Aventure sibérienne : Horangi, le dernier tigre de l’Oussouri
Noël approche… et vous vous demandez peut-être ce que vous pourrez mettre sous le sapin ? Si vous avez des enfants, pourquoi ne pas les faire voyager ? Olivier May signe Horangi, le dernier tigre de l’Oussouri aux éditions uTopie, une aventure en pleine Sibérie, illustrée par Nicole Devals.
Dans le froid sibérien, la vie est rude. Rien ne bouge, sous la neige. Mais, soudain… là ! Un éclair orange et noir ! C’est Horangi, le dernier tigre sauvage qui habite sur les rives du fleuve Oussouri. Il est seul… mais le temps des amours approche et, pour que les tigres ne disparaissent pas totalement de la région, il lui faut trouver une compagne.
Ça ne sera pas de tout repos, car bien des ennemis guettent Horangi. Qui donc ose s’en prendre au tigre ? L’humain, évidemment ! Accompagné du braconnier Gricha, Feng est sur la trace du fauve. Son beau-père, Monsieur Li, un riche industriel chinois, est prêt à verser 50’000 dollars pour la dépouille d’Horangi… qu’il compte utiliser afin de confectionner des remèdes censés lui rendre force et vitalité. Cache-toi, Horangi, car Monsieur Li ne plaisante pas !
Heureusement, le tigre peut compter sur deux amis : le chaman Dersou, qui appartient au peuple des Nanaïs, qui vivent entre les fleuves Oussouri et Amour ; et Xénia, une anthropologue venue étudier les croyances et le mode de vie nanaï. À eux deux, c’est sûr, ils réussiront à aider Horangi !
« Dans ses rêves ou sans la taïga, Horangi avait souvent croisé la silhouette trapue et robuste de Dersou. La présence du chasseur chaman le rassurait. Cela faisait des années qu’il n’avait plus rencontré d’autre tire. Où étaient donc passés ses semblables ? Et les tigresses ? À huit ans, dans la force de l’âge, il était temps pour lui de se reproduire. Mais où trouver l’âme sœur dans l’immensité ? » (p. 20)
Précision scientifique…
Si Horangi, le dernier tigre de l’Oussouri m’a plu, c’est d’abord par sa précision. Olivier May raconte une histoire apparemment simple : de méchants chasseurs veulent abattre un tigre, mais de gentils amis vont venir l’aider. Oui – mais ce n’est pas tout.
Loin de traiter cette chasse à la manière d’un conte ou d’une fable, en l’édulcorant ou en la transformant en prétexte secondaire au développement d’une autre action, le texte la place au cœur de ses préoccupations. L’auteur ne cache donc pas la complexité des enjeux : si Monsieur Li, l’industriel chinois, représente le « méchant » de l’affaire, ses motifs sont expliqués, ainsi que les croyances qui le poussent à désirer la dépouille du tigre. De même, la présence de Dersou, le chaman nanaï, ne sert pas uniquement à faire « couleur locale » en offrant un voyage sibérien exotique : Olivier May cherche au contraire à faire entrer son lecteur dans une culture qui lui est entièrement différente, en ajoutant à l’intrigue des précisions anthropologiques et sociétales bienvenues. À travers les yeux de Xenia, qui suit Dersou dans sa quête pour aider le tigre, on en apprend plus sur les Nanaïs, leur mode de vie et leur spiritualité.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard : comme Xénia, Olivier May a une formation d’anthropologue. Amoureux d’histoire et d’ethnographie, il donne à son récit une inflexion qui rend le récit passionnant et enrichissant – peut-être, justement, parce qu’il ne fait pas l’impasse sur les réalités complexes qui traversent notre monde contemporain (disparition de la faune sauvage, interdépendance économique entre régions limitrophes, corruption et transgression des lois, interculturalité et partage des connaissances), tout en les mettant en résonnance avec des valeurs plus transversales de la littérature jeunesse comme l’amitié et l’entraide, la lutte contre des antagonistes et toutes formes d’apprentissage.
… et dossier pédagogique !
La précision d’Olivier May se ressent également au niveau du dossier pédagogique qui entoure l’histoire d’Horangi. Au fil du récit, de nombreux mots complexes ou étrangers peuvent ralentir les jeunes lectrices et lecteurs : chaman, transe, taïga, isba, anthropologue, sarcastique, pagode… Pour faciliter la compréhension, ils sont indiqués en gras dans le texte et expliqués à la fin du livre, dans un lexique très complet. Deux « fiches d’identité » sont également proposées, afin d’en apprendre plus sur le tigre de Sibérie et le peuple des Naïs. À ces différents éléments s’ajoutent les illustrations colorées et vivantes de Nicole Devals, qui donnent vie à Horangi et ses amis. Cerise sur le gâteau, vous avez la possibilité d’écrire et de dessiner la suite de l’histoire du tigre, à la fin de l’aventure… Les éditions uTopie proposent également un QR code à scanner, afin de télécharger le livre en version numérique et interactive, accompagnée d’un enregistrement audio et d’animations nouvelles.
Au final, Horangi, le dernier tigre de l’Oussouri est un livre idéal pour ouvrir un espace de discussion avec les enfants autour de la nature, de l’écologie et des croyances des autres. Si les questions soulevées par le récit sont complexes, elles sont abordées avec beaucoup de clarté et de franchise. Elles poussent ainsi à poser des questions – à se poser des questions sur le monde qui nous entoure, et sur ce que nous voulons faire pour ce monde. Et ça, c’est à mon avis fondamental.
Alors, n’hésitez pas à mettre un tigre au pied de votre sapin : celui d’Olivier May ne mord pas et vous apportera beaucoup de joie !
Magali Bossi
Références : Olivier May, Horangi, le dernier tigre de l’Oussouri, Lausanne, Éditions uTopie, 2020, 59p.
Photo : © Magali Bossi
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