Se parer… de mille couleurs
Emmanuel Eggermont et Raimund Hoghe, un duo intergénérationnel qui laisse pantois. Du vendredi 20 au dimanche 22 janvier au Pavillon ADC, le danseur et chorégraphe Emmanuel Eggermont affichait, une belle fois de plus après An Evening with Raimund, la franche estime ressentie pour son éclaireur, le danseur de Wuppertal, parti en 2021. C’était All over Nymphéas.
Emmanuel Eggermont, c’est le nom qui fait écho à des performances de danse dont la rigueur esthétique et le focus sur le monde des images sont imposantes et majestueuses. La richesse des spectacles se dévoile petit à petit, donnant la possibilité aux spectateur·ice·s d’entrer lentement dans un nouveau monde et d’être conquis·e·s à petit feu. Emmanuel Eggermont, c’est comme ces noms évocateurs de paradis en miniature : les vagues, le fondant, l’ivresse.
All over Nymphéas s’apparente à une procession de tableaux, inspirée du cycle des Nymphéas de Monet – près de 300 tableaux – auxquels le peintre dédia trois décennies de sa vie. Le paysage mélodieux proposé par Emmanuel Eggermont propose une relecture des peintures de l’artiste mais existe également en dehors de cette relation ; tel quel. Telle une fleur qui ne demande qu’à être regardée.
Happés dans une lumière bleue, rappelant le monde des ombres et de la nuit tout comme celui des étendues d’eau, les cinq danseuses et danseurs évoluent de façon indépendante, comme tant de joyeuses fleurs égrenées de ci de là sur le grand lac. Leur beauté poindra au jour prochain, de façon impressionniste, comme esquissée par coups de pinceaux. Une danseuse, puis un.e autre, puis encore un.e autre.
Leur relation au public est équivoque.
Iels donnent d’abord l’impression de ne pas tenir compte du public, comme un monde fermé sur lui-même, le monde de la beauté inaccessible. Iels se mirent, se parent de leurs plus belles couleurs au royaume des vanités.
Iels s’attirent, s’indignent, s’affrontent et montrent ainsi quelle loi semble régir dans ce grand parc : la séduction. Mais avec grande classe ; puisque chacun·e des danseur·euse·s connaît son moment de gloire et reconstruit la floraison des nénuphars : l’ouverture des pétales, les vacillements au gré de l’eau, on les voit se dessiner devant nous.
La succession des pistes musicales soutient l’évolution du spectacle de manière à ce que l’on assiste à un vrai déploiement de ce monde floral : On croit deviner des animaux qui s’invitent, des gênes auxquelles les danseur·euse·s réagissent ; iels se rapprochent ou se distancient sur des sons qui donnent envie de se mouvoir – toutes tiges confondues ! – que l’on soit souple ou non d’ailleurs.
C’est une histoire de parures, à la fois identitaires lorsqu’il faut éclore, esthétiques lorsqu’il faut conquérir ou de guerre lorsqu’il faut combattre. Toutes rappellent que l’on existe dans le rapport à l’autre – son regard nous fait exister et, par notre présence, nous enrichissons son regard. Une histoire de beauté interdépendante dans des tons roses et bleus sur la fin du spectacle qui nous invite à penser le genre humain dans une unité mélodieuse.
Laure-Elie Hoegen
Infos pratiques :
All Over Nymphéas, d’Emmanuel Eggermont, du 20 au 22 janvier 2023 au Pavillon ADC.
Conception : Emmanuel Eggermont
Avec Éva Assayas, Mackenzy Bergile, Laura Dufour, Emmanuel Eggermont, Cassandre Munoz
Photos : © Christophe Raynaud de Lage