Aux Scènes du Grütli, on invite ses voisin·e·s
C’est, comme en novembre dernier, par une promenade que se présente la saison des Scènes du Grütli. L’Arbre-Monde laisse place aux Racines du Ciel, d’après le titre du roman de Romain Gary. C’est sous casques que nous avons pu découvrir les temps forts de cette saison.
C’est sur la place Bela-Bartok que l’équipe des Scènes du Grütli a accueilli le public, en compagnie d’un délicieux verre de mousseux du Domaine de Miolan. Eric Devanthéry, le directeur, a annoncé le programme des festivités, avec une déambulation à travers la ville, qui nous a conduit·e·s à la Place de Neuve, au cœur du Parc des Bastions ou encore sur la rampe de la Treille. Durant notre périple, les artistes de la saison et membres de l’équipe ont raconté en quelques mots leur spectacle, expliqué pourquoi leur voisin·e devrait absolument venir le voir et nous en ont fait écouter un bref extrait ou un poème qui l’évoque. Le tout était agrémenté de deux performances, l’une, dansée, de Caroline de Cornière au Parc des Bastions ; l’autre, chantée, de Daniele Pintaudi sur le parvis de la Cathédrale Saint-Pierre. De quoi nous offrir un petit avant-goût de cette saison qui s’annonce riche et passionnante.
Ouverture avec La Bâtie
C’est la coutume, la saison s’ouvre en collaboration avec La Bâtie – Festival de Genève. On retrouvera d’abord un projet cher à Claude Ratzé : dans SIX / SIX, six jeunes interprètes s’entourent chacun·e d’un·e chorégraphe ou d’un·e metteur en scène pour les accompagner dans leur projet, où l’interprétation est au cœur du processus. Avec Aurélia Lüscher, on s’interrogera ensuite sur la place des défunts dans nos sociétés occidentales. Dans Corps incorruptibles, elle s’appuie sur son expérience dans les pompes funèbres pour questionner nos rituels funéraires. Enfin, avec Nowhere, Khalid Abdalla raconte son engagement lors de la révolution égyptienne pour interroger les soulèvements face à des gouvernements en désaccord avec ses valeurs. Ou quand la petite histoire rencontre la grande.
La force de la jeunesse
Du 19 au 27 septembre, Ahmed Madani mettra en scène sept jeunes comédien·ne·s à peine sorti·e·s de leur formation, dans Entrée des artistes. Il y sera question d’émancipation et de quête de sens, pour interroger les raisons qui les ont poussé·e·s à embrasser cette carrière. Nicolas Cantillon, danseur de la Compagnie 7273, retrouvera ses souvenirs d’enfance, du 20 au 29 novembre, dans Dead horse in a bathtub. Il reviendra sur une scène de sa jeunesse, sous le regard bienveillant de ses parents, alors qu’il jouait aux cowboys et aux indiens.
Du 12 au 28 mars, d’après le roman graphique de Martin Pachaud, Michel Lavoie mettra en scène La couleur des choses, où le voyage initiatique de Simon, un adolescent harcelé qui remporte énormément d’argent d’un seul coup. Sa vie bascule, et on suivra cette odyssée poétique et rythmée à la manière d’une enquête. On retrouvera pour l’occasion le troisième épisode de Dans le décor de. Dès le 22 avril, dans le cadre de C’est Déjà Demain, Candice Chauvin et Lisa Courvallet sillonneront le quartier de Saint-Jean, dans un Pop Up qui nous emmènera dans des anecdotes insolites sur le quartier, comme cette fois où des singes se sont échappés du zoo, dans les années 30. Patrimoine des histoires qui n’existent qu’à moitié, ce sera jusqu’au 2 mai.
Autrices et femmes à l’honneur
En octobre, Léa Pohlhammer s’emparera de l’écriture de Virginia Woolf pour proposer un monologue envoûtant, pour explorer l’identité et les genres. Elle incarnera Orlando, cet être qui traverse siècles et genres avec une incroyable aisance. Le décor inspiré du peintre Turner sera également celui du premier Dans le décor de, de la Compagnie lesArts. Dès le 24 mars, place à Virginie Despentes et Rien ne me sépare de la merde qui m’entoure, un texte puissant qui nous place face aux paradoxes et autres absurdités de notre monde.
D’autres figures féminines, plus intimes, seront mises à l’honneur dans Récital de Caroline de Cornière. Elle y raconte l’évolution de son corps de femme, mais aussi toutes les femmes de sa généalogie, de mères en filles, pour une introspection pleine de partage. Au mois de janvier, Alexandra Tiedemann, Rachel Gordy et Pauline Epiney se baseront sur des témoignages de femmes alpinistes pour proposer un dialogue entre alpinisme, féminisme et écologie. Un spectacle intime et engagé, où la montagne deviendra un personnage à part entière. Le deuxième Dans le décor de prendra place sur la même scène.
Des Pop Up pour découvrir les lieux autrement
Nous avons déjà évoqué le Patrimoine des histoires qui n’existent qu’à moitié. Avec Antigone à la Nuit, Françoise Boillat et Guillaume Béguin présentent, une fois, par mois, devant des arbres centenaires, une réexploration de la figure de Sophocle. De quoi nous rappeler qu’elle n’a pas pris une ride et demeure un puissant vecteur de luttes féminines et féministes. Le troisième Pop Up de la saison se tiendra au mois de mai, avec Marion Baeriswyl et À l’aune. Elle emmènera le public le long de l’Aire, pour une performance avec six danseur·se·s et un musicien, avec pour thématiques l’écosystème, l’adaptabilité et l’interdépendance. Enfin, la saison se clôturera avec un road trip entre folk psychédélique, rythmes chaloupés et poésie absurde. Dans Louise et Anne vont en Louisiane, le duo Cyril Cyril proposera un drôle de road trip en famille.
De grandes figures revues
Emil Zatopek : un homme qui courait différemment des autres. C’est de lui dont il sera question dans Courir, avec Thierry Romanens et Format A3. Il y raconte l’épopée de ce sportif hors du commun, l’histoire d’un autodidacte devenu l’homme le plus rapide du monde pendant une belle décennie. Dès le 22 avril, on retrouvera une autre figure historique, plus ancienne et royale. Eric Devanthéry renoue avec des comédien·ne·s avec qui il collabore depuis longtemps, pour proposer une nouvelle traduction et mise en scène du Henry IV de Shakespeare, avec toute la verve dont il a le secret. Enfin, dès le 28 avril, on remontera encore plus loin dans le temps, à la rencontre de la figure de Prométhée. Dans Hé, Prométhée, on assistera au monologue d’un homme parti à la rencontre de cet être mythique, pour y interroger nos tourments modernes avec un autre regard.
Les rapports humains sous différentes formes
Du 28 janvier au 13 février, on suivra un escroc solitaire sorti de prison, dans un texte de Lukas Bärfuss et une mise en scène de Gian Manuel Rau. Dans Séduction, il retrouvera une jeune femme qui prétend être sa fille. Mensonges, quête d’identité et culpabilité collective, avec l’intervention d’un thérapeute au milieu, seront au programme de ce polar existentiel. Peu après, en mars, Daniele Pintaudi s’empare d’une nouvelle de Georg Büchner, Lenz, dans Un requiem alpestre, pour évoquer la perte et le deuil, à travers une cérémonie musicale qui s’annonce déjà pleine d’émotions. On évoquera encore Grésil Incandescent de Matthieu Baumann, dans le cadre du festival KorSonoR, qui consistera en une installation-performance, où d’anciens projecteurs de théâtre deviendront instruments vivants de lumière, son et chaleur.
Fabien Imhof
La programmation complète et les détails de chaque spectacle sont à retrouver sur le site des Scènes du Grütli.
Photo : ©Studio Guez