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Mondes imaginaires : les antres de la Terre (4)

L’association Mondes Imaginaires, fondée en 2019, regroupe trois anciennes étudiantes en Lettres qui, au terme de leurs études, sont arrivées une constatation : bien souvent (trop souvent), les littératures de l’imaginaire sont décriées et dévalorisées. Pourtant, l’histoire se construit sur un imaginaire, une conscience collective, et une transmission des mythes dits fondateurs.

Mondes Imaginaires proposent donc des ateliers participatifs et créatifs aux enfants comme aux adultes, afin que les univers fictifs viennent nourrir le quotidien. User du pas de côté qu’offre des moments de créativité permet d’enrichir la réflexion à travers des points de vue différents et des concepts innovants. Tous les mois, Mondes Imaginaires propose un atelier d’écriture créative sur un thème différent. Ensemble, nous explorons diverses facettes de l’écriture et de l’imaginaire. Le but est avant tout d’oser écrire, dans un climat de bienveillance, tout en acquérant de la confiance en soi. Chaque thématique est présentée grâce à des ouvrages qui servent de référence (en science-fiction, fantasy ou fantastique), parfois avec un ancrage historique – ce qui permet de stimuler l’imaginaire. Les participants peuvent, s’ils le souhaitent, intégrer des éléments proposés par les animatrices dans leurs écrits. L’atelier se clôt par un partage volontaire des créations. Un seul mot d’ordre : imaginer !

Les textes que vous découvrirez au sein de cette rubrique sont tous issus de ces ateliers. Aujourd’hui, c’est un texte de Sébastien Aubry que nous vous proposons. Il avait pour thème un intitulé énigmatique : les antres de la Terre… Bonne lecture !

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Réflexion métaphysique

Connaissons-nous vraiment ce monde dans lequel nous vivons ? L’immensité du ciel nous invite au voyage, à la quête de nouvelles frontières autres que celles de notre imagination. Les rêves, souvent, nous permettent de nous affranchir du carcan d’une réalité que l’on souhaiterait moins cloisonnée. Mais est-il vraiment nécessaire de s’envoler, poussé par l’élan sublime d’un Icare téméraire ou d’un aviateur fougueux, pour franchir les maussades limites de la Terre et toucher du doigt le visage de Dieu ? Pourquoi ne pourrions-nous pas nous tourner vers cette planète dont, en définitive, nous n’avons exploré que la partie émergée ? Les vastes étendues des mers et des océans recèlent de trésors que même le soleil, dont la chaleur des rayons brûle la cire de nos ailes, n’est à même de percer. Les abîmes insondables, dont la lumière est absente, renvoient l’écho des énigmes de la création.

En fait, cette terre que nous peuplons telle une colonie de fourmis en perpétuelle expansion, nous n’en connaissons que la surface. Or les fourmis, à l’instar des rats, en savent plus que nous sur les arcanes des mondes souterrains où règnent l’ombre et le silence. Mais pour nous, êtres supérieurs forgés à l’aune de la raison et trônant prétendument au sommet de la pyramide de l’évolution, qu’y aurait-il à explorer dans le néant de la nuit, dans la défaillance des couleurs ? Qu’y aurait-il à trouver dans l’illusoire certitude que la nuit est une fin en soi ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une frontière ? De fait, le noir n’est en rien une absence de tonalités, mais la somme de toutes les couleurs. L’aventure de l’obscurité est d’aller au-delà du prisme, de considérer que la notion étriquée du néant est au contraire un tout, une somme foisonnante de perceptions et d’émotions qui nourrit l’imaginaire et dépasse l’entendement.

Sous nos pieds se développe un dédale de galeries, de cavités, d’anfractuosités inexplorées qui fait surgir la peur de l’inconnu inhérente à notre nature, autant qu’il aiguillonne notre envie de percer les mystères qui pourraient nous permettre de mieux nous définir en tant qu’espèce par rapport à cette nature dont, après tout, nous connaissons si peu. Notamment cet environnement qui échappe à notre regard, qui, tels des sables mouvants, se dérobe. Et c’est pourtant là, vers le bas, vers la nuit terrestre, que notre inextinguible soif de nouveauté devrait nous conduire inexorablement. Peut-être est-ce là que, paradoxalement, nous attend la lumière ? La religion nous enseigne que la quête de Dieu est une élévation spirituelle et, qu’au travers de monuments de pierre d’une magnificence ostentatoire, on se rapproche de Lui. Pourtant, n’est-ce pas sous terre qu’enluminées de frises nacrées de stalactites et scintillant de myriades de gouttes luminescentes se trouvent les plus grandioses cathédrales ? Dieu y est aussi. Et nous y avons tout autant notre place. La croute terrestre est bien fine, comparée à l’immensité de l’univers. Mais ce dernier, bien que lumineux et attractif, est désespérément vide et inaccessible. Or l’aventure, la découverte, les mystères sont sous nos pieds. Pourquoi ne fonçons-nous pas ?

Courage ! Il est peut-être temps pour nous d’entrer dans la nuit.

Sébastien Aubry

Photo : © tegawi

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