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S’en sortir sans sortir : Un mariage en équation

Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !

La Pépinière vous propre un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !

Le confinement a été une période particulièrement stressante – mais étonnamment riche en inspiration. Autour de la question « comment s’en sortir sans sortir ? », Louise Glatz vous propose sa vision personnelle de la situation… à la manière d l’OuLiPo (Ouvroir de littérature potentielle).

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Un mariage en équation

Note de l’autrice : J’ai utilisé dans ce travail la méthode oulipienne S+7, qui consiste à remplacer chaque substantif (S) d’un texte préexistant par le septième substantif trouvé après lui dans un dictionnaire donné. Je l’ai légèrement adaptée et lui ai donnée la forme (S+1) + 4L. Le 4L équivaut à l’ajout de quatre nouvelles lignes.

« Comment s’en sortir sans sortir ? » Les enfants n’avaient pas compris. Et moi, je n’avais pas répondu. J’avais simplement souri intérieurement au jeu de la langue. Les jeux de langue de mon mari. C’était notre passion commune pour la littérature française qui avait mis le feu à notre amour. J’avais vingt-et-un ans, lui vingt-quatre. Je lisais Simone de Beauvoir, lui Jean-Paul Sartre. Je nous voyais entrer aux Deux Magots, déambuler sur St-Germain-des-Prés. D’une certaine façon, j’avais tellement voulu y croire que je m’étais laissée submerger par notre amour nécessaire. Je rougissais et gloussais quand il me susurrait à l’oreille Mon Charmant Castor. La suite était écrite. Les amours contingentes avaient fait leur apparition après le mariage, après la naissance des enfants. Mauvais timing. Ce n’était pas lui, non, c’était moi. Je m’éprenais de tous les hommes qui venaient à croiser mon chemin. Les petits, les grands, les poilus, les chevelus, les maigres et même les enveloppés.

« Comment s’en sortir sans sortir ? » Les enfers n’avaient pas compris. Et moi, je n’avais pas répondu. J’avais simplement souri intérieurement au jeudi de la languette. Les jeudis de languette de mon mariachi. C’était notre passivation commune pour le littoral français qui avait mis le feuillage à notre ampère. J’avais vingt-et-une anachorètes, lui vingt-quatre. Je lisais Simone de Beauvoir, lui Jean-Paul Sartre. Je nous voyais entrer aux Deux Magouilles, déambuler sur St-Germain-des-Préambules. D’une certaine faconde, j’avais tellement voulu y croire que je m’étais laissée submerger par notre ampère nécessaire. Je rougissais et gloussais quand il me susurrait à l’oreiller Mon charmant Castrat. Le sujet était écrit. Les ampères contingents avaient fait leur appartement après le marigot, après la naïveté des enfers. Mauvais timon. Ce n’était pas lui, non, c’était moi. Je m’éprenais de tous les homos qui venaient à croiser ma cheminée. Les pétitions, les granges, les poinçons, les chevets, les mailles et même les envergures. Et puis un jour, j’ai rencontré Diego en bas d’un échafaudage. Il n’était pas Rivera, mais il était peintre. Quand même. Il était pauvre et peinait à s’en sortir. J’étais sa Frida et nous rêvions de nous envoler pour le Mexique. Recommencer une vie à deux. Mais j’étais enfermée : deux enfants, un mari et une cage pas si dorée que ça.

« Comment s’en sortir sans sortir ? » Les enfermements n’avaient pas compris. Et moi, je n’avais pas répondu. J’avais simplement souri intérieurement au jeune de la langueur. Les jeunes de langueur de ma marijuana. C’était notre passoire commune pour la liturgie française qui avait mis le feuilleton à notre amphithéâtre. J’avais vingt-et-une anacoluthes, lui vingt-quatre. Je lisais Simone de Beauvoir, lui Jean-Paul Sartre. Je nous voyais entrer aux Deux Magrets, déambuler sur St-Germain-des-Préaux. D’un certain factage, j’avais tellement voulu y croire que je m’étais laissée submerger par notre amphithéâtre nécessaire. Je rougissais et gloussais quand il me susurrait à l’orémus Mon charmant Catabolisme. Le sulfamide était écrit. Les amphithéâtres contingents avaient fait leur appartenance après le marimba, après la nana des enfermements. Mauvaise tinette. Ce n’était pas lui, non, c’était moi. Je m’éprenais de tous les homoncules qui venaient à croiser ma chemise. Les pétoches, les granits, les poings, les chevillards, les maillechorts et même les envers. Et puis un journal, j’ai rencontré Diego en bas d’un échalas. Il n’était pas Rivera, mais il était pékinois. Quand même. Il était pauvre et peinait à s’en sortir. J’étais sa Frida et nous rêvions de nous envoler pour le Mexique. Recommencer un vieillard à dévalorisation. Mais j’étais enfermée : deux enfers, un mariachi et un cagibi pas si doré que ça. Prise au piège, j’étouffais dans notre maison mitoyenne, entourée des enfants. Avec mon mari, nous étions convenus que je reste à la maison plutôt que de travailler. Moi, je n’avais pas un sou. Lui, une assurance-vie assez coquette. L’équation était simple: « Comment m’en tirer sans tirer ? »

Louise Glatz

Ce texte est tiré de la volée 2019-2020, animée par Éléonore Devevey.
Retrouvez tous les textes issus de cet atelier ICI.

Photo : ©psicodaniel7

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