p.

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Une fantaisie recto-verso

Dès ses premières pages, L’Enfant des forêts, deuxième roman de Michel Hauteville, nous plonge en plein cœur d’un monde aux allures de fable, tant par son imaginaire vif que par la langue mystique qui nous le conte. On y retrouve une relation symbiotique, en nœuds coulants, entre un enfant et un ogre, un chasseur et sa proie, aux destins mêlés, soudés par l’horreur, la fuite et l’attache. Le petit a par tous les moyens quitté ses terres, pour finir par devoir aussi s’évader de celles de son nouveau bourreau, qui ne se plaindrait pourtant pas de la compagnie d’un sixième esclave…

Par un style inventif et bouillonnant, empruntant au rythme de l’Ulysses de James Joyce comme aux signes des Furtifs d’Alain Damasio, Michel Hauteville réussit l’exploit de raviver un émerveillement oublié : un retour en enfance, aux histoires racontées par les parents, aux surprises nouvelles à chaque mot – du temps où le lecteur ignorait encore tout des secrets et astuces de magicien dont la plupart des livres regorgent. Sauf qu’ici, c’est la magie elle-même qui est réinventée. Une magie noire cependant, car il ne faut pas s’y méprendre : si la forme rappelle les contes et leur merveilleux, le fond saisit au filet la bête par les cornes et évoque sans ménagements les réalités les plus dures, sombres et taboues de nos sociétés. Prédation, esclavage, pédophilie et migration forcée au menu de l’ogre, pour accompagner les chairs.

En bref, ce roman dual, à l’image de ses personnages, trouvera ses lecteurs tiraillés entre la curiosité qui s’en dégage et les atrocités qui en suintent, les tenant en haleine par force tout en leur laissant sournoisement le soin de tourner d’eux-mêmes les pages. À lire le cœur bien accroché.

Alexandre Mazuir

Référence :

Michel Hauteville, L’Enfant des forêts, Paris, éditions le Tripode, 2023, 336p.

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Photos : © pixabay (banner), Auréane Ballif (inner 1) et Alexandre Mazuir (inner 2)

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