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Mondes imaginaires : Elfes, fantômes et robots…

L’association Mondes Imaginaires, fondée en 2019, regroupe trois anciennes étudiantes en Lettres qui, au terme de leurs études, sont arrivées à une constatation : bien souvent (trop souvent), les littératures de l’imaginaire sont décriées et dévalorisées. Pourtant, l’histoire se construit sur un imaginaire, une conscience collective, et une transmission des mythes dits fondateurs. 

Mondes Imaginaires proposent donc des ateliers participatifs et créatifs aux enfants comme aux adultes, afin que les univers fictifs viennent nourrir le quotidien. User du pas de côté qu’offrent des moments de créativité permet d’enrichir la réflexion à travers des points de vue différents et des concepts innovants. Tous les mois, Mondes Imaginaires proposent un atelier d’écriture créative sur un thème différent. Ensemble, nous explorons diverses facettes de l’écriture et de l’imaginaire. Le but est avant tout d’oser écrire, dans un climat de bienveillance, tout en acquérant de la confiance en soi. Chaque thématique est présentée grâce à des ouvrages qui servent de référence (en science-fiction, fantasy ou fantastique), parfois avec un ancrage historique – ce qui permet de stimuler l’imaginaire. Les participants peuvent, s’ils le souhaitent, intégrer des éléments proposés par les animatrices dans leurs écrits. L’atelier se clôt par un partage volontaire des créations. Un seul mot d’ordre : imaginer !

Les textes que vous découvrirez au sein de cette rubrique sont tous issus de ces ateliers. C’est David Weber qui signe celui d’aujourd’hui, rédigé dans le cadre d’un atelier à l’intitulé pour le moins énigmatique : Elfes, fantômes et robots. Sa contrainte ? Travailler le genre fantastique – autrement dit, mélanger un monde dit « ordinaire » avec de l’extraordinaire… Bonne lecture !

* * *

Les grands hautains

J’ai toujours vécu avec la vision de ces immenses buildings, là où vivent des êtres qui nous dirigent d’une main de fer.

La cité dans laquelle j’habite est séparée en deux parties distinctes, l’une emplie d’une lumière incroyable et qui ne faiblit jamais, l’autre plongée dans une obscurité presque absolue. Selon la partie de la ville où ils résident, les gens les plus riches vivent au sommet d’un building… ou dans les tréfonds.

Moi, je ne vis dans aucun des deux ; je demeure avec le reste des humains en bordure et, si les gouvernants de la cité sont assez aimables, des camions viennent parfois nous jeter de la nourriture (enfin, des restes de nourriture)… Pourtant, je m’estime heureux : j’ai au moins la chance d’aller à l’école.

Un jour comme un autre, la prof nous invite à écrire notre rêve. Son argument ? L’un des dirigeants (ces soi-disant hommes bienveillants…) lira nos textes et, à partir de là, choisira celui ou celle qui aura l’honneur de venir habiter avec eux dans les plus beaux quartiers. Aussitôt, je prends mon stylo.

« Pensez, par exemple, à ce que vous aimeriez devenir plus tard », nous conseille la prof.

Facile à dire… mais qu’est-ce que je veux devenir plus tard ? Je n’en ai pas la moindre idée ; je me vois déjà comme mon père et son père avant lui – sûr de devenir recycleur dans l’une des usines qui appartient à l’un de nos dirigeants.

Je commence à écrire, puis barre un mot… et barre encore…

Je sais !

L’inspiration est là, je me mets à écrire pour de bon, puis demande une seconde feuille à la prof – et puis une troisième, une quatrième, une cinquième. L’enseignante me demande de simplifier au maximum mes idées, pour ne pas m’étaler. Je lui réponds que c’est exactement ce que je fais, mais que c’est compliqué sans détailler le fond de ma pensée.

*

La semaine suivante, la prof a une annonce à nous faire :

« Exceptionnellement, les dirigeants vont venir chercher en personne le grand gagnant du concours. »

On entend alors des pas claquer dans le couloir : ce sont ceux, facilement reconnaissables, de la directrice. Je le sais car c’est exactement le bruit que l’on entend avant une retenue. Elle ouvre en grand la porte et deux hommes entrent ; une jeune femme, un peu plus petite, que les deux hommes, passe la porte juste après eux. Ils sont très grands, au moins deux mètres vingt, avec de longs cheveux lisses et des oreilles en pointe. Ils sont très élancés et aucun n’a d’embonpoint. Des elfes, bien sûr – ceux à qui nous devons notre… salut.

L’un des hommes (ou plutôt des elfes) s’avance et commence à lire un texte, d’une voix monocorde, sans aucune émotion. Il s’arrête brusquement.

« Qui a écrit cela ? »

Je lève la main et, le regard vers le bas :

« C’est moi, Monsieur. »

Sa voix claque, aussi glaciale que sa peau d’ivoire :

« Comment as-tu osé écrire cet immondice… ces… élucubrations ? Vous étiez au bord de l’extinction, nous vous avons sauvé de votre destruction… et nous sommes aujourd’hui compatissants, bienveillants envers vous, alors que n’avez rien fait pour le mériter. Comment. Oses. Tu ? »

Sauvés ? C’est comme cela qu’il nomme cet état de servitude implacable… ? Je lève doucement la tête et prononce, d’un cri qui vient directement de mon ventre :

« MOUREZ ET REPARTER CHEZ VOUS ! »

Au même moment, je me lève, saute, pose un pied sur le bureau. La colère (ou la peur ?) me donne des ailes, je m’élance de bureau en bureau. Je glisse mon bras dans mon dos et en sort soudain une machette, que je dirige directement dans le cou de l’elfe. Elle ressort d’un coup sec. Pas le temps de réfléchir, la tête roule au sol, je me baisse, glisse à genoux avant de planter la lame dans le bas-ventre du second elfe. Le métal remonte à travers les chairs, comme une fermeture éclair, avant de ressortir au niveau de l’estomac. Les organes glissent à l’extérieur du trou béant, avec un bruit mou. J’arrive enfin vers la dernière elfe, la fille, pose délicatement mon arme contre sous cou.

« Et maintenant, que vas-tu faire ? »

Elle déglutit, sans montrer une once de peur. Sa voix est plus froide encore que celle qui m’a invectivé tout à l’heure :

« Je ne suis pas du tout de la même voie que mon père. Tu l’as tué, démontrant bien l’infériorité de ta propre espèce. Pour moi, vous devriez tous mourir, misérables humains, et vous ne valez même pas la peine que je m’essuie les pieds sur vos faces de dégénérés qui ne… »

Elle n’a pas le temps de finir sa phrase : ma lame glisse sur son cou et sa robe blanche vire immédiatement au rouge.

Ainsi commença la Guerre des Hautains.

David Weber

Photo : © Gruu

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