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Le crime oublié

« Elle regarde Thomassin engloutir sa gamelle sous les photos de famille et les chromos éclatants des îles, où des Jésus s’arrachent le cœur de la poitrine. Au fond, elle n’est pas mécontente qu’un des locataires se révèle plus démuni qu’elle. C’est en face que se trouve la petite poste, la seconde agence de Montréal‐la‐Cluse. » (p. 21)

Dans L’inconnu de la poste, Florence Aubenas relate l’histoire vraie d’un crime barbare commis dans un petit village de montagne, à moins d’une heure de route de Genève. Lorsque la victime, Catherine Burgod, est retrouvée le 19 décembre 2008 dans son bureau de poste, poignardée de 28 coups de couteau, les enquêteurs se tournent d’abord vers son ex-mari. Mais très vite, les soupçons se portent sur son voisin, l’acteur français Gérald Thomassin qui a emménagé à Montréal-la-Cluse quelques mois avant l’assassinat.

L’écrivaine, qui est surtout journaliste, détaille avec objectivité les éléments accumulés après sept ans d’enquête sur cette affaire. Florence Aubenas en profite pour donner avec impartialité une voix à tous les acteurs de l’affaire Burgod, aussi éloignés du crime qu’ils paraissent. Un portait complet de la victime peut ainsi être dressé, ce qui permet au lecteur de s’immiscer d’autant plus dans le déroulé de l’enquête. Thomassin, bien que suspect numéro un, se voit lui aussi dépeint avec beaucoup d’humanité et de neutralité de la part de Florence Aubenas. À la manière d’une véritable enquête policière, l’ouvrage n’expose que les éléments factuels de l’affaire ; aussi, la chronologie adoptée reconstitue-t-elle avec une grande précision chaque étape de l’enquête au fil des nombreuses années : rebondissements, fausses pistes, drames passionnels. Tout y est pour offrir au lecteur une expérience palpitante.

Le coupable n’a aujourd’hui toujours pas été identifié par la police. Ainsi, à l’image de cette affaire non-résolue, le bilan de l’histoire reste par conséquent décevant, mais surtout frustrant. Effectivement, peu de réelles réponses sont apportées aux nombreuses interrogations soulevées au cours du récit. Cependant, la force du livre de Florence Aubenas ne se trouve pas dans l’élucidation, mais plutôt dans les questions qu’il suscite : comment deux personnages que tout oppose (Catherine Burgod et Gérald Thomassin) ont-ils pu se retrouver liés ?

Cristofe Marques

Références : Florence Aubenas, L’inconnu de la poste, Éditions de l’Olivier, 2021, 236 p.

Photo : © Pixels2013 (banner) ; éditions de l’Olivier (couverture de l’ouvrage)

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