S’en sortir sans sortir : L’odyssée de l’échappée belle
Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !
La Pépinière vous propre un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !
Le confinement a été une période particulièrement stressante – mais étonnamment riche en inspiration. Autour de la question « comment s’en sortir sans sortir ? », Bintou Depotbecker vous propose sa vision personnelle de la situation… à la manière de l’OuLiPo (Ouvroir de littérature potentielle).
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L’odyssée de l’échappée belle
Comment s’en sortir sans sortir ? – de sa maison voir du monde, prisonnier d’un microscopique biologisme, apposé à nos organismes, attaché dans les entrailles de nos cerveaux, suspendu à nos lèvres. Celui dont il ne faut pas prononcer le nom, tu sais qui. Le nommer, c’est le faire exister, c’est rendre Ça vivant.
Ah les mots ! Les simples mots ! Combien ils sont terribles ! Combien limpides, éclatants ou cruels ! On voudrait leur échapper. Quelle subtile magie est donc en eux ?… On dirait qu’ils donnent une forme plastique aux choses informes, et qu’ils ont une musique propre à eux-mêmes aussi douce que celle du luth ou du violon ! Les simples mots ! Est-il quelque chose de plus réel que les mots ?
Pris au piège par les mots…
L’impossible échappée belle !
Comment s’en sortir sans sortir ? envoisiné d’effrois multiples : peur, dépression, isolement social, chagrin, anxiété et j’en passe. Ô rage, ô désespoir, ô jeunesse craintive pour le présent et ton avenir. Tu n’avais qu’un seul être et tu le perds. Le monde est si inquiet qu’on ne pense jamais à l’instant présent, mais à celui où l’on vivra… peut-être. Vois les nouveaux confins du monde : le seuil de la porte, mitoyen d’autres seuils derrière lesquels d’autres quidams vivent aussi en reclus, ἀναχωρητές malgré nous. Car c’est cela que l’on est, masse amorphe reconnaissable dans une unique détresse, roseau le plus faible de la nature, errant dans un labyrinthe en quête d’un lien social, relié au fil de l’espoir.
Ah… ! Quo usque tandem abutere patientia nostra ?
L’impossible échappée belle ?
Comment s’en sortir sans sortir ? et sans abjurer sa foi en l’avenir. Ne pas céder aux sirènes. Soit tenter de changer l’ancien système, soit se faire déserteur. Se remettre aussi en question. Faire place nette à une conscience plus aιguë de la force de la nature. Conscience signifie choix. Le rôle de la conscience est de la décider. Quand le moment viendra, aie le courage de te servir de ton propre entendement. Il faudra agir en homme de pensée.
Monsieur l’Ancien Système,
J’ai couché sur le papier une très humble pensée
Que vous regarderez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mon formulaire de choix de conscience
Pour choisir le monde
Dans lequel je souhaiterais vivre.
J’ai l’intention de le remplir
Je veux laisser aux générations futures
Un meilleur monde.
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m’en vais déserter
Votre politique
La belle échappée…
Bintou Depotbecker
Photo : © MasterTux
Ce texte est tiré de la volée 2020-2021, animée par Éléonore Devevey.
Retrouvez tous les textes issus de cet atelier ICI.