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À la Kafka : Voyages d’une vie

Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !

La Pépinière vous propose un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !

Aujourd’hui, Alicia Melis emprunte un incipit à Kafka et vous emmène… dans un grand voyage.

* * *

Voyages d’une vie

Je devais faire mes études dans la grande ville. Ma tante m’attendait à la gare. Je l’avais vue une fois quand j’étais venu visiter la ville avec mon père. Je la reconnaissais à peine.

Le train entrait en gare et s’immobilisait. En voyant ma tante sur le quai, je pris conscience qu’étudier n’était pas ce que je voulais faire ; en tout cas, pas à ce moment-là. De plus, cette ville ne m’avait pas vraiment plu lors de ma visite. Une nouvelle vie s’offrait à moi. Même ma personne de contact m’était étrangère. L’inconnu m’attendait. Je n’en avais pas peur, ou peut-être oui, un peu. Sortir de mon petit village était une grande aventure, car je n’avais jamais voyagé. Je ne pouvais pas rester dans mon village, si je voulais un jour faire un métier qui me plairait.

Je suis descendu du train, j’ai salué ma tante et lui ai expliqué que je ne resterais pas. Elle n’a pas compris, m’a posé mille questions et elle a fini par me dire que j’étais « majeur et vacciné », qu’elle n’était donc pas responsable de moi, que je fasse ce que je voulais. Et j’ai fait ce que je voulais, j’ai suivi mon instinct, je me suis rendu à l’évidence. J’avais des économies et ma jeunesse. J’avais du temps avant de rentrer dans le moule social, je venais d’avoir 18 ans. Si ce n’était pas maintenant, quand aurais-je l’opportunité de me sentir libre ? J’avais un sac à dos et une grosse valise ; la grosse valise m’encombrait. J’en ai sorti les choses dont je pensais avoir le plus besoin et l’ai laissée à ma tante. Si j’avais choisi la liberté avant, mes parents n’auraient pas compris et ne m’auraient pas laissé partir. Je décidai de les contacter plus tard pour les mettre devant le fait accompli. Ainsi, j’ai salué ma tante, ai chargé mon sac à dos et je me suis planté devant le panneau d’affichage pour voir où j’irais.

Je voulais quitter mon pays, découvrir une autre culture, c’est tout.

Le choix, je l’ai fait un peu au hasard, mais influencé aussi par les personnes que je voyais monter dans les trains. Le hasard fait bien les choses, je suis parti pour l’Espagne. Dans le train, j’ai rencontré des gens incroyables qui m’ont ouvert les portes de chez eux. Je découvrais un autre monde, une autre gastronomie ; j’ai vagabondé à travers le pays pendant quelques mois. Ensuite, je suis reparti, j’avais rencontré des Berlinois pendant mon voyage, qui m’ont invité chez eux. Je décidai d’aller leur rendre visite. Ils ont été très accueillants, très éloignés de l’image qu’on m’avait peinte des Allemands avant mon voyage, quand l’Allemagne ne m’inspirait pas. Comme souvent, les stéréotypes sont faux. Mes amis berlinois ont été des guides hors pair, je n’aurais jamais pu dénicher les lieux fabuleux que j’ai vus et m’immerger totalement dans la culture berlinoise sans eux.

Néanmoins, quand on voyage seul, arrive le jour où l’on sent le manque de racines, où le déséquilibre guette : ce mal être, il faut soit le dépasser, soit rentrer. Je décidai de continuer, mais en sortant de l’Europe, cette fois. Les études académiques attendraient.

Alicia Melis

Ce texte est tiré de la volée 2019-2020, animée par Éléonore Devevey.
Retrouvez tous les textes issus de cet atelier ICI.

 Photo : ©Couleur

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