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Mondes imaginaires : varier les points de vue

L’association Mondes Imaginaires, fondée en 2019, regroupe trois anciennes étudiantes en Lettres qui, au terme de leurs études, sont arrivées à une constatation : bien souvent (trop souvent), les littératures de l’imaginaire sont décriées et dévalorisées. Pourtant, l’histoire se construit sur un imaginaire, une conscience collective, et une transmission des mythes dits fondateurs. 

Mondes Imaginaires proposent donc des ateliers participatifs et créatifs aux enfants comme aux adultes, afin que les univers fictifs viennent nourrir le quotidien. User du pas de côté qu’offrent des moments de créativité permet d’enrichir la réflexion à travers des points de vue différents et des concepts innovants. Tous les mois, Mondes Imaginaires proposent un atelier d’écriture créative sur un thème différent. Ensemble, nous explorons diverses facettes de l’écriture et de l’imaginaire. Le but est avant tout d’oser écrire, dans un climat de bienveillance, tout en acquérant de la confiance en soi. Chaque thématique est présentée grâce à des ouvrages qui servent de référence (en science-fiction, fantasy ou fantastique), parfois avec un ancrage historique – ce qui permet de stimuler l’imaginaire. Les participants peuvent, s’ils le souhaitent, intégrer des éléments proposés par les animatrices dans leurs écrits. L’atelier se clôt par un partage volontaire des créations. Un seul mot d’ordre : imaginer !

Les textes que vous découvrirez au sein de cette rubrique sont tous issus de ces ateliers. Ce matin, c’est David Weber qui s’y colle, en vous proposant une plongée dans une scène bien connue des amoureux de Tolkien… mais en variant les points de vue et les registres de langue. Bonne lecture !

*

Prisme

Gandalf entendit un bruit sourd, un bruit à faire trembler le sol.

— On ne doit pas rester ici ! s’écria-t-il en direction de sa compagnie.

Il ressentait un sentiment de mal-être, signe qu’une sombre entité était en approche. Avec prudence, il s’approcha de la porte et des lumières orangées qui éclairaient les murs, puis pointa du doigt Boromir et Aragorn :

— Partez devant et ouvrez-nous la voie !

Les deux hommes sortirent aussitôt leur épée du fourreau, avant de pousser la porte d’un coup sec. Les Hobbits les suivirent, un peu tremblants, suivis par Legolas. Gandalf, quant à lui, resta derrière, les yeux fermés, récitant une formule mystérieuse pour leur porter chance.

Les Orcs, de leur côté, ne craignaient pas cette monstruosité qui avançait dans l’ombre et, sans inquiétude, attendaient les membres de la communauté de pied ferme. Les combats s’engagèrent. Des têtes giclèrent, dans tous les sens. Des bras girent au sol ; la compagnie avançait à bonne allure. Gandalf était soulagé, car ce Balrog n’était clairement pas de leur niveau : mieux valait le laisser derrière eux. Ils avaient atteint péniblement le Level 20 ; le Balrog, lui, pouvait se targuer d’être  le boss du donjon – par conséquent, aucune chance d’en venir à bout facilement. Gandalf secoua la tête, défaitiste. Qu’est-ce qui lui avait pris d’accepter cette invitation afin de tester le nouveau donjon de cette extension ?

Pardon, je m’égare. Où en étais-je, déjà ?

Ah oui.

Gandalf releva la tête. Ils avançaient donc à bonne allure et le Balrog ne les rattraperait pas. La formule qu’il avait prononcée s’avérait visiblement efficace ; au moins pouvait-il être fier de ne pas être un magicien de pacotille.

Tout le monde s’était brusquement arrêté.

— Bordel, grogna Gandalf, ce n’est pas le moment de faire une sieste !

Aragorn lui indiqua du doigt l’étroit pont en pierre :

— Ben quoi ? Vous ne savez pas marcher sur une bande étroite ? demanda le magicien en s’avançant.

Aragron lui indiqua le vide de chaque côté.

— Hé bien c’est profond, certes, convint Gandalf. Mais de toute façon, nous n’avons pas d’autre chemin à notre disposition.

Gandalf désigna les lumières projetées sur les murs, sans cesse plus proches. Toute la troupe se remit aussitôt chemin ; les deux guerriers passèrent devant, pour aider les Hobbits. Legolas, quant à lui, tirait des flèches sans discontinuer sur les Orcs. Heureusement que son carquois était magique et qu’il ne se vidait jamais…

C’est beau la magie de l’écriture, pardon je m’égare encore – les carquois en mode « corne d’abondance »… Purée, que c’est compliqué de se tenir à un seul narrateur !

Donc. Tout le monde finit par passer sur le pont étroit. Il ne restait que Gandalf qui, planté sur l’autre côté, tenait d’une main son bâton magique et de l’autre son épée. Le Balrog était devant lui, à quelque pas à peu, ce qui était vraiment très loin pour un humain, mais pas pour un monstre de sa taille.

— Vous ne passerez pas, Flamme d’Udûn !

— Rien ne pourra m’arrêter, entendit alors Gandalf dans sa tête.

— Je suis porteur du feu sacré, sa lumière est plus forte que la vôtre, rétorqua le magicien.

Le Balrog continua d’avancer, mais Gandalf n’en démordait pas et s’efforçait de le ralentir assez pour que ses amis soient à l’abri. Le monstre fit un pas sur le pont, puis un deuxième.

Gandalf fracassa soudain le sol avec son bâton, qui se brisa en même temps que le pont. La monstruosité flamboyante perdit alors l’équilibre et tomba dans le précipice dont on ne voyait pas le fond.

Gandalf se retourna, soulagé – mais trébucha tout à coup, le Balrog ayant eu juste le temps d’enrouler son fouet de flammes autour de la jambe du magicien. Gandalf s’agrippa tant bien que mal au rebord pont et, dans un dernier espoir, souffla :

— Fuyez, pauvres fous !

Il disparut brusquement dans le vide. Ses compagnons tournèrent alors les talons et continuèrent leur course comme si de rien n’était.

Bon débarras, se dirent en eux-mêmes les deux hommes et l’elfe.

— Quels casse-pieds, ces magiciens, soupira l’elfe.

Les deux autres acquiescèrent de la tête.

— Il y en a marre de ce rôle-play ! Franchement, il est mort et alors on le retrouve au cimetière l’extérieur du donjon, un point c’est tout ! s’écria un Hobbit d’un ton vindicatif. S’agirait pas qu’il revienne d’entre les morts, en plus !

David Weber

Photo : © aitoff

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