Au Théâtre de Carouge, la dernière alchimie du magicien Jean Liermier
Une ultime performance en solo de Jean Liermier le 14 juin dernier pour cette présentation de saison dont lui seul a le secret… avant de passer la main, au fil de la saison suivante. On vous embarque dans ces Alchimies délicates, qui contiennent beaucoup de bienveillance, une pointe de bande dessinée et de danse, saupoudrées de classiques du théâtre, et surtout de la culture pour tous et toutes.
C’est Charlie Chaplin qui ouvre le bal, avec un discours emblématique plus que d’actualité, malgré les 85 ans qui nous séparent de la sortie du Dictateur, en 1940. Mais dans les confessions partagées par Jean Liermier au grand homme du cinéma, lors d’une rencontre fictive, il n’y a pas de désespoir, plutôt des doutes concernant la place des artistes en des temps complexes, et surtout une grande inspiration, pour un directeur de théâtre qui rêve de rassembler, de faire de la culture une lueur dans la nuit. Et pour cette entreprise, il n’est pas seul, mais bien entouré de partenaires remercié·e·s chaleureusement, et une équipe qui sera nommée tout au long de la présentation, et ovationnée à la fin.
La saison débute en partenariat avec La Bâtie, festival qui tient à cœur Jean Liermier, car il permet de faire venir d’autres formats sur les planches de Carouge, et dont le directeur Claude Ratzé termine le mandat en même temps que lui. Cette année, ce sera le chorégraphe Boris Charmatz, à la renommée internationale, qui compose avec 10000 gestes une danse sans aucun mouvement ni répété ni symétrique. S’ensuit en septembre un spectacle primé aux Molières, qui va ramener des gens qui pensaient ne rien avoir à faire avec le Théâtre de Carouge : Les gros patinent bien, un cabaret de carton : cela s’annonce comme un explosif mélange d’idées de mise en scène, drôle et accessible à tous·tes.
La troupe de Théâtre amateur de Carouge nous dévoilera Les belles choses, un spectacle kaléidoscopique qui raconte les moments marquants de chacun·e dans une vie. Au programme, une Claudette échappée des années 70, des odeurs de crêpe, du flamenco… à découvrir en septembre ! Pour nous donner envie de découvrir l’envers du décor du théâtre lors des visites, nous avons droit à une belle présentation de la maquette reprenant tous les mécanismes cachés derrière ou sous la scène, et ensuite mise à l’échelle 1:1 sur la véritable scène pour un effet « waouw » !
Après L’usage du monde de Nicolas Bouvier, place au Poisson Scorpion, porté encore et toujours par Samuel Labarthe et mis en scène par Catherine Schaub. On ne change pas une équipe qui gagne ! En parlant de reprise, on a la bonne surprise du retour de Stephan Eicher pour son Seul en scène en février, après le succès de la saison passée.
Un des plus grands spectacles romands de ces dernières années, Les bijoux de la Castafiore sera à retrouver en décembre. Une adaptation de la bande dessinée d’Hergé, créée par Christiane Suter et Dominique Catton en 2001 au Théâtre Am Stram Gram. Cette fois_ci, ce ne sera pas Jean Liermier dans le rôle de Tintin, mais cela n’en reste pas un moins bel hommage à sa carrière. Le directeur sera néanmoins de retour à la mise en scène pour Le Tartuffe, de Jean-Baptiste Poquelin aka Molière, en février, pour une pièce qui se veut un hommage à la résistance des femmes, ce qui colle parfaitement en ce jour de grève féministe !
Mais avant cela, on pourra découvrir une pièce du futur directeur du Théâtre de Carouge, Jean Bellorini, qui reprendra en septembre 2026 la direction à quatre mains avec Jean Liermier, avant d’avoir le champ libre en janvier 2027. Il s’agit des Messagères, une création du Théâtre National Populaire de Lyon, avec l’Afghan Girls Theater Group qui livre leur interprétation d’Antigone de Sophocle. Ayant fui le régime des Talibans, elles sont restées en résidence au TNP, pour aboutir à un spectacle joué en dari, leur langue natale, avec les surtitres intégrés au décor. Un moment qui s’annonce fort. Le dernier spectacle programmé de la saison sera Ivanov, de Tchekhov, mis en scène par Jean-François Sivadier, que Jean Liermier rêvait de faire venir au Théâtre de Carouge depuis ses débuts. C’est chose faite !
Pour clôturer le tout, malgré un directeur qui « ne voulait ni bouquet ni couronne » pour sa dernière saison, il nous offre cependant une ultime Présentation de saison(s), un florilège de toutes les saisons passées, de la grande aventure qu’est la direction d’un théâtre, avec des invité·e·s, et même une cascade très acrobatique… Ce n’est donc pas encore un au revoir, mais bien un hommage à toute l’énergie mise par Jean Liermier dans ce beau projet : faire de ce théâtre le plus beau Théâtre de Carouge du monde.
Léa Crissaud
La programmation complète et les détails de chaque spectacle sont à retrouver sur le site du Theâtre de Carouge.
Créations visuelles : ©Fédéral Studio et ©Hergé