Et la Marmite se brisa : épisode 8
Vous aimez les enquêtes et les énigmes ?
Vous rêvez de courir après les meurtriers, d’élucider des crimes, d’être aussi habile que Sherlock Holmes, aussi perspicace qu’Hercule Poirot ? Les interrogatoires ne vous font pas peur et les indices, c’est votre rayon ? Bienvenue dans Et la Marmite se brisa, une fabuleuse enquête de Miss Apfel !
Et la Marmite se brisa est un nouveau récit participatif lancé par La Pépinière à l’automne 2020. Entre le feuilleton et le cadavre exquis littéraire, nous avons réuni des autrices et auteurs de tous bords : amateur.trice.s, confirmé.e.s, déjanté.e.s, sérieux.ses, jeunes ou plus âgé.e.s… Après le succès de nos récits participatifs précédents (Du jardin au balcon et La Geste d’Avant le Temps), les voilà prêt.e.s à s’embarquer pour une nouvelle aventure, sans savoir ce qui les attend. Cap sur le polar helvétique !
Pour cette première aventure de Miss Apfel (qui évoque bien sûr la Miss Marple d’Agatha Christie), plongez dans les secrets historiques de Genève…
Alors, ça vous tente ?
Retrouvez le début du feuilleton ICI !
* * *
Épisode 8 : un peu de viande… froide !
Centre Universitaire Romand de Médecine Légale, rue Michel-Servet 1.
Vers 14h.
« Merci d’être venu, inspecteur », commence Pierre Dunant, la voix tremblotante.
Ce grand échalas, médecin légiste depuis bientôt deux ans, s’apprête à livrer ses conclusions sur la victime de cet affreux meurtre. Ses petites lunettes rondes vissées sur le nez, il s’adresse à l’inspecteur Tabazan avec beaucoup d’inquiétude. Il faut dire que Pierre Dunant n’a jamais été particulièrement sûr de lui et que ses démêlés avec le tatillon Tabazan font les gorges chaudes de tout son service…
« Je n’ai jamais vu cela, inspecteur. Une décapitation… à notre époque ! On frise l’anachronisme, vraiment. L’assassin devait vraiment en vouloir à notre victime pour opérer un geste d’une telle violence. Le coup est net et précis. Notre tueur n’est visiblement pas un novice en la matière ! »
« Comment ça ? Vous voulez dire que… qu’il aurait déjà fait d’autres victimes ? » l’interrompt Tabazan avec brusquerie.
« Ah non, inspecteur, vous vous méprenez ! Ce que je veux dire, c’est qu’il sait parfaitement manier la hache. Sûrement quelqu’un qui a l’habitude de couper du bois… Un Charles Ingalls en puissance, m’voyez ? »
L’inspecteur Tabazan goûte très peu à l’humour décalé du Dr. Dunant (il goûte très peu au personnage en lui-même, pour tout dire) et décide de le remettre à sa place, vite fait bien fait. Il n’a pas de temps à perdre avec ces bêtises.
« Bon, et, à part le coup de hache – que, soit dit en passant, le premier crétin venu aurait identifié comme tel, pas besoin d’avoir fait des années d’études ! –, que pouvez-vous me dire sur la victime ? »
Piqué au vif mais les mains tremblantes, le jeune médecin légiste se retourne alors vers le corps nu de l’homme étendu sur la table d’autopsie. Ses viscères reposent non loin, bien compartimentées dans les récipients prévus à cet effet.
« Heu… d’après mes premières conclusions, il doit avoir environ 45 ans. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus car, comme vous le savez, nous n’avons trouvé aucun papier sur lui. Pas la moindre petite trace de carte d’identité. On a envoyé ses empreintes pour analyse, mais s’il n’est pas dans le fichier, il y a peu d’espoir… En tout cas, ses habits sont là-bas, si vous voulez jeter un œil – ou même les deux. »
Le légiste pouffe tout seul à sa blague et l’inspecteur Tabazan lève les yeux. Le regard suivant la direction indiquée par la main de Dunant, il se dirige d’un pas calculé vers la petite table en métal sur laquelle sont entreposés les vêtements de la victime : une chemise à carreau tachée de sang (pas vraiment étonnant, considérant la façon dont il est mort…), une veste de tweed, un pantalon en velours côtelé et des chaussures de ville plutôt anciennes, mais bien entretenues. L’attirail du parfait… du parfait quoi, d’ailleurs ? se demande l’inspecteur. Une lumière brille soudain dans ses yeux, celle de l’homme satisfait d’avoir découvert quelque chose que personne d’autre n’a vu et de pouvoir, en passant, prouver sa supériorité intellectuelle.
« Avez-vous analysé le sang sur la chemise ? Avec un peu de chance, celui de notre assassin s’y trouve aussi… le meurtrier s’est peut-être coupé en œuvrant, qui sait ? »
« Euh, non, à vrai dire, je n’y ai pas pensé », répond le médecin, un peu gêné. « J’étais persuadé que le sang ne pouvait appartenir qu’à la victime. Je… je suis désolé, inspecteur, je… »
« Voilà pourquoi je suis inspecteur et vous un simple légiste… Bon, dépêchez-vous de faire analyser ceci… tout ce sang, ça me donne la nausée ! Vous avez tout de même remarqué, j’ose espérer, que la veste de la victime est usée au coude gauche ? » questionne encore l’inspecteur, visiblement agacé.
« Oui, j’ai vu ça… mais je n’y ai pas vraiment prêté attention. Vous savez, je suis médecin… mon métier, c’est surtout de m’occuper du corps de la victime, le reste n’est qu’accessoire et ne relève pas de mes compétences », défie Dunant, la voix tendue.
« Je vais t’en foutre moi, des compétences », marmonne l’inspecteur dans sa barbe, avant d’ajouter à intelligible voix :
« Vous saurez, cher docteur, que, n’ayant pas beaucoup d’informations sur la victime, chaque détail compte ! Par exemple, cette usure au coude gauche nous indique qu’il était probablement gaucher. Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais cela réduit quand même le champ des possibles par rapport à son identi… mais, qu’est-ce que c’est que ça ? Vous n’allez quand même pas me dire que vous ne l’aviez pas remarqué ?! »
« De quoi parlez-vous ? », répond le médecin, l’air ailleurs, vexé de se faire réprimander comme un enfant.
« Là ! C’est pourtant sous vos yeux depuis le début ! Regardez sa main… cette tache d’encre ! Vous qui disiez savoir examiner les corps !!! »
« Oui, ça va, on a compris qu’il était gaucher, il s’est sans doute fait cette tache en écrivant, rien de bien exceptionnel… »
« Rien de bien exceptionnel ? Mais vous avez vu sa forme et où elle est placée ? Ce n’est pas une tache qu’on se fait en écrivant. Elle a été dessinée, ça j’en suis certain ! Quant à savoir ce qu’elle représente… on dirait un genre d’oiseau, ou une clé. Mais que cela peut-il bien être… ? Je vais faire mes recherches ! Que pouvez-vous me dire sur les yeux retrouvés dans la marmite ? »
« Les yeux ? Je n’ai pas encore eu le temps de me pencher dessus, je les ai reçus juste avant votre arrivée ! » se défend Dunant.
« Bien, bien… Je compte sur vous pour me donner vos conclusions au plus vite, cette affaire est PRIORITAIRE ! Sur ce, je vous laisse, j’ai des recherches à effectuer ! »
Il part en claquant la porte de la salle d’autopsie.
Fabien Imhof
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Photo : © Parentingupstream
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