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Lectures animales : pour petits… et grands !

Amies et amis des bêtes, qu’elles soient à poils, plumes ou écailles, voici trois idées de lectures qui vont vous ravir : découvrez deux numéros de la collection jeunesse consacrée au patrimoine archéologique suisse, « Les Guides à pattes » (éditions Infolio) et dans un recueil de haïkus pas comme les autres, paru aux éditions Pippa.

« Les Guides à pattes » : du monastère de Saint-Gall…

Si je vous ai déjà parlé plusieurs fois de la collection « Les Guides à pattes », publiée chez Infolio, c’est parce qu’elle vaut vraiment le détour. Pourquoi ? Eh bien, parce qu’elle valorise le patrimoine archéologique et paléontologique de notre pays à l’attention du jeune public, avec beaucoup d’humour et de sérieux. Chaque livre nous emporte à la découverte d’un lieu différent, en compagnie d’un ou d’une guide : un animal sympathique qui fera un bout de chemin avec vous ! Entre jeux, illustrations et explications scientifiques (chaque volume repose sur le travail de chercheuses et chercheurs chevronné·e·s), pas le temps de s’ennuyer. Rappelez-vous : cet été, nous faisions un détour par le Jura préhistorique, à la recherche de dinosaures bien sympathiques, avant de rendre visite aux Lacustres sur les rives du lac de Neuchâtel. En décembre 2018, je vous emmenais sur les traces des Burgondes qui, en 443 après J.-C., habitaient Genève… ou plutôt, Genava !

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de mes deux dernières découvertes. Il s’agit d’abord du dernier-né de la collection « Les Guides à pattes » : Enquête au monastère de Saint-Gall.

« Sais-tu ce qui se cache derrière ce mur ? Une abbaye ! Au Moyen Âge, des moines vivaient dans ce monastère. C’était un lieu religieux important qui fonctionnait comme une petite ville. Il était dirigé par un abbé. […] On trouve dans l’abbaye de Saint-Gall l’une des bibliothèques les plus incroyables du Moyen Âge. » (p. 3).

Publié en automne 2021, Enquête au monastère de Saint-Gall est signé Lucile Tissot et illustré par Bernard Reymond. On y suit l’ours Adalbert, qui sera notre guide. Sa mission ? Tâcher d’élucider, en notre compagnie, un bien étrange mystère : celui de la rencontre du moine Gallus, le fondateur de l’abbaye, avec un ours, il y a de cela bien longtemps. Car c’est sur les lieux de cette rencontre, dit-on, qu’a été bâtie l’abbaye de Saint-Gall. Ni une, ni deux, nous voilà en train de nous faufiler incognito dans le monastère…

Aux côtés d’Adalbert, nous allons découvrir non seulement l’histoire et l’architecture de l’abbaye, mais également le quotidien des moines et des enfants qui y vivaient – car il s’agissait avant tout d’un lieu d’étude et d’apprentissage ! La routine journalière, rythmée par les prières, est entrecoupée de longues sessions de travail, notamment au sein du « scriptorium », le lieu où les copistes recopiaient des manuscrits à la valeur inestimable. Nous apprendrons également de quoi vivaient les moines – nourriture, boisson, élevage, jardin… mais aussi comment ils se soignaient, prenaient soin des lépreux ou enterraient leurs morts. Adalbert, toujours de bonne humeur, nous entraînera dans des jeux amusants… mais attention de ne pas se faire prendre par les moines ! Après tout, un ours n’a rien à faire dans une abbaye, pas vrai ?

… aux ruelles d’Aventicum !

Enquêtes au monastère de Saint-Gall est le treizième volume des « Guides à pattes », toutes époques confondues, et le deuxième dans la section consacrée au Moyen Âge. Au fil de mes pérégrinations dans les villes romandes, j’ai mis la main sur le cinquième volume de la section consacrée à l’époque romaine : Aventicum, en vadrouille dans la capitale, publié en 2014 avec le soutien du Site et Musée romains d’Avenches. Le texte est signé Fanny Dao et Lucile Tissot ; les dessins toujours assurés par le pinceau enjoué de Bernard Reymond.

« Salut à toi et bienvenue à Aventicum ! Je m’appelle Lux et voici mon frère Nox. Ce sont des noms latins qui signifient la lumière et la nuit. […] Dis-moi, ça te dirait d’en savoir un peu plus sur la vie d’un citoyen à Aventicum ? Tu as de la chance de nous avoir croisés ! Nous les avons beaucoup observés et connaissons très bien leurs habitudes : où s’amuser et se détendre avec ses amis, où travailler, où voir les spectacles les plus grandioses et où dénicher les meilleures saucisses. Mais chuuut ! Il faudra nous faire discrets. » (p. 1)

Cette fois, ce sont deux louveteaux intrépides, Lux et Nox, qui seront nos guides dans la ville romaine d’Avenches. Et ils n’ont pas froid au yeux ! Grâce à eux, nous apprendrons qu’Avenches (ou plutôt Aventicum) était une importante cité de l’Empire romain, construite au début du 1er siècle après J.-C. et comptant plus de 20’000 âmes. Entre Guerre des Gaules et système politique dépendant directement de l’empire, c’est tout une affaire pour gérer la civitas (ou région) d’Helvétie, qui s’étendait du Léman au lac de Constance, des Alpes au Jura, et dont Aventicum était la capitale. Lux et Nox nous parleront architecture, mais aussi organisation sociale (avec des droits et des devoirs imposés aux différentes strates de la société), famille, éducation, hygiène ou encore religion. Évidemment, ils ne perdront pas de vue les saucisses – en gourmands louveteaux qu’ils sont !

Et si on allait… au zoo ?

Après ces visites dans le patrimoine archéologique helvétique, notre périple animalier s’achève avec un recueil de poésie, destiné aux plus grandes et aux plus grands (quoique…) : Zoo, de Pierre-Jean Carrus. Ce recueil rassemble plusieurs dizaines de haïkus, consacré au monde du zoo. L’auteur y décrit les animaux, observés à travers des barreaux, mais également la relation que nous entretenons avec eux, en tant qu’animaux à deux pattes qui en enferment d’autres…

« Même s’il a été conçu et écrit avant, difficile de ne pas voir dans ce livre un écho au confinement subi en 2020 par des milliards de terriens. À chaque page, en effet, il est question de privation de liberté, de mouvements entravés, d’existences à l’étroit, d’échappée impossible. La covid-19 nous a fait expérimenter dans notre chair ce que nous imposions, sans trop nous en émouvoir, à beaucoup d’animaux – à commencer par ceux des zoos. » (préface de Thierry Cazals, p. 11)

Avec humour, tendresse, cynisme, critique, amusement, compassion – avec tant d’autres sentiment encore, Pierre-Jean Carrus questionne sans lourdeur ce monde du zoo, suggérant des questions auxquelles il n’apporte pas de réponses, préférant laisser à celle ou celui qui le lit l’opportunité de se faire sa propre opinion. Son recueil est conçu comme une promenade : on entre dans le zoo, on évolue entre les différentes sections classées par thématiques, selon les environnements où habitent les bêtes considérées (rochers, herbes, sable, branches…). Mais, une fois à l’intérieur du zoo, quel regard porter sur ces bêtes, pas si éloignées de nous ? Que disent-elles de notre propre animalité, de notre humanité ? Quels regards, elles-mêmes, portent-elles sur nous ?

le loup fatigué
ne raconte pas les steppes
à ses louveteaux (p. 21)

tigre blanc vedette –
elle lui tourne le dos
pour faire un selfie (p. 22)

écorces sèches –
le pangolin promène
une énigme (p. 31)

– oryx –
je retiens son nom
pour le scrabble (p. 38)

le caméléon
vient juste de disparaître –
rien moins qu’exister (p. 49)

le mur peint en. Vert
les oiseaux de paradis
revoient leur forêt (p. 59)

texte explicatif –
le regard du chimpanzé
qui n’explique pas (p. 71)

(huit longs tentacules –
la pieuvre résiste
à mon anthropomorphisme) (p. 81)

Cerise sur le gâteau de ce recueil qu’on dévore avec plaisir, les illustrations d’Orphée Cazals sont un vrai régal : proche des univers de la bande dessinée ou de la caricature, sa plume donne en noir / blanc une nouvelle dimension aux haïkus. L’humour s’y trouve redoublé, ou décalé, selon que le dessin fasse écho ou non aux poèmes qu’il accompagne. Tout autant que ces bulles de poésie, les dessins sont l’occasion d’un parcours méditatif, dans ce zoo de papier duquel on ressort mi-figue, mi-raisin. La prochaine fois qu’on nous propose une sortie au zoo, que répondrons-nous ?…

Magali Bossi

Références :

Lucile Tissot (texte), Bernard Reymond (illustrations), Enquête au monastère de Saint-Gall, « Les Guides à pattes. Moyen âge vol. 2), Gollion, 2021, 30 p.

Fanny Dao et Lucile Tissot (texte), Bernard Reymon (illustrations), Aventicum, en vadrouille dans la capitale, « Les Guides à pattes. Époque romaine vol. 5), Gollion, 2014, 30 p.

https://lesguidesapattes.ch/

Pierre-Jean Carrus, Zoo, (préface de Thierry Cazals, illustrations de Orphée Cazals), Paris, Pippa, 2020, 89 p.

http://www.pippa.fr/ZOO

Photos : © Magali Bossi

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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