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Histoire, récit et Afrique : rencontre avec Ariane Mawaffo

Aujourd’hui, je vous propose de parler littérature, histoire, enseignement et Afrique. À l’occasion d’un cycle de conférences en ligne, organisé par l’ONG Africa Learning International et intitulé Teaching African History in the XXIst Century, ce samedi 27 mars, rencontre avec une femme pour qui la littérature est plus qu’un simple mot : Ariane Mawaffo.

La Pépinière : Bonjour Ariane ! Et tout d’abord, merci infiniment d’avoir accepté de répondre à nos questions. Ça fait un moment que nous voulions parler de littérature avec toi. Tout d’abord, pourrais-tu te présenter en quelques phrases ? Quel est ton parcours et que fais-tu dans la vie ?

Ariane Mawaffo : Bonjour et merci à vous ! Je m’appelle Ariane Mawaffo, Je suis née au Cameroun où j’ai fait la plupart de mes classes. J’y ai obtenu une licence en anglais et en français, puis un Master en littératures et civilisations africaines. Je suis ensuite arrivée à Genève en 2011 pour parfaire ma formation avec un Master en langue et littérature françaises et un diplôme de formation continue en techniques de la Communication écrite, obtenus à l’Université de Genève. Actuellement, j’enseigne le français et la danse aux jeunes enfants et aux adolescents. Je suis également photographe, mais surtout, je suis globalement une activiste qui milite pour la représentativité de l’Afrique dans diverses formes d’expressions culturelles – telles que la danse, la photographie et l’art du textile. En parallèle, depuis 2016, je travaille en tant qu’assistante de coordination au sein de l’Association La CENE Littéraire, une association fondée par Agnès Nda Zoa Meiltz, qui œuvre pour la promotion des écrivain·e·s africain·e·s et afrodescendant·e·s engagé·e·s.

La Pépinière : Merci pour ce tour d’horizon de tes nombreuses activités ! Tu as donc un fort lien avec les livres et la littérature, en raison de ta formation et ton parcours ? Tu t’es notamment questionnée sur les rapports entre littérature, engagement et histoire dans l’œuvre du romancier camerounais Mongo Beti. Peux-tu nous en dire plus ?

Ariane Mawaffo : Je m’intéresse à la littérature depuis que je suis toute petite. Ma mère est enseignante de français également, et donc, depuis toute petite, je suis entourée de livres. Plus tard, je me suis orientée naturellement vers des études de lettres et l’écriture de mon mémoire de Master m’a permis de figer mon attachement pour la littérature – mais surtout pour un certain type de littérature. En effet, dans le cadre de mon mémoire à l’Université de Genève, je me suis intéressée à la place de l’engagement dans l’œuvre de Mongo Beti. Un travail passionnant qui a rejoint des convictions que j’avais déjà. L’engagement en faveur de causes socio-économiques et politiques est dès lors ce qui sous-tend mes propres prises de position, qui se manifestent sous la forme d’articles que je rédige à propos de divers sujets et que je mets en ligne sur mon site internet http://arianemawaffo.com/.

La Pépinière : Dans le cadre des conférences organisées par Africa Learning International, tu vas participer à une table ronde intitulée « Le récit historique en littérature africaine ». Pourquoi avoir choisi ce sujet en particulier ?

Ariane Mawaffo : J’ai été contactée par Estelle Baroung-Hughes, fondatrice de l’ONG Africa Learning International, pour participer à une journée dédiée à l’enseignement de l’histoire au XXIe siècle en Afrique, qui aura donc lieu le samedi 27 mars 2021. J’interviens aux côtés d’autres invité·e·s, dont l’artiste Momar Seck, les chercheurs Philémon Moubeke et Sosthène Meboma, l’enseignant Luc Hamzavi, la fondatrice de l’ONG Tissi Estelle Bougna Fomeju, ainsi que l’essayiste et écrivain Conrad Hughes. L’idée est, durant cette journée, d’explorer les différents enjeux autour de l’enseignement de l’Histoire africaine. Les différentes conférences sont envisagées sous l’angle de diverses matières d’enseignement, comme la philosophie, l’art, l’histoire et la littérature. C’est à la faveur de cette matière que Estelle Baroung-Hughes m’a proposée d’animer une table-ronde autour du récit historique en littérature africaine, ce que j’ai tout naturellement accepté. En effet, du fait de mes propres recherches, je me suis rendue compte que le récit historique est intrinsèquement lié à la naissance et à l’évolution des littératures africaines.

Nous allons principalement discuter du récit historique au sein de l’espace romanesque. Ici, nous allons adopter l’approche qui considère le roman historique comme celui au sein duquel on assiste à la construction du passé à travers la fiction. Dans le cas du roman africain, les auteur·trice·s s’emparent du récit historique pour raconter à leur manière l’histoire des événements majeurs qui ont eu un impact considérable sur le continent et qui ont irrémédiablement modifié son visage. Il s’agit d’évènements tels que l’esclavage, la colonisation, les guerres civiles internes, les révolutions, etc. Cette Histoire est encore malheureusement très peu connue des nouvelles générations et les livres historiques ne sont pas exempts d’un certain travail de réécriture en faveur des dominant·e·s. Il est urgent de se prémunir contre cela et c’est la raison pour laquelle la table-ronde se tient autour d’une question principale : comment le récit historique peut-il permettre à toute personne de s’intéresser à l’Histoire ?

La Pépinière : Voilà qui promet des discussions riches et passionnantes ! Et toi, qu’espères-tu transmettre en particulier, au cours de cette table ronde ?

Ariane Mawafo : Il est primordial, à mon sens, que nous nous intéressions aux événements historiques qui constituent notre passé pour comprendre les enjeux socio-politiques et économiques qui encadrent notre présent et qui servent de leçons pour notre futur.

Plus jeune, au collège, je me rappelle que je détestais cordialement (rires) la matière « Histoire ». Je n’avais aucune affection pour l’apprentissage par cœur de lieux, d’évènements, de dates et de noms qui semblaient avoir eu une influence sur la marche socio-économique et géopolitique du monde. Je ne comprenais, prérogative de la jeunesse, l’importance d’avoir connaissance de cette Histoire pour me construire moi, en tant qu’individu, dans ce monde. Par contre, j’étais avide de livres de fiction, dans la mesure où la lecture était un divertissement important pour moi. La rencontre avec le livre L’aîné des orphelins, écrit par le Guinéen Tierno Monénembo, va complètement me bouleverser. Ce bouleversement provient de la prise de conscience brutale de l’existence d’un génocide qui s’est déroulé dans un pays pas si éloigné du mien que ça, le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. C’est incrédule que je fais le lien entre les événements du livre et des événements qui se sont déroulés dans la réalité. Dès lors, complètement ébranlée, je vais me plonger corps et âme dans la tentative de compréhension de ce qui s’y était passé. C’est ce que j’espère permettre aux gens durant cette table-ronde d’expérimenter : le bouleversement provoqué par la rencontre entre l’Histoire et la fiction.

La Pépinière : Merci pour ce partage, Ariane ! Nous nous réjouissons de te retrouver le 27 mars prochain… et probablement, dans un prochain article ! 

Propos recueillis par Magali Bossi

Informations sur l’événement :

Cycle de conférences en ligne, Teaching Africain History in the XXIst Century, organisé par l’ONG Africa Learning International, le 27 mars 2021.

Inscription et informations ICI !

Page Facebook de l’ONG : https://www.facebook.com/AfricaLearningInternational

Photo : © Ariane Mawaffo (portrait) et Africa Learning International (affiche)

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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