Patois romand : L’étrange comptine
Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !
La Pépinière vous propre un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !
Aujourd’hui, Valentina Poduti vous propose de plonger dans le patois suisse romand. Sa mission ? Inclure une série de mots imposés par le hasard, tirés des parlés de Romandie. Saurez-vous tous les identifier ? Bonne lecture !
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L’étrange comptine
Cher lecteur, chère lectrice,
Ces vers qui s’offrent à vous ne sont autres qu’un témoignage de l’une de nos plus vieilles traditions. Les chants, les fables et les contes, qu’ils soient narrés autour d’un feu ou au chevet d’un lit, ne sont autres que la porte ouverte sur un monde ancien, dans lequel nous sommes invités à pénétrer. La comptine que je vous propose ici aurait pu voyager dans les siècles, d’une oreille à l’autre, s’enrichissant à chaque fois par petites touches, emportant avec elle l’empreinte de nos pères. J’aurais pu trouver cette comptine dans un manuscrit, là où un homme aurait décidé de la piéger, afin de ne pas la laisser s’enfuir dans le gouffre de l’oubli. Cette comptine aurait pu résonner dans les hauteurs des montagnes vaudoises, semant la terreur dans les jeunes oreilles des enfants trop intrépides.
Mais finalement, cette comptine n’est peut-être là que pour nous rappeler de ne pas oublier les récits qui nous été contés, car finalement, une part de vérité s’y cache peut-être.
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L’étrange comptine
(Les Diablerets, canton de Vaud)
Kaize-tè ! Kaize-tè ! arrête de pleurer
Ou le diablet viendra en ton lit t’épécler.
Malgré la tiaffe, il te faut dormir à l’instant
ou le crouille t’amènera par les cheveux te tirant.
Tes piettons de brameran il n’hésitera pas à ruper
Si tes pauvres parents tu ne cesses de hucher.
Du mont il descendra pour venir te prendre
Et dans la brouille de tes cris mordra ta chair tendre.
Kaize-tè ! Kaize-tè brameran allité
ou tes parents à ton réveil te trouveront défunté.
Texte recueilli par Valentina Poduti
Ce texte est tiré de la volée 2021-2022, animée par Magali Bossi et Natacha Allet.
Retrouvez tous les textes issus de cet atelier ICI.
Photo : © simonprodl