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Mondes Imaginaires : le mot de la fin (2)

L’association Mondes Imaginaires, fondée en 2019, regroupe trois anciennes étudiantes en Lettres qui, au terme de leurs études, sont arrivées à une constatation : bien souvent (trop souvent), les littératures de l’imaginaire sont décriées et dévalorisées. Pourtant, l’histoire se construit sur un imaginaire, une conscience collective, et une transmission des mythes dits fondateurs. 

Mondes Imaginaires proposent donc des ateliers participatifs et créatifs aux enfants comme aux adultes, afin que les univers fictifs viennent nourrir le quotidien. User du pas de côté qu’offrent des moments de créativité permet d’enrichir la réflexion à travers des points de vue différents et des concepts innovants. Tous les mois, Mondes Imaginaires proposent un atelier d’écriture créative sur un thème différent. Ensemble, nous explorons diverses facettes de l’écriture et de l’imaginaire. Le but est avant tout d’oser écrire, dans un climat de bienveillance, tout en acquérant de la confiance en soi. Chaque thématique est présentée grâce à des ouvrages qui servent de référence (en science-fiction, fantasy ou fantastique), parfois avec un ancrage historique – ce qui permet de stimuler l’imaginaire. Les participants peuvent, s’ils le souhaitent, intégrer des éléments proposés par les animatrices dans leurs écrits. L’atelier se clôt par un partage volontaire des créations. Un seul mot d’ordre : imaginer !

Les textes que vous découvrirez au sein de cette rubrique sont tous issus de ces ateliers. Aujourd’hui, David Weber vous parle… d’écureuil. Bonne lecture !

* * *

Un début et une fin

Il y avait la guerre dans un monde qui était magnifique, mais cette violence gratuite avait défiguré cette planète. Dans un petit village rural, niché au sommet d’une montagne, vivait un jeune garçon qui adorait courir dans l’herbe et respirer le parfum des fleurs. Ce village était pauvre, les murs des maisons étaient en terre cuite et les toits faits de paille.

Un jour, de bon matin, il se leva comme à son habitude, descendit préparer le petit déjeuner et le repas du midi. Il ne mangeait jamais à la maison, il était toute la journée avec ses chèvres, plus haut dans la montagne. Sa mère se leva une quinzaine de minutes plus tard ; il prit son baluchon et souhaita une belle journée à cette femme qu’il aimait tendrement.

Il sortit et cria :

« BÉBIOU, BÉBIOU ! »

Les chèvres arrivèrent. Il commença à monter. Ses bêtes le suivaient de près : elles savaient qu’en sa présence, elles ne risquaient rien et seraient protégées des dangers. Au bout d’une heure et demie de marche, ils arrivèrent sur une esplanade. Il le connaissait bien ce monticule : il y venait tous les jours y faire paître son troupeau.

Alors que ses pensées se perdaient dans l’immensité du ciel, il fut happé par une main qui le tira brusquement en arrière. C’était un homme. Un de ces hommes qui faisaient une guerre qui n’avait de sens pour personne. Dans ces régions reculées, on ignorait même pourquoi ils se battaient. L’homme posa son index devant la bouche du jeune garçon qui s’immobilisa, interloqué. Pourquoi veut-il que je fasse silence… ? De son autre main, l’homme pointa une direction. Le garçon se retourna et vit un attroupement s’avancer sur le sentier : c’étaient d’autres hommes, tous habillés comme celui qui l’avait abordé. Ils cherchaient quelque chose, de toute évidence.

Une ampoule s’illumina dans l’esprit du garçon : ils le cherchent. L’homme se pencha vers lui et lui chuchota à l’oreille :

« J’ai déserté et je veux m’enfuir… peux-tu m’aider ? »

Le jeune garçon se pencha à son tour et murmura :

« C’est quoi, déserter ? »

L’homme répondit qu’ils seraient mieux dans un endroit moins exposé pour discuter de cela. Le garçon secoua la tête et reposa la question :

« C’est quoi, déserter ? »

L’homme le plaqua brutalement au sol, les cachant à la vue de la troupe qui le cherchait.

« Je vais t’expliquer, triple buse. Dans mon pays, loin très loin d’ici, on est recrue de grand-père en père, et de père en fils. »

« Ça veut dire quoi, recrue ? »

Le garçon ne comprenait pas un traître mot de ce que l’homme lui expliqua : l’étranger ouvrait la bouche pour en faire sortir des phrases, mais ces mots n’avaient pas d’émotion – pas de couleur, pas d’âme.

L’homme parla et parla, un vrai moulin à paroles. Quand il eut fini, le garçon jeta un coup d’œil au sentier : les hommes cherchaient toujours dans les taillis et les buissons bas à flancs de montagne. Le temps que le garçon se retourne vers l’homme, ce dernier était parti dans la direction opposée. Il le vit disparaître derrière la crête de la pente.

Pour le garçon, cette rencontre fut la plus surprenante qui soit. Nous ne parlions pas la même langue, songea-t-il, et pourtant nous avons tous les deux vécu une rencontre. Il avait l’impression que cette rencontre marquait la fin d’une étape dans sa vie – le commencement d’une autre. Englouties en deux petits monticules distincts, elles marqueront quelque part une borne sur une route qui n’existe pas.

David Weber

Retrouvez tous les textes de Mondes Imaginaires ICI !

Photo : ©ilyessuti

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