La plume : BA7La plume : créationLa plume : littérature

Variations : Comment s’en sortir sans sortir

Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !

La Pépinière vous propre un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !

Le confinement a été une période particulièrement stressante – mais étonnamment riche en inspiration. Autour de la question « comment s’en sortir sans sortir ? », Lora Perdichizzi vous propose sa vision personnelle de la situation… à la manière de l’OuLiPo (Ouvroir de littérature potentielle).

* * *

Exercice de variations

03h19. Comment s’en sortir sans sortir ? Ô Insomnie je te le demande. Je suis une nouvelle fois sous ton emprise. Je suis assise sur mon balcon et j’observe le paysage sombre autour de moi. J’arrive à peine à distinguer les arbres devant moi qui d’ordinaire rendent vivant le tableau. Noir. Je ne peux pas sortir, mais arriverais-je à m’en sortir ? Je sens une légère bise parcourir mon corps. Elle semble peindre ma figure frêle : de mon visage au bas de mes jambes. Je pense à toi. J’aimerais tellement te dire que je t’aime. Encore et encore crier sur les toits de ma ville jusqu’à ne plus avoir de souffle pour respirer. J’aimerais tellement te dire que tu es la seule personne qui occupe mes pensées du soir au matin. Pour que je puisse, enfin, m’endormir.

07h19. Comment s’en sortir sans sortir ? Je ne me suis toujours pas endormie. C’est l’aube. Je vois apparaître à l’horizon les premières lueurs du jour. Le tableau se dessine petit à petit devant moi et laisse les rayons du soleil illuminer mes yeux. J’entends le chant lyrique des oiseaux : ça me fait immédiatement songer à toi. Ta voix résonnant dans ma tête se confond avec la leur. J’aimerais tellement pouvoir te dire que j’ai besoin de toi et que je souffre de ton absence. J’aimerais tellement que tu me laisses t’aimer. J’aimerais tellement te retrouver pour m’en sortir… du moins à peu près, j’espère. Je te retrouverais ne t’en fais pas. Ô Nature prends-moi dans tes bras. Sers moi fort pour que je me sente vivante. Je veux partir avec toi.

11h19. Comment s’en sortir sans sortir ? Le soleil s’est levé. Ses rayons pénètrent mon corps fatigué par la Nuit. Ils réchauffent mon cœur en attendant ton retour. J’aimerais tellement que tu m’aimes, mais je ne peux pas t’y obliger. Les sentiments ne se contrôlent pas. Je suis triste. Triste comme l’hiver. Saison qui s’écoule doucement. J’attends le printemps patiemment. Pour que tout s’arrange dans ma vie. Que je sorte enfin de cette mélancolie. Et que les arbres récupèrent leurs couleurs vives et heureuses. Peut-être qu’un jour, touteois, nous nous retrouverons. À la faible lumière d’un réverbère une douce Nuit d’été. J’apercevrais enfin ton visage. Mon cœur s’emballerait devant chaque trait de ta figure parfaite. Ta peau glisserait sur la mienne comme le font les gouttes d’eau sur les feuilles des arbres après la pluie. Tes yeux brilleraient comme le reflet clair de la Lune dans l’eau sombre de l’étang. Tu me regarderais, intensément, et me sourirait de tes lèvres rosées avant de te pencher au-dessus de mon oreille, et de me chuchoter : « tu t’en es sortie ».

Lora Perdichizzi

Photo : © Free-Photos

Ce texte est tiré de la volée 2020-2021, animée par Éléonore Devevey.
Retrouvez tous les textes issus de cet atelier ICI.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *